23 avril 2024 -
CADA - Décision n° 400 : Ville – Documents relatifs à des hébergements touristiques – Incompétence partielle – Recours sans objet
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Ville – Documents relatifs à des hébergements touristiques – Incompétence partielle – Recours sans objet
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Ville de Beauraing,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 9 mars 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 13 mars 2024 et reçue le 14 mars 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 21 mars 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande de publicité administrative, telle que formulée initialement devant la partie adverse et aujourd’hui portée devant la Commission vise la communication d’une copie des documents suivants :
« -Premièrement, le cadastre des hébergements touristiques de la commune de Beauraing (localisation et capacité d’accueil), en ce compris la localisation et la capacité d’accueil relatives aux 6 gites/hébergements touristiques qui seraient déjà présents sur le territoire du village d’Honnay. Nous souhaiterions ainsi connaître les éléments factuels qui ont conduit la Ville de Beauraing à considérer que le village d’Honnay serait en situation de "surdensité" touristique. Nous souhaiterions également connaître les "nuisances" qui auraient été constatées en raison de l’existence de cette prétendue "surdensité" touristique ;
-Deuxièmement, les éléments factuels qui ont amené la Ville de Beauraing à considérer que la location du gîte voisin à notre bien entraînerait déjà une "accumulation de véhicules en bordure de voirie bien au-delà du bien" ».
La partie requérante sollicite ces documents « à la suite d'une décision de refus d'un permis d'urbanisme ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III . Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 24 janvier 202
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 19 février 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 9 mars 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995 et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
IV.1. En ce qui concerne la demande de « connaître les éléments factuels » qui ont fondé la décision de refus de délivrance du permis d’urbanisme
6. La partie requérante souhaite connaître les « éléments factuels », d’une part, qui ont conduit la Ville de Beauraing à considérer que le village d’Honnay serait en situation de "surdensité" touristique, ainsi que les "nuisances" qui auraient été constatées en raison de l’existence de cette prétendue "surdensité" touristique et, d’autre part, qui ont amené la Ville de Beauraing à considérer que la location du gîte voisin à notre bien entraînerait déjà une "accumulation de véhicules en bordure de voirie bien au-delà du bien" ».
7. La Commission rappelle l’article 1
er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 qui définit le document administratif comme « toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une entité dispose ».
Par ailleurs, conformément à l’article 4, § 1er, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995, « Le droit de consulter un document administratif d’une entité et d’en recevoir copie consiste en ce que chacun, selon les conditions prévues par le présent décret, peut prendre connaissance sur place de tout document administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de copie (…) ».
Le droit d’obtenir des explications au sujet d’un document administratif est une des modalités de la publicité passive prévue par toutes les législations relatives à la publicité de l’administration.
Selon les travaux préparatoires de la loi fédérale, ce droit d’explications s’impose car « dans la plupart des cas, la publicité sans explications resterait lettre morte en raison du caractère administratif du langage utilisé ou de la technicité des documents »[1].
Selon la Commission fédérale d’accès aux documents administratifs, « le droit d’explication comprend seulement la possibilité pour le demandeur d’obtenir des informations dans un langage compréhensible au sujet du contenu d’un texte existant et se limite à cela »[2]. Elle précise par ailleurs que toute question (et donc toute demande d’explication) doit porter sur un document existant, et dont l’information est matérialisée sur un support[3].
La Commission régionale d’accès à l’information environnementale (CRAIE) rejette systématiquement les demandes d’explications lorsque « la réponse à ces demandes d’explications ou de précisions implique l’établissement d’un document nouveau »[4]. L’information doit donc préexister à l’explication, et l’autorité peut donc légitimement rejeter « les demandes qui impliqueraient un réel travail de consolidation, d’analyse ou d’interprétation de données de la part de l’autorité publique qui en est saisie »[5].
Il s’ensuit que les explications qui doivent être données par les autorités administratives se limitent strictement au contenu du document demandé et ne doivent porter que sur l’explication des termes administratifs, juridiques ou techniques utilisés dans ce document[6].
8. En l’espèce, ces chefs de demande de la partie requérante ne relèvent pas de la mise en œuvre du « droit de consulter un document administratif » tel que garanti par l’article 32 de la Constitution et modalisé par l’article 4, § 1
er, du décret du 30 mars 1995 mais visent en réalité à solliciter une motivation formelle plus étendue de la décision sur leur demande de permis d’urbanisme.
La Commission n’est pas compétente pour en connaître.
Il reste que la partie adverse expose ce qui suit dans sa réponse du 21 mars 2024, laquelle doit être considérée comme étant une note d’observations au sens de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995, dès lors que la partie adverse précise clairement que sa réponse est déposée « pour répondre [aux parties requérantes] » :
« Les arguments ayant conduit au refus du permis d'urbanisme sont, entre autres, les écarts par rapport au Guide communal d'urbanisme notamment l'absence d'un emplacement de stationnement par groupe ou fraction de groupe de deux couchages en site strictement privé et sans stationnement à l'arrière dans la zone de cours et jardin.
Certes le Guide communal d'urbanisme n'était pas encore en vigueur lors de l'instruction de la demande de permis mais était néanmoins déjà adopté par le Conseil communal et son prescrit en la matière déjà appliqué par l'autorité communale à l'égard de cas similaires.
Etant donné la position du bien en limite de propriété, l'impact sur le domaine public ne peut être évité sauf via du stationnement dans la zone de cours et jardin, ce qui ne peut être admis. Le gite voisin d'une capacité de neuf couchages ne possède que deux places de stationnement ce qui implique du stationnement sur l'excédent devant la bâtisse. Il s'avère que ce gite existait avant le changement de législation survenu au 30 janvier 2023, qu'il n'a donc pas pu être soumis aux mêmes obligations que celles imposées aujourd'hui.
