28 mai 2024 -
CADA - Décision n° 405 : Intercommunale – Plan financier – Plan d'architecte – Informations environnementales – Document inachevé ou incomplet (non) – Secret des affaires (oui) – Irrecevabilité partielle – Incompétence partielle – Communication partielle
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Intercommunale – Plan financier – Plan d'architecte – Informations environnementales – Document inachevé ou incomplet (non) – Secret des affaires (oui) – Irrecevabilité partielle – Incompétence partielle – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
L’intercommunale Vivalia SCRL,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu les articles L1561-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel et courrier recommandé le 15 mars 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 20 mars 2024 et reçue le 21 mars 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 5 avril 2024,
Vu la note d’observations de la partie adverse, transmise à la partie requérante le 10 avril 2024,
Vu la demande d’audition de la partie adverse,
Vu la convocation adressée aux parties le 26 avril 2024 et le 30 avril 2024,
Entendu la partie requérante et la partie adverse le 28 mai 2024,
Vu la prolongation d’office du délai prévu à l'article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, suite à l'audition des parties le 28 mai 2024.
I. Objets de la demande
1. La demande initiale de publicité administrative auprès de la partie adverse portait sur la communication d’une copie des documents relatifs à « l’ensemble du dossier de subsidiation déposé auprès de la Région Wallonne » par la partie adverse, laquelle comprend « dans ses annexes différents documents à savoir notamment le plan financier et les plans d’architecte du projet Vivalia 2025 reprenant ceux du complexe hospitalier de Houdemont et des polycliniques ».
2. La demande formulée devant la Commission vise d’abord « une demande d’avis suite au refus opposé par la SCRL VIVALIA par courrier recommandé du 29 février 2024 à notre demande de communication de documents du 31 janvier 2024 ».
Ensuite, la partie requérante sollicite la communication des « pièces et documents déposés par VIVALIA SCRL à l’appui de sa demande de subsides introduite auprès de la Région Wallonne et notamment, le plan financier et les plans d’architecte du projet Vivalia 2025 reprenant ceux du futur complexe hospitalier de Houdemont et des futures polycliniques ».
II. Compétence de la Commission
3. L'article 2, § 1
er, du décret du 30 mars 1995 dispose :
« Le présent décret ne s’applique pas aux informations environnementales définies à l’article D.6., 11°, du Livre 1er du Code de l’Environnement ».
Selon l’article D.6, 11°, du livre Ier du Code de l’Environnement, la notion d’ « information environnementale » est définie comme étant :
« toute information, détenue par une autorité publique ou pour son compte, disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant :
a. l'état des éléments de l'environnement, tels que l'air et l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l'interaction entre ces éléments ;
b. des facteurs, tels que les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets dans l'environnement, qui ont ou sont susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments de l'environnement visés au point a. ;
c. les mesures, y compris les mesures administratives, telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a. et b., ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments ;
d. les rapports sur l'application de la législation environnementale ;
e. les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées au point c. ;
f. l'état de la santé humaine, la sécurité, y compris, le cas échéant, la contamination de la chaîne alimentaire, le cadre de vie, le patrimoine, pour autant qu'ils soient ou puissent être altérés par l'état des éléments de l'environnement visés au point a., ou, par l'intermédiaire de ces éléments, par l'un des facteurs, mesures ou activités visés aux points b. et c. ; ».
Ainsi, en vertu de l’article D.6, 11°, c., du livre Ier du Code de l’Environnement, la notion d’ « information environnementale » couvre toute information détenue par une autorité publique, concernant les mesures et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement ou destinées à protéger celui-ci[1].
Lorsque les documents ou informations faisant l’objet du recours constituent des informations environnementales telles que définies par l’article D.6, 11°, du livre Ier du Code de l’Environnement, la Commission n’est pas compétente et seule la Commission de recours pour le droit d’accès à l’information environnementale (CRAIE) est susceptible d’être compétente. Il ressort, en effet, des travaux parlementaires que l’intention des auteurs de l’avant-projet devenu le Code de l’Environnement est établie en ce sens que l’application des textes généraux relatifs à la publicité de l’administration (notamment pour les pouvoirs locaux) ne s’étend pas aux matières environnementales[2].
