28 mai 2024 -
CADA - Décision n° 407 : Commune – Document relatif aux jours de congés de directeur général – Vie privée (non) – Irrecevabilité partielle – Communication partielle
Télécharger
Ajouter aux favoris
Connectez-vous ou inscrivez-vous pour ajouter à vos favoris.
Commune – Document relatif aux jours de congés de directeur général – Vie privée (non) – Irrecevabilité partielle – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Nassogne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 10 avril 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 11 avril 2024 et reçue le 12 avril 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 30 avril 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande initiale formulée le 11 mars 2024 auprès de la partie adverse porte sur la communication d’une copie des documents suivants relatifs « au dossier concernant les jours de congés excessifs de l’ancien directeur général Charles Quirynen » :
« - du calcul des jours excédentaires pris ;
- des mesures prises pour corriger cela ;
- l’avis juridique que vous aviez reçu en son temps (vous l’aviez refusé et le dossier est dans les mains de la CADA) ;
- la réponse éventuelle (si elle existe) du ministre Collignon à propos de cet avis ».
La partie requérante précise que « cette liste n’est pas exhaustive ».
A la suite de l’introduction de sa demande initiale, la partie requérante a formulé deux demandes complémentaires auprès de la partie adverse :
la première a été formulée le 21 mars 2024 et porte sur la communication d’une copie de « l’extrait du PV de la réunion du collège communal du 4 mars 2024 qui parle de ce dossier » ;
la seconde a été formulée le 28 mars 2024 et porte sur la communication d’une copie de l’extrait du procèsverbal de la réunion du collège communal du 25 mars 2024 aux termes de laquelle ce dernier lui a refusé sa demande d’accès aux documents sollicités.
Le recours auprès de la Commission porte sur les chefs de demande qui précèdent.
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme il suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 11 mars 2024 et a été complétée par une demande complémentaire adressée à la partie adverse le 21 mars 202
La partie adverse a explicitement rejeté ces demandes le 25 mars 2024. A la suite d’une demande de reconsidération introduite le 28 mars 2024 par la partie requérante, la partie adverse a précisé, le 9 avril 2024, qu’elle maintenait la décision déjà transmise.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 10 avril 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995 et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable concernant les documents sollicités les 11 mars et 21 mars 2024.
5. En ce qui concerne la demande complémentaire formulée le 28 mars 2024, celle-ci n’a pas pu faire l’objet de la décision de rejet du 25 mars 2024, confirmée le 9 avril 2024, dès lors que cette demande lui est postérieure.
Conformément à l’article L3231-3 du CDLD, la partie adverse dispose d’un délai de 30 jours à dater de la demande pour communiquer les motifs de l’ajournement ou du rejet de cette dernière.
Le recours ayant été introduit le 10 avril 2024, soit à un moment où la partie adverse était encore compétente pour statuer sur la demande, celui-ci est prématuré, et, partant, irrecevable concernant le document sollicité le 28 mars 2024.
IV. Examen au fond
6. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
7. La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu dans le délai imparti à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8
ter, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995.
Néanmoins, la partie adverse a, rapidement après l’expiration du délai susvisé, communiqué à la Commission des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
8. En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « la personne dont la vie privée est invoquée dans les divers documents (…) s’avère ne plus occuper une fonction publique et doit selon nous se voir protéger comme toute autre personne physique ». Elle ajoute qu’ « occulter l’une ou l’autre donnée à caractère personnel ne saurait faire perdre la possibilité de déterminer l’identité de la personne concernée par lesdits documents ».
9. Concernant la demande de l’avis juridique, la Commission a déjà fait droit à la demande d’accès par sa décision n° 391 du 11 avril 2024.
Partant, il n’y a plus lieu de statuer sur ce point.
10. Concernant la demande de communication des autres documents sollicités les 11 et 21 mars 2024, l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-3 du CDLD, dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; […] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
11. La Commission rappelle toutefois que toutes les données à caractère personnel au sens du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ne relève pas de la vie privée au sens de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. De manière constante, la Commission considère que les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Pour justifier une restriction au droit à la transparence administrative, il doit être établi que la publicité des informations concernées porte effectivement atteinte à la vie privée, un simple lien avec celle-ci ne suffisant pas. Une telle restriction est d’autant moins admissible lorsque les informations reprises dans le document administratif concerné présentent un intérêt public.
En l’espèce, à l’analyse des documents communiqués, la Commission constate que ces informations concernent la vie privée d’une personne au moment où elle exerçait une fonction publique. Le fait que cette personne n’occupe plus une fonction publique ne rend pas privé des données qui pouvaient présenter alors un intérêt public.
Il s’ensuit que l’exception doit être rejetée.
La Commission n’aperçoit pas, à la lecture des éléments communiqués par la partie adverse, quelles autres exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication des documents concernés.
Partant, la partie adverse doit communiquer ces documents à la partie requérante.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est irrecevable en ce qui concerne la demande de communication du procès-verbal de la réunion du collège communal du 25 mars 2024 formulée le 28 mars 2024, et recevable pour le surplus.
Le recours est fondé en ce qui concerne les documents suivants :
le calcul des jours excédentaires pris par l’ancien directeur général Charles Quirynen ;
le courrier adressé le 28 mars 2024 à ce dernier afin de corriger la situation ;
le courrier du ministre Collignon du 22 février 2024 concernant l’avis juridique ;
l’extrait du procès-verbal de la séance du collège communal du 4 mars 2024 concernant ce dossier.
La partie adverse doit les communiquer à la partie requérante et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.Le recours est rejeté pour le surplus.