11 avril 2024 -
CADA - Décision n° 393 : SPW Finances – Vente publique – Cahier des charges – Demande manifestement trop vague (non) – Demande manifestement abusive (non) – Document inachevé ou incomplet (non) – Obligation de secret prévue par la loi (non) – Recours partiellement sans objet – Communication partielle
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SPW Finances – Vente publique – Cahier des charges – Demande manifestement trop vague (non) – Demande manifestement abusive (non) – Document inachevé ou incomplet (non) – Obligation de secret prévue par la loi (non) – Recours partiellement sans objet – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Région wallonne, le Service Public de Wallonie, Finances, Direction du Comité d’acquisition du Brabant wallon,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er, alinéa 1er, et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 12 février 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 14 février 2024 et reçue le 15 février 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 23 février 2024,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie des documents suivants « relatifs à la vente de l’ancien couvent des Récollets par la Ville de Nivelles en 2017 :
le cahier des charges relatif à cette vente publique ;
le nom et les différentes offres des candidatsacquéreurs ;
tous les documents relatifs aux différents services ayant participé à/rédigé cette vente publique (service clientèle, IT, juridique, direction) ;
tous les documents validant cette vente publique ;
tous les documents relatifs à la vente conjointe de l‘ancien couvent des Récollets et de l’esplanade du Souvenir ;
tous les documents remis par les offrants ;
tous les documents des analyses détaillées pour chacune des offres (interne et externe) ;
tous les documents relatifs au choix du projet de Lixon suivant ces 2 analyses ;
toute correspondance (papier (à savoir les lettres, notes, documents) ou électronique (à savoir les mails, SMS ou autres), entre vos services et la Ville de Nivelles, son Collège, la Régie des bâtiments, et les différents offrants ».
La partie requérante a également saisi la Commission de recours pour le droit d’accès à l’information environnementale (CRAIE) d’un recours ayant le même objet.
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article 8
bis, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« Le recours devant la Commission peut être introduit par tout demandeur n'ayant pas obtenu satisfaction auprès de l'entité compétente par requête adressée au secrétariat de la Commission par lettre recommandée ou par tout autre moyen conférant date certaine à l'envoi et à la délivrance de cet envoi dans un délai de trente jours, qui en fonction du cas prend effet :
- le lendemain de la réception de la décision de rejet ;
- le lendemain de l'expiration du délai visé à l'article 6, § 5, ou à l'article 7, alinéa 2 ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 31 janvier 202
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 7 février 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 12 février 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième objets de la demande :
6. La partie adverse explique avoir communiqué à la partie requérante « les copies en sa possession des délibérations du Conseil communal de la Ville de Nivelles en ses séances des 8 août et 24 octobre 2016, du 20 février 2017, la copie de l’acte authentique de vente du 12 mai 2017, et le règlement de vente (ce que [la partie adverse considère comme] le cahier des charges) ». La partie adverse précise que « le nom et les offres des candidats figurent dans la délibération du 20 février 2017 du Conseil communal de la Ville de Nivelles » et que « les documents validant la vente publique sont les délibérations du Conseil communal de la Ville de Nivelles ». Elle indique qu’ « une réserve s’impose concernant le règlement de vente qui peut être un projet et donc pas le document définitif validé par le Conseil communal de la Ville de Nivelles ».
Concernant le cinquième objet de la demande, la partie adverse invoque l’exception relative à la demande formulée de façon manifestement trop vague, prévue à l’article 6, § 3, 4°, du décret du 30 mars 1995. La partie adverse communique à la Commission des documents qui, selon elle, correspondent à la demande.
L’article 6, § 3, 4°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, dans la mesure où la demande :
(…)
4° est formulée de façon manifestement trop vague ».
La Commission rappelle qu’une demande formulée de façon manifestement trop vague est relative à ce qui est confus, imprécis, indécis, indéfini, indéterminé[1]. Il s’agit notamment d’une demande qu’un agent familier de la matière concernée ne parvient pas à identifier, ou d’une demande équivoque[2].