Cette exclusion de la compétence de la Commission au bénéfice de la CRAIE a été renforcée par le décret du 2 mai 2019 modifiant le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'Administration et le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer le rôle de la Commission d'accès aux documents administratifs de la Région wallonne, lequel a complété l’article 2, § 1er, du décret du 30 mars 1995 par un second alinéa rédigé comme suit :
« La commission de recours visée à l'article D.20.3, § 1er, du Livre 1er du Code de l'Environnement est chargée de l'application du présent décret pour les documents administratifs dans les recours qu'elle a à connaitre au titre de la procédure de rectification et de recours prévue au sein de la Section 3, du Chapitre II, du Titre 1er, de la Partie III du même Code ».
À ce sujet, les travaux parlementaires précisent :
« Concrètement, cela signifie dès lors que : d’une part, si une personne demande à se voir communiquer un élément de nature non-environnementale présent dans un document de nature environnementale et que celui-ci introduit un recours devant la CADA, celle-ci devra inviter ladite personne à introduire son recours non pas devant la CADA mais devant la CRAIE ; d’autre part, lors de ce recours, la CRAIE aura potentiellement à connaitre des demandes de ladite personne traitant d’informations environnementales (matière réglée par le Code de l’Environnement) et des demandes de cette même personne traitant d’informations non-environnementales réglées par le présent décret »[3],[4].
4. En l’espèce, les plans d’architecte du projet Vivalia 2025 sollicités par la partie requérante figurent les actes et travaux qui sont prévus dans le cadre du projet de futures implantations hospitalières.
De tels plans sont des informations environnementales au sens de l’article D.6, 11°, c., du livre Ier du Code de l’Environnement, dès lors qu’ils consistent en des mesures susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments énoncés aux points a. et b. de la même disposition.
La circonstance que la notion de « plans » au sens de l’article D.6. 11°, c., précité ne s’assimile pas au sens commun de « plans d’architecte » mais renvoie plutôt à la définition de « plans et programmes » reprises à l’article D.6, 13°, du livre Ier du Code de l’Environnement est sans incidence sur ce qui précède étant entendu que l’énumération des « mesures » y reprises est exemplative.
Dès lors, la demande de publicité administrative en tant qu’elle porte sur la communication des plans d’architecte litigieux ne relève pas de la compétence de la Commission.
5. En revanche, la Commission est compétente quant aux autres chefs de demande.
III. Recevabilité du recours
III.1. Recevabilité ratione temporis
6. L’article L1561-6, alinéas 5 et 6, du CDLD dispose comme suit :
« L’intercommunale ou la société à participation publique locale significative, au sens de l'article L5111-1, alinéa 1er, 10°, du Code qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique, dans un délai de trente jours de la réception de la demande, les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
7. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 2 février 2024.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 29 février 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 15 mars 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L1561-8, § 1er, du CDLD.
Il s’ensuit que le recours est recevable ratione temporis.
III.2. Recevabilité ratione materiae
8. En son premier chef de demande, la partie requérante sollicite « une demande d’avis suite au refus opposé par la SCRL VIVALIA par courrier recommandé du 29 février 2024 à notre demande de communication de documents du 31 janvier 2024 ».
9. La partie requérante ne précise pas en vertu de quel fondement juridique elle formule une telle demande.
Si la partie requérante fonde ce chef de demande sur l’article 8, § 2, du décret du 30 mars 1995, la demande est irrecevable, étant entendu qu’une demande d’avis ne peut être introduite que par une « entité » au sens de l’article 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 30 mars 1995, ce que n’est pas la partie requérante. Par ailleurs, le CDLD n’a pas consacré la faculté pour les personnes morales de droit public soumises à son régime, telle que la partie requérante, de soumettre une demande d’avis à la Commission.