Le recours au stationnement en bordure de voirie implique des problèmes de visibilité, et donc de sécurité, et gène la fluidité de la circulation. Les espaces publics disponibles à proximité dans le village ne sont pas prévus, ni aménagés et ne doivent pas servir à des fins de parking privé. Il revient au porteur de projet de couvrir les besoins de son projet sur son site.
Le changement de législation mis en place vise notamment à réguler la multiplication des hébergements touristiques, laquelle impacte l'aménagement du territoire et le développement communal. En effet, la multiplicité des hébergements touristiques, aggravée par celle des résidences secondaires, implique notamment : une augmentation de la pression foncière, génère des nuisances telles que le bruit, des difficultés de stationnement, une perte de vie rurale, une mise en péril des associations de village et des écoles.
Le village de Honnay compte 6 gites […]. Sur les 250 mètres de cette portion de […] se trouvent 4 hébergements de tourisme. L'impact pour les résidents restants ne peut donc être négligé.
Aussi, la notion de surdensité n'est pas qu'une question de chiffres, elle dépend de chaque village et de ses enjeux, du type d'habitat et de son étendue. Le village de Honnay comprend également une école dont la survie dépend de la présence de familles résidentes. Il est donc important de préserver l'habitat pour l'installation de celles-ci.
Dans le cas d'espèce, la bâtisse était occupée jusqu'en 2015 de façon permanente et n'a pas fait l'objet d'une taxe de résidence secondaire, de sorte qu'elle était donc affectée à une résidence permanente qui sera définitivement perdue par une transformation en hébergement de tourisme.
La circulaire ministérielle précise que l'affectation en hébergement touristique en zone d'habitat à caractère rural ne doit pas mettre en péril la destination principale de la zone et doit être compatible avec le voisinage. La destination principale de la zone étant définie au code comme la résidence, il ressort des éléments susvisés que le Collège a considéré qu'autoriser un gite supplémentaire à cet endroit revenait à ne pas respecter ces deux principes. La circulaire ajoute en outre : « (...) Les noyaux villageois sont destinés à accueillir majoritairement des habitations, des activités agricoles et des fonctions de bases ((...) écoles, (...) cabinets médicaux, pharmacies, ...) lesquelles assurent la dynamique des zones rurales tout au long de l'année. (...) ».
Enfin, si la bâtisse est charmante, il n'en demeure pas moins qu'elle ne présente pas une volumétrie et une superficie de terrain qui la rendrait inadaptée à une occupation classique ; que son agencement est tout à fait adapté pour une occupation familiale permanente.
Enfin, la volonté du Collège communal n'est pas d'empêcher tout développement touristique mais bien de l'encadrer afin de préserver l'équilibre entre les fonctions. Ici, accepter un nouvel hébergement touristique dans une rue qui en compte déjà 4 mettrait cet équilibre en péril. En effet, il revient à l'autorité communale de veiller à conserver une occupation permanente de l'habitat, de développer la vie des villages, de favoriser l'occupation de ses écoles, de préserver la zone d'habitat à caractère rural pour sa destination première et enfin de garantir la tranquillité de ses résidents par les moyens qui lui sont donnés et donc par une action sur les demandes de permis. Chaque demande fait ainsi l'objet d'une instruction particulière, l'aménagement du territoire et l'urbanisme étant directement lié à un emplacement bien précis et une bâtisse spécifique ».
IV.2. En ce qui concerne la demande d’obtention du cadastre des hébergements touristiques de la commune de Beauraing
9. Quant à sa demande d’obtenir le cadastre des hébergements touristiques de la commune de Beauraing (localisation et capacité d’accueil), en ce compris la localisation et la capacité d’accueil relatives aux 6 gites/hébergements touristiques qui seraient déjà présent sur le territoire du village d’Honnay, la partie adverse précise ce qui suit :
« […] ».
Il s’ensuit que, sur ce chef de demande, le recours n’a plus d’objet.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours en tant qu’il vise la demande de « connaître les éléments factuels » qui ont fondé la décision de refus de délivrance du permis d’urbanisme sollicité ne relève pas de la compétence de la Commission.
Le recours, en tant qu’il porte sur la demande d’obtention du cadastre des hébergements touristiques de la commune de Beauraing, n’a plus d’objet.
[1]
Doc.parl., Chambre, sess. 1992-1993, n° 1112/1, p. 14
[2] Avis n° 2014/64 du 28 juillet 2014 de la CADA wallonne.
[3] Avis n° 2014/48 du 2 juin 2014 de la CADA wallonne.
[4] Décisions n° 609 du 11 juin 2013 et n° 629 du 8 novembre 2013 de la CRAIE
[5] M. Delnoy, R. Smal, « La publicité de l’information en matière environnementale », dans V. Michiels (dir.), La publicité de l’administration, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 280-281, et les nombreuses références citées.
[6] Décision n° 361 du 16 novembre 2023 de la CADA wallonne.
[2] Avis n° 2014/64 du 28 juillet 2014 de la CADA wallonne.
[3] Avis n° 2014/48 du 2 juin 2014 de la CADA wallonne.
[4] Décisions n° 609 du 11 juin 2013 et n° 629 du 8 novembre 2013 de la CRAIE
[5] M. Delnoy, R. Smal, « La publicité de l’information en matière environnementale », dans V. Michiels (dir.), La publicité de l’administration, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 280-281, et les nombreuses références citées.
[6] Décision n° 361 du 16 novembre 2023 de la CADA wallonne.