20 juin 2024 -
CADA - Décision n° 422 : Organisme d'intérêt public –Rapport annuel – Cadastre des investissements – Cadastre des rémunérations – Document à caractère personnel (non) – Secret des affaires (oui) – Demande manifestement trop vague (non) – Demande manifestement abusive (non) – Recours sans objet – Communication partielle
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Organisme d'intérêt public –Rapport annuel – Cadastre des investissements – Cadastre des rémunérations – Document à caractère personnel (non) – Secret des affaires (oui) – Demande manifestement trop vague (non) – Demande manifestement abusive (non) – Recours sans objet – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La SA NOSHAQ,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er, alinéa 1er et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article 3, § 1er, 50°, du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l’administrateur public,
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 20 avril 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 23 avril 2024 et reçue le 26 avril 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 14 mai 2024,
Vu la note d’observations transmise à la partie requérante le 14 mai 2024 conformément à l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie des documents suivants :
« (...) entre le 1er janvier 2020 et le 12 mars 2024 :
- l’ensemble des rapports annuels de Noshaq, ainsi que toutes les annexes jointes à ces rapports sur la période mentionnée ci-dessus ;
- le cadastre des investissements réalisés sur la période mentionnée ci-dessus ;
- le cadastre des rémunérations du comité directeur de Noshaq, ainsi que du conseil d’administration, et ses évolutions, sur la période mentionnée ci-dessus ;
- le détail de l’actionnariat et ses évolutions sur la période mentionnée ci-dessus ».
La partie requérante indique, par courriel du 22 mai 2024, qu’il se désiste du dernier point de sa demande concernant « le détail de l’actionnariat et ses évolutions sur la période mentionnée ci-dessus » que la partie adverse lui a communiqué le 15 mai 2024. Cette demande ne fait donc plus l’objet du présent recours.
II. Compétence de la Commission
2. La partie adverse est une entité au sens de l’article 1
er, alinéa 1
er, 1°, du décret du 30 mars 1995, dès lors qu’elle est visée à l’article 3, § 1
er, 50°, du décret du 12 février 2004 « relatif au statut de l’administrateur public ».
La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article 8
bis, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« Le recours devant la Commission peut être introduit par tout demandeur n'ayant pas obtenu satisfaction auprès de l'entité compétente par requête adressée au secrétariat de la Commission par lettre recommandée ou par tout autre moyen conférant date certaine à l'envoi et à la délivrance de cet envoi dans un délai de trente jours, qui en fonction du cas prend effet :
- le lendemain de la réception de la décision de rejet ;
- le lendemain de l'expiration du délai visé à l'article 6, § 5, ou à l'article 7, alinéa 2 ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 12 mars 202
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 11 avril 2024, en application de l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 20 avril 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable ratione temporis.
5. La partie adverse soutient qu’un certain nombre des documents sollicités est à caractère personnel et que la partie requérante ne dispose pas de l’intérêt requis pour en obtenir la copie.
Selon l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
Pour toute demande relative à un tel document, l’article 4, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995 prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
En l’espèce, la Commission n’aperçoit pas en quoi les documents communiqués à la suite de la demande d’informations constituent des documents à caractère personnel. Pour les documents n’étant pas produits par la partie adverse, la Commission n’est pas en mesure de vérifier s’ils relèvent de l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995.
Dès lors, cette exception à la recevabilité du recours n’est pas fondée.
6. La partie adverse craint encore l’usage qui sera fait des documents produits, relevant que la partie requérante « est journaliste et qu’il prétend ne pas savoir quelle suite sera réservée aux documents dont il demande la communication, tout en précisant qu’il projette de rédiger un article qui s’intéresse aux entreprises financées par la SA Noshaq, s’agissant d’ ‘analyser les divers investissements de Noshaq ces dernières années, quels sont les secteurs privilégiés, la stratégie d’investissement, etc’ ».
La Commission estime que l’utilisation de documents obtenus en application du droit d’accès aux documents administratifs relève de la responsabilité de la partie requérante, à laquelle il appartient de veiller au respect des droits des tiers, en ce compris le droit à la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel des personnes concernées. Partant, il est de principe qu’il ne peut être dénié à une partie requérante le droit à la communication de documents administratifs par des craintes quant à son utilisation finale. Toutefois, sans que cela ne constitue en soi une exception légale à la publicité administrative, il peut être fait droit à l’argumentation de la partie adverse s’il est démontré que la partie requérante a fait un usage manifestement abusif de son droit à la publicité administrative par le passé et qu’il est raisonnable de penser qu’elle entend agir dans un même sens s’il était fait à nouveau droit à sa demande.En l’espèce, les craintes avancées par la partie adverse sur l’usage des documents concernés par la partie requérante sont vagues et non circonstanciées. Il s’ensuit que l’argument invoqué par la partie adverse n’est pas de nature à remettre en cause la recevabilité du présent recours.
