28 mai 2024 -
CADA - Décision n° 408 : Commune – Procès-verbal – Demande manifestement abusive (oui) – Communication (non)
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Commune – Procès-verbal – Demande manifestement abusive (oui) – Communication (non)
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Nassogne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 10 avril 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 11 avril 2024 et reçue le 12 avril 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 26 avril 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie « des procès-verbaux de Collège communal de Nassogne pour les années 2022 et 2023, arrêté pour cette année 2023 à la date du 26 mars 2023 ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 26 mars 202
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 9 avril 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 10 avril 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995 et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
6. En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception relative à la demande manifestement abusive, prévue à l’article L3231-3, alinéa 1
er, 3°, du CDLD. Elle explique que la demande concerne « pas moins de 60 procès-verbaux de séance du Collège, faisant chacun entre 15 et 40 pages en fonction de l’ordre du jour. Dès lors, il s’agit, approximativement d’un millier de pages à traiter ». Elle indique également que « les contenus des procès-verbaux contiennent de nombreuses informations qui vont au-delà de la simple mention des décisions prises et qui peuvent être soumises à des exceptions légales (…). En effet, la sélection et l'examen de chacun des documents susvisés relève d'une logistique très conséquente, en terme[s] de temps de travail du personnel (et partant, de moyens financiers) pour les diverses vérifications au regard des différentes législations à respecter, notamment le respect de la vie privée et le secret des affaires ». De plus, elle avance que « l'examen auquel il doit ainsi être procédé ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à d'abord rassembler des pièces de dossiers mais encore à en extraire certaines, qu'il faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont. Vu le millier de pages en cause et la minutie qui doit présider à l'examen auquel il y a lieu de procéder, la charge de travail qu'occasionne celui-ci est d'une ampleur considérable ».
L’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme il suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :[…]
3° est manifestement abusive ou répétée ».
La Commission rappelle qu’ « une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive »[1].
Il a, par ailleurs, été jugé par le Conseil d’Etat que :
« Peut être considérée comme manifestement abusive […], la demande dont le traitement a pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’autorité qui en est saisie. Toutefois, cette exception au droit d’accès, qui est un droit fondamental, est d’interprétation stricte et l’autorité qui entend l’opposer à la demande dont elle est saisie doit la fonder sur les éléments propres au cas d’espèce et aptes à justifier concrètement le recours à cette hypothèse légale d’exception. Ces éléments doivent ressortir de la motivation formelle de la décision de refus »[2].
En l’espèce, la demande porte sur un nombre élevé de documents comprenant plus de 1.000 pages à analyser. De plus, la partie adverse avance que de nombreuses informations pourraient relever de la vie privée ou encore du secret des affaires. Un examen attentif serait donc nécessaire pour extraire les données communicables de celles qui ne le sont pas. Par ailleurs, une anonymisation de ces informations serait susceptible de solliciter un travail considérable pouvant mettre en péril le bon fonctionnement de l’administration et ce, sans écarter le risque de divulgation de données protégées.
Partant, il y a lieu de considérer la demande comme manifestement abusive et que la partie adverse pouvait valablement rejeter la demande de communication.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours n’est pas fondé. Les documents sollicités ne sont pas communiqués.