Si le fondement de ce chef de demande doit plutôt être trouvé dans l’article 8, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, il y a lieu de relever que la partie requérante se méprend sur les prérogatives de la Commission, qui dispose non pas d’une compétence consultative mais d’une compétence décisionnelle en réformation.
Le recours est recevable ratione materiae pour le surplus.
IV. Examen au fond
10. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
11.1 En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception prévue à l’article L1561-6, alinéa 1
er, 1°, du CDLD relative à la demande concernant un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, celui-ci étant inachevé ou incomplet.
De manière générale, elle observe d’abord que le recours « porte sur une "demande de subsides" et, particulièrement, ses annexes ». Elle fait valoir que « [l]es documents en question sont, par nature, évolutifs dès lors qu’il s’agit de projets soumis dans le cadre du “plan pluriannuel de construction 2024-2028 en exécution du décret du 9 mars 2017 relatif au prix d’hébergement et au financement de certains appareillages des services médico-techniques lourds en hôpital” » et que « [c]es documents ont vocation à être modifiables – et modifiés – et ne sauraient donc être considérés comme des documents aboutis ».Elle précise ensuite que « le plan financier est bien inachevé et incomplet dès lors qu’il s’agit d’un état prévisionnel et qu’il ne bénéficie pas du retour de l’autorité compétente ». Elle ajoute qu’ « il est de nature à être source de méprise dès lors que des plans financières, encore à l’état de projet, sont susceptibles d’être incorrectement interprétés par [la partie requérante] ». La partie adverse rappelle la jurisprudence de la Commission précisant que « peuvent être source de méprise les projets de décision et de courrier soumis à la signature d’une autorité, qui sont des documents évolutifs, appelés à être modifiés, le cas échéant, et qui pourraient être source de méprise pour le citoyen, dès lors que des projets de courriers pourraient, dans leur présentation formelle, paraître très proches de la version définitive »[5]. La partie adverse craint que « les plans financiers se retrouvent dans les mains d’un nombre important de personnes voire même dans les médias » et insiste sur « la tendance de la plaignante à adresser dans les médias ses critiques envers le projet Vivalia 2025 et [sur] la nature même de la plaignante (une administration de plusieurs centaines d’agents) ».
11.2. L’article L1561-6, alinéa 1er, 1°, du CDLD dispose comme il suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’intercommunale ou la société à participation publique locale significative, au sens de l'article L5111-1, alinéa 1er, 10°, du Code peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :
1° concerne un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet ; (…) ».
La Commission rappelle que cette exception doit réunir deux conditions cumulatives : le document doit être inachevé ou incomplet, d’une part, et être source de méprise, d’autre part.
La Commission rappelle également que, selon sa jurisprudence, le caractère inachevé et incomplet, engendrant un risque de méprise, peut par exemple se dégager du caractère « non officiel » du document, présenté comme un instrument de travail dont toutes les conséquences ne sont pas dégagées, du caractère partiel des informations en possession de l’autorité ou encore de la présentation formelle du document qui peut être source de méprise[6].
En l’espèce, la demande de la partie adverse auprès de la Région wallonne ne se limite pas en tant que telle à une demande de subsidiation mais intervient en application du décret du 9 mars 2017 relatif au prix d’hébergement et au financement de certains appareillages des services médico-techniques lourds en hôpital. Une telle demande ne peut être considérée comme étant inachevée ou incomplète, mais est au contraire définitive, dès lors qu’il n’est pas contesté qu’elle a été soumise, telle quelle, à la Région wallonne et que la partie adverse ne soutient pas que l’autorité saisie l’ait considérée comme étant incomplète ou irrecevable. Il s’ensuit que l’exception doit être rejetée.
Au surplus, cette demande et le plan financier y attaché ont nécessairement une portée prévisionnelle. Considérer qu’au regard de cette nature particulière, les documents concernés seraient soustraits du droit à la publicité administrative revient à vider de sa substance ce droit fondamental, ce qui ne se peut.
