11 avril 2024 -
CADA - Décision n° 391 : Commune – Avis juridique – Avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel (non) – Document inachevé ou incomplet (non) – Communication
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Commune – Avis juridique – Avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel (non) – Document inachevé ou incomplet (non) – Communication
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Nassogne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 6 février 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 6 février 2024 et reçue le 7 février 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 21 février 2024,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie électronique d’un avis juridique concernant les congés de l’ancien directeur général.
La partie requérante indique que « dans le journal "L’avenir du Luxembourg" du samedi 16 décembre 2023 qui parle de la réunion du Conseil Communal qui a eu lieu le 14 décembre 2020 et à laquelle [la partie requérante n’a] pas pu assister, toujours à propos des congés de l’ancien directeur général, il y est dit que la Commune a reçu un document intitulé dans l’article "avis juridique" ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 10 janvier 202
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 5 février 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 6 février 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
6. En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception relative à un avis ou une opinion communiqués librement et à titre confidentiel, prévue à l’article L3231-3, alinéa 1
er, 2°, du CDLD. Elle explique qu’ « il s’agit d’un avis communiqué librement et à titre confidentiel, en l’occurrence à la fédération des directeurs généraux, qui a transmis [à la partie adverse] ce document que pour information ».
La partie adverse se réfère à l’article L3231-3, alinéa 1er, 2°, du CDLD, qui dispose comme il suit :« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :
[…]
2° Concerne un avis ou une opinion communiqués librement et à titre confidentiel à l’autorité ; […] ».
La Commission rappelle que l’exception visée à l’article L3231-3, alinéa 1er, 2°, du CDLD est facultative et est soumise au respect de conditions cumulatives d’interprétation stricte. Il ressort ainsi d’une jurisprudence constante de la Commission que seuls des avis ou opinions peuvent être pris en considération, à l’exception de simples faits ou constats ; que l’avis ou l’opinion doit avoir été communiqué spontanément, librement à l’entité, en l’absence de toute obligation légale ; que l’avis ou l’opinion est communiqué, de manière expresse, sous le sceau de la confidentialité, à l’entité ; que la mention de ce caractère confidentiel doit être concomitante à la communication de l’avis ou de l’opinion ; enfin, que l’avis ou l’opinion doit émaner de tiers, à l’exclusion donc des fonctionnaires ou préposés de l’entité.
En l’espèce, la consultation juridique n’est pas communiquée sous le sceau de la confidentialité, en sorte que la communication de l’avis ne peut être refusée en application de l’article L3231-3, alinéa 1er, 2°, du CDLD. La confidentialité attachée à la correspondance entre un avocat et son client ne fait pas obstacle à la communication par ce dernier de cette correspondance à des tiers, d’autant plus qu’il s’agit en l’espèce d’une consultation juridique générale.
7. La partie adverse invoque également l’exception relative à la demande concernant un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet, prévue à l’article
L3231-3, alinéa 1er, 1°, du CDLD. La partie adverse indique que « ce document n’a pas fait l’objet d’une analyse au sein de [ses] services mais a été directement soumis à l’autorité de tutelle pour obtenir un avis officiel (en date du 5 décembre 2023), dont celui-ci n’a d’ailleurs toujours pas été rendu ».
La partie adverse explique que « ne s’agissant que d’un avis, externe et non validé par l’autorité de tutelle, [la partie adverse] estime par ailleurs que ce document ne peut être considéré comme complet au sens du CDLD ». La partie adverse précise toutefois qu’ « à la suite d’un avis officiel de l’autorité de tutelle, [la partie adverse] pourrait considérer que le document est "complet" et pourrait être communiqué ».
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :
1° Concerne un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet ; […] ».
La Commission rappelle que cette exception doit réunir deux conditions cumulatives : le document doit être inachevé ou incomplet, d’une part, et être source de méprise, d’autre part.
La Commission rappelle également que, selon sa jurisprudence, le caractère inachevé et incomplet, engendrant un risque de méprise, peut par exemple se dégager du caractère « non officiel » du document, présenté comme un instrument de travail dont toutes les conséquences ne sont pas dégagées, du caractère partiel des informations en possession de l’autorité ou encore de la présentation formelle du document qui peut être source de méprise[1].
En l’espèce, le document administratif sollicité n’a pas encore reçu l’avis officiel de l’autorité de tutelle. Le fait que l’autorité de tutelle ne se soit pas encore prononcée par rapport à cet avis n’a pas pour conséquence que ce document puisse être considéré comme inachevé et source de méprise. Il s’agit d’une analyse juridique quant aux règles applicables et à leur application. Cet avis juridique ne préjuge pas de l’analyse de la situation concrète qui sera opérée.
La Commission n’aperçoit pas quelle autre exception pourrait être invoquée pour refuser la communication de ce document.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante la consultation juridique relative au report des jours de congé d'un directeur général communal et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] Voy., notamment, les décisions n° 90 du 12 octobre 2020, n° 125 du 1er mars 2021, n° 131 et 132 du 12 avril 2021 et n° 151 du 3 mai 2021 de la CADA wallonne.