En l’espèce, la demande porte de manière précise et sans équivoque sur « tous les documents relatifs à la vente conjointe de l‘ancien couvent des Récollets et de l’esplanade du Souvenir ». Cette demande a été comprise par la partie adverse comme visant « le règlement de vente, une copie d’écran sur le site des biens en vente du SPF, une annonce IMMOWEB et une affiche de vente » ce qui démontre qu’il est au moins possible d’identifier certains documents relatifs à cet objet.
Partant, l’exception n’est pas retenue.
Sur les troisième et neuvième objets de la demande :
7. La partie adverse invoque l’exception relative à la demande manifestement abusive, prévue à l’article 6, § 3, 3°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique « l’analyse des documents nécessiterait un temps de travail long et disproportionné compte tenu de la charge de travail pesant sur une équipe de dix agents et vu que la demande est formulée de façon très vague et imprécise pour y répondre correctement ». De plus, la partie adverse précise que « l’analyse consisterait, sans savoir où chercher, à veiller au respect de la vie privée et des exceptions prévues par l’article 6 du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration ou d’une autre exception légale ».
L’article 6, § 3, 3°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, dans la mesure où la demande :
(…)
3° est manifestement abusive » ; (…) ».
La Commission rappelle qu’ « une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive »[3].
Il a, par ailleurs, été jugé par le Conseil d’Etat que :
« Peut être considérée comme manifestement abusive […], la demande dont le traitement a pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’autorité qui en est saisie. Toutefois, cette exception au droit d’accès, qui est un droit fondamental, est d’interprétation stricte et l’autorité qui entend l’opposer à la demande dont elle est saisie doit la fonder sur les éléments propres au cas d’espèce et aptes à justifier concrètement le recours à cette hypothèse légale d’exception. Ces éléments doivent ressortir de la motivation formelle de la décision de refus »[4].
La Commission rappelle que les exceptions au droit fondamental à la publicité administrative sont de stricte interprétation et qu’un refus de communication sur la base de cette exception ne pourrait intervenir que dans le strict respect des principes ci-avant rappelés.
En l’espèce, dès lors que la demande porte sur un objet suffisamment précis, à savoir les échanges relatifs à la vente d’un bien immeuble déterminé, la partie adverse ne justifie pas de manière convaincante que la recherche des documents demandés représenterait une charge de travail mettant en péril le bon fonctionnement de l’administration.
Partant, l’exception n’est pas retenue.
8. La partie adverse invoque également l’exception relative à la demande formulée de façon manifestement trop vague, prévue à l’article 6, § 3, 4°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « la demande est manifestement équivoque dans la mesure où elle se confond avec la demande n° 9 » et que « la demande souffre d’une grande imprécision puisque la préparation d’un acte authentique requiert des échanges purement formels (souvent des lettres modèles) avec d’autres services ». Elle indique que s’il s’agit « des lettres modèles ou les renseignements », « un seul courrier a été adressé à la Ville de Nivelles pour la délivrance des renseignements urbanistiques » et qu’une copie a déjà été communiqué à la partie requérante.
Compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 6, la Commission réitère le constat selon lequel l’objet porte sur un objet suffisamment précis, à savoir les échanges relatifs à la vente d’un bien immeuble déterminé.
Partant, l’exception n’est pas retenue.
9. Concernant les « renseignements obtenus de l’Administration générale de la documentation patrimoniale », la partie adverse indique que « pour ces renseignements, les agents de la Région wallonne sont tenus par le secret professionnel (art. 236
bis du Code des droits d’enregistrement – Région wallonne et article 6, § 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration) ».
L’article 6, § 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
(…)
2° à une obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret ; (…) ».