7. Cela étant, la reconnaissance de l’intérêt du demandeur n’emporte pas automatiquement la reconnaissance d’un droit dans son chef d’accéder au document à caractère personnel sollicité. En effet, les exceptions prévues par le décret peuvent s’appliquer même si l’intérêt du demandeur est démontré.
IV. Examen au fond
8. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
9. La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu dans le délai imparti à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8
ter, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995.
Néanmoins, la partie adverse a, rapidement après l’expiration du délai susvisé, communiqué à la Commission des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
A titre liminaire :
10. La partie adverse n’a pas transmis la copie de l’intégralité des documents administratifs sollicités par la partie requérante en méconnaissance de l’article 8
ter, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995. Dans ces conditions, la Commission n’est pas en mesure d’apprécier de manière concrète et complète la pertinence des exceptions invoquées au regard des circonstances de l’espèce.
La Commission rappelle que ses membres et son secrétariat sont soumis au secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal, compte tenu de la nature des missions de la Commission, ce qui a été confirmé par la Cour constitutionnelle[1].
Il s’ensuit qu’il est de règle que, à défaut d’avoir transmis les documents à la Commission dans le cadre de l’instruction du recours, la partie adverse doit, conformément à l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, communiquer les documents demandés à la partie requérante, sous réserve des exceptions prévues à l’article 6 du même décret, en ce compris les précisions qui suivent.
Sur tous les objets de la demande :
11. La partie adverse invoque l’exception relative à la demande manifestement abusive, prévue à l’article 6, § 3, 3°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « [p]ratiquement tous les documents dont la communication est sollicitée par [la partie requérante] font d’ores et déjà l’objet d’une publicité et d’une publicité accessible par la voie de publications de la BNB (Banque Nationale de Belgique) et sur le site internet de la SA Noshaq » et qu’ « il est difficilement admissible que [la partie requérante] sollicite la communication, par le biais de la saisine de la CADA, de documents dont l’accès est garanti, alors même, qui plus est, [que la partie requérante] est journaliste et que l’accès à ces publications relève de l’exercice normal de sa profession ». Elle ajoute encore que « la rémunération des membres du conseil d’administration et celle du directeur général font l’objet d’une publication sur le site Internet de la SA Noshaq. Il en est de même de l’actionnariat de la SA Noshaq ».
11.1. La partie requérante réplique que « les "comptes annuels" ne sont pas des "rapports annuels" dès lors que la demande porte sur des objets suffisamment précis ; les règles de rémunérations ne sont pas les rémunérations effectives. En tout logique, il ne peut y avoir une confusion entre la règle et son application réelle. L’actualité nous le démontre assez souvent ; un "plan stratégique" ne constitue pas un "rapport annuel" ou "un cadastre des investissements" ;
in fine, aucune des informations/documents demandés dans ma requête du 12 mars 2024 n’est trouvable sur internet ».
Elle soutient encore que le cadastre des investissements qui est disponible sur le site de la partie adverse « n’est en réalité qu’un simulacre de cadastre. Cette page web se contente de répertorier les entreprises financées par Noshaq, mais n’indique ni les montants investis, ni le capital, ni les dates de ses opérations, ni les raisons ou justifications de ces investissements, ni d’autres informations essentielles. Or, Noshaq est un fonds d’investissement aux moyens partiellement public, mais dont l’actionnariat public est majoritaire ».
11.2. L’article 6, § 3, 3°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, dans la mesure où la demande :
(…)
3° est manifestement abusive » ; (…) ».
La Commission rappelle qu’ « une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive »[2].
Il a, par ailleurs, été jugé par le Conseil d’Etat que :
« Peut être considérée comme manifestement abusive […], la demande dont le traitement a pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’autorité qui en est saisie. Toutefois, cette exception au droit d’accès, qui est un droit fondamental, est d’interprétation stricte et l’autorité qui entend l’opposer à la demande dont elle est saisie doit la fonder sur les éléments propres au cas d’espèce et aptes à justifier concrètement le recours à cette hypothèse légale d’exception. Ces éléments doivent ressortir de la motivation formelle de la décision de refus »[3].