Enfin, nonobstant le fait que l’exception n’est pas établie, la Commission observe qu’elle ne pourrait faire primer les intérêts protégés par la partie adverse sur le droit à la publicité administrative, étant entendu qu’eu égard aux articles de presse répertoriés par la partie adverse et apparemment suscités par la partie requérante, il ne ressort pas une attitude abusive dans le chef de celle-ci. Du reste, elle – et les personnes qui y officient – reste, en tout état de cause, soumise aux limitations au droit fondamental à la liberté d’expression, notamment celles prévues aux articles 443 et suivants du Code pénal.
12.1. La partie adverse soutient également que la demande vise des informations et des documents confidentiels protégés par le secret des affaires, puisqu’ils touchent à des programmes d'investissements futurs en termes d'offres de soins de qualité en province de Luxembourg.
Elle fait valoir qu’elle est une entreprise économique au sens de l'article I.1, 1°, du Code de droit économique.
Elle écrit ce qui suit :
« La communication du plan financier prévisionnel en ses différentes composantes ne peut être réalisée dès lors que celui-ci ressort au secret des affaires de l'entreprise Vivalia et qu’il constitue un document prévisionnel préparatoire sujet à modifications dans le temps.
Le plan financier n’est en effet pas connu des personnes qui s’occupent en général de gestion ou de stratégie hospitalière. Il est ainsi propre à Vivalia et secret au sens des dispositions légales et de la Directive européenne. Sa divulgation et son utilisation non contrôlée sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts économiques et financiers de Vivalia, à ses positions stratégiques et à sa capacité concurrentielle sur le marché wallon et européen des soins de santé (proximité des hôpitaux luxembourgeois et français) s'agissant d'éléments permettant entre autres de déterminer les composantes d'un prix d'hébergement à facturer au patient admis en hospitalisation, avec un résultat de calcul différent d'un hôpital à l'autre pour tenir compte de son profil établi au départ d'un juste prix. Il a aussi fait l’objet de dispositions raisonnables pour le garder secret comme le concrétise le présent refus. Les conditions requises afin de qualifier le document de secret d’affaires sont réunies ».
Elle expose que le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires et s’autorise, sur ce point, de la directive 2016/943/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, ainsi que de l'article I.17/1, 1°, du Code de droit économique. Elle détaille les raisons pour lesquelles elle estime que les trois conditions reprises dans cette disposition-ci sont rencontrées en l’espèce. Elle soutient que l’information est secrète, dès lors que « [l]es plans – tant financiers que d’architecte – de la demande de subside de l’intercommunale ne sont pas connus des personnes appartenant au milieu dès lors qu’elles sont soigneusement réservées à une liste précise de personnes (principalement membre du Conseil d’administration de Vivalia) ». Elle est d’avis que l’information a une valeur commerciale en faisant valoir qu’ « [i]l ne fait aucun doute que le plan financier du projet revêt une valeur commerciale compte tenu du fait que ce plan financier permet de prendre connaissance de la stratégie financière de Vivalia, les composantes des prix d’hébergement à facturer aux patients admis en hospitalisation, des critères de tarification en fonction des hôpitaux, … L’ensemble de ces informations, si elles étaient divulguées, sont susceptibles de porter atteinte à la capacité concurrentielle de Vivalia sur le marché wallon, belge et européen des soins de santé ». Concernant la troisième condition de faire diligence pour protéger le secret, elle expose qu’elle « n’a réalisé aucune publicité du plan de financement du projet en question. C’est justement l’objet de la demande, infondée, de la [partie requérante] » et elle souligne « que la transmission des documents en question a été monitorée de manière scrupuleuse par la Direction Générale et le Conseil d’administration de Vivalia afin de s’assurer qu’aucune diffusion non désirée ne soit réalisée ».
Elle assure qu’il y a lieu de rapprocher la situation d’espèce à celle des marchés publics et s’appuie, dans cette perspective, sur les articles 10 et 26 de la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l'information et aux voies de recours en matière de marchés publics et de certains marchés de travaux, de fournitures et de services.