La partie adverse soulève cette exception en se référant à l’article 236bis du Code des droits d’enregistrement – Région wallonne qui prévoit que :
« Celui qui intervient, à quelque titre que ce soit, dans l'application des lois fiscales ou qui a accès dans les bureaux de l’Administration générale de la documentation patrimoniale, est tenu de garder, en dehors de l'exercice de ses fonctions, le secret le plus absolu au sujet de tout ce dont il a eu connaissance par suite de l'exécution de sa mission.
Les personnes appartenant aux services, institutions ou organismes publics auxquels des renseignements, copies ou extraits ont été délivrés conformément aux dispositions du présent chapitre, sont tenues au même secret et elles ne peuvent pas les utiliser en dehors du cadre des dispositions légales pour l'exécution desquelles ils ont été délivrés.
Les fonctionnaires de l'Administration générale de la documentation patrimoniale, restent dans l'exercice de leurs fonctions, lorsqu'ils délivrent des renseignements, copies ou extraits conformément aux dispositions du présent chapitre ».
En l’espèce, à supposer que cette disposition impose une obligation de secret pour la partie adverse, elle ne serait applicable que pour certains documents – étant donné que certaines informations sont déjà publiques (par exemple, les informations publiées concernant la vente sur le site Immoweb) –, ce qu’il appartiendrait à la partie adverse de démontrer concrètement, quod non.
Partant, l’exception n’est pas retenue.
10. La partie adverse invoque par ailleurs l’exception relative à la demande concernant un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet, prévue à l’article 6, § 3, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « des échanges de mails précèdent souvent une conversation téléphonique ou une réunion, ou en sont le résultat » et que « les informations révélées par les mails peuvent être partielles et de nature à induire en erreur la compréhension qu’on peut avoir du dossier et donc source de méprise ».
L’article 6, § 3, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, dans la mesure où la demande :
1° concerne un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet ; (…) ».
La Commission rappelle que cette exception doit réunir deux conditions cumulatives : le document doit être inachevé ou incomplet, d’une part, et être source de méprise, d’autre part.
La Commission rappelle également que, selon sa jurisprudence, le caractère inachevé et incomplet, engendrant un risque de méprise, peut par exemple se dégager du caractère « non officiel » du document, présenté comme un instrument de travail dont toutes les conséquences ne sont pas dégagées, du caractère partiel des informations en possession de l’autorité ou encore de la présentation formelle du document qui peut être source de méprise[5].
Ne disposant pas des documents concernés, la Commission n’est pas en mesure de vérifier le bien-fondé de l’argumentation de la partie adverse relative à cette exception. Le caractère inachevé ou incomplet de ces documents ainsi que le risque de méprise qui y serait attaché n’est pas concrètement démontré.
Partant, l’exception n’est pas retenue.
11. Compte tenu de ce qui précède, par analogie avec l’article 8 ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la partie adverse doit communiquer le document concerné à la partie requérante, moyennant le respect des autres exceptions prévues à l'article 6 du même décret.
Sur les sixième, septième et huitième objets de la demande :
12. La partie adverse indique que « [son] Administration ne dispose pas des documents sollicités », et qu’elle a redirigé la partie requérante vers la ville de Nivelles et le Comité d’acquisition fédéral.
Partant, le recours est sans objet pour ces points.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est sans objet pour les sixième, septième et huitième objets de la demande.
Le recours est fondé pour le surplus. La partie adverse communique à la partie requérante les documents des premier à cinquième et neuvième objets de la demande, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995, autres que celles non retenues par la Commission et qui seraient applicables et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] C.E., n° 126.340 du 12 décembre 2003, Vanderzande.
[2] Voir décision n° 257 du 13 décembre 2022 de la CADA wallonne.
[3] Voy. avis n° 199 du 18 juin 2018 de la CADA wallonne.
[4] Voy. arrêt n° 250.170 du 19 mars 2021, A.S.B.L. Animal Rights.
[5] Voy., notamment, les décisions n° 90 du 12 octobre 2020, n° 125 du 1er mars 2021, n° 131 et 132 du 12 avril 2021 et n° 151 du 3 mai 2021 de la CADA wallonne.