12.2. La protection du secret des affaires est prévue à l’article L1561-6, alinéa 3, 3°, du CDLD qui dispose comme il suit :
« L’intercommunale ou la société à participation publique locale significative, au sens de l'article L5111-1, alinéa 1er, 10°, du Code rejette une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si la publication du document porte atteinte :
[…]
3° au caractère par nature confidentiel des informations d’entreprises ou de fabrication communiquées à l’intercommunale ou la société à participation publique locale significative, au sens de l'article L5111-1, alinéa 1er, 10°, du Code ».
Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires ce qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 118/2007 du 19 septembre 2007. Sont notamment concernés « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise ».
Le secret d’affaires est protégé par le Code de droit économique. L’article I.17/1, 1°, de ce Code le définit comme suit :
« […] information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
S’agissant d’une exception au droit fondamental à la publicité administrative, le secret des affaires doit être interprété restrictivement.
En l’espèce, les dossiers d’investissement ou de programmes d’investissement repris dans la demande litigieuse comportent, pour partie, des informations relevant du secret d’affaires de la partie adverse. En effet, un certain nombre d’informations repris dans ces documents paraissent être secrètes, ont une valeur commerciale résultant de leur caractère confidentiel et, en outre, paraissent faire l’objet de mesures par la partie adverse pour en maintenir le caractère secret. Tel est notamment le cas d’informations ressortant des mémoires détaillés, des documents explicitant les projets concernés, des plans financiers, des plans directeurs, des documents exposant les collaborations prévues et des documents explicitant l’adéquation des projets aux besoins de la population.
Dans les plans financiers, les informations relevant du secret d’affaires sont largement prépondérantes et celles étrangères au secret d’affaires sont généralement imbriquées dans celles-là. Au regard de ces particularités, il apparaît matériellement impossible d’imposer une communication partielle de ces plans financiers qui conserverait un degré suffisant d’intelligibilité et d’intérêt pour la partie requérante. Il en résulte que l’exception est fondée en tant qu’elle porte sur les plans financiers, qui ne doivent, partant, pas être communiqués.
En revanche, il apparaît matériellement possible de communiquer les autres documents de la demande concernée, tout en y caviardant les informations relevant du secret d’affaires, à appréhender strictement selon les enseignements précités. Il s’ensuit que l’exception est partiellement fondée en tant qu’elle vise les documents de la demande litigieuse, autres que les plans financiers.
13. La Commission n’aperçoit pas d’autre exception au droit à la publicité administrative qui soit susceptible d’emporter une communication moins étendue des documents concernés.
14. Compte tenu de la charge administrative en résultant, il y a lieu d’accorder à la partie adverse un délai de soixante jours pour communiquer à la partie requérante les documents concernés, expurgés des informations ressortant du secret d’affaires.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours ne relève pas de la compétence de la Commission en tant qu’il porte sur la communication de plans d’architecte.
Le recours est partiellement irrecevable en tant qu’il porte sur une demande d’avis.
Le recours n’est pas fondé en tant qu’il porte sur la communication des plans financiers. Ces documents ne sont donc pas communiqués.
Le recours est partiellement fondé en tant qu’il porte sur les autres documents que ceux précités de la demande introduite en application du décret du 9 mars 2017 relatif au prix d’hébergement et au financement de certains appareillages des services médico-techniques lourds en hôpital. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités, en y omettant uniquement les informations relevant du secret d’affaires et ce, dans un délai de 60 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] Voir en ce sens : CRAIE, décision n° 1240 du 21 juin 2022.
[2] Voir en ce sens : CADA, décisions n° 101 et n° 104 du 11 janvier 2021, et n° 118 du 1 er mars 2021.
[3] Décret du 2 mai 2019 modifiant le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'Administration et le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer le rôle de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) de la Région wallonne, amendements, Doc., Parl. w., 2018-2019, n°1075/11, p. 3.
[4] Voir en ce sens : CADA, décision n° 211 du 9 novembre 2021.
[5] Voir décision n° 195 du 11 octobre 2021 de la CADA wallonne.
[6] Voy., notamment, les décisions n° 90 du 12 octobre 2020, n° 125 du 1er mars 2021, n° 131 et 132 du 12 avril 2021 et n° 151 du 3 mai 2021 de la CADA wallonne.