La Commission estime que doit être considérée comme abusive la demande de publicité qui vise des documents publiés et accessibles sans difficulté pour la partie requérante[4], tels ceux publiés sur le site internet de la partie adverse.
Il reste que, faute pour la partie adverse d’avoir répondu à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995 en adressant les documents administratifs sollicités, la Commission n’est pas en mesure d’exercer la mission qui lui est dévolue en pouvant apprécier concrètement la pertinence des arguments échangés.
Dans ces circonstances, il ne peut être fait droit à l'argument de la partie adverse et il ne peut être refusé, sur cette base, la communication sollicitée.
Par ailleurs, la partie adverse ne justifie pas de manière convaincante et circonstanciée que la recherche des documents demandés représenterait une charge de travail mettant en péril le bon fonctionnement de ses services.
Partant, l’exception n’est pas retenue.
Sur la demande relative au cadastre des investissements :
12. La partie adverse invoque l’exception relative à la demande formulée de façon manifestement trop vague, prévue à l’article 6, § 3, 4°, du décret du 30 mars 1995. La partie adverse indique ne pas « savoir exactement ce qui est réclamé par [la partie requérante]. Il s’agit essentiellement de la demande (très imprécise) portant sur la communication du "cadastre" des investissements réalisés de 2020 à 2024. Si cette demande porte sur la liste des sociétés dans lesquelles la SA Noshaq dispose de participations, les droits sociaux détenus par la SA Noshaq et le montant des capitaux propres de ces sociétés, ces informations sont mentionnées, année après année, en annexe des comptes annuels publiés par la BNB, en sorte que [la partie requérante] est en mesure de suivre l’évolution de ces investissements. Si cette demande porte sur d’autres informations, et sous réserve de ce qui sera précisé ci-après en ce qui concerne le secret des affaires, il ne peut pas être fait droit à la demande formulée compte tenu, non seulement, de son caractère trop vague, mais également du fait que s’il fallait communiquer l’intégralité des « dossiers », cette communication impliquerait la mobilisation de plusieurs membres du personnel de la SA Noshaq pendant plusieurs jours ».
L’article 6, § 3, 4°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, dans la mesure où la demande :
(…)
4° est formulée de façon manifestement trop vague ».
La Commission rappelle qu’une demande formulée de façon manifestement trop vague est relative à ce qui est confus, imprécis, indécis, indéfini, indéterminé[5]. Il s’agit notamment d’une demande qu’un agent familier de la matière concernée ne parvient pas à identifier, ou d’une demande équivoque[6].
En l’espèce, la demande porte de manière précise et sans équivoque sur « le cadastre des investissements réalisés sur la période comprise entre le 1er janvier 2020 et le 12 mars 2024 ». Cette demande a été comprise par la partie adverse comme visant soit « la liste des sociétés dans lesquelles la SA Noshaq dispose de participations, les droits sociaux détenus par la SA Noshaq et le montant des capitaux propres de ces sociétés, ces informations sont mentionnées, année après année, en annexe des comptes annuels publiés par la BNB, en sorte que [la partie requérante] est en mesure de suivre l’évolution de ces investissements », soit « d’autres informations, et sous réserve de ce qui sera précisé ci-après en ce qui concerne le secret des affaires, il ne peut pas être fait droit à la demande formulée compte tenu, non seulement, de son caractère trop vague, mais également du fait que s’il fallait communiquer l’intégralité des "dossiers", cette communication impliquerait la mobilisation de plusieurs membres du personnel de la SA Noshaq pendant plusieurs jours » ce qui démontre qu’il est au moins possible d’identifier certains documents relatifs à cet objet. Cette demande ne peut être qualifiée de « manifestement trop vague ». La partie adverse ne peut donc raisonnablement pas soutenir une difficulté à identifier les pièces dont elle dispose en relation avec ce dossier.
Partant, l’exception n’est pas retenue.
13. La partie adverse invoque l’exception relative à « la vie privée, en ce compris le secret d’affaires qui est intégré dans cette notion », prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « [p]our la communication des raisons de confidentialité manifeste, liée au secret des affaires, l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 est d’application et empêche la communication d’autres informations que celles qui sont publiées par la BNB et sur le site internet de la SA Noshaq (par exemple, les informations communiquées par les entreprises financées, les notes d’investissement qui y sont relatives (documents d’analyse purement internes reprenant des informations confidentielles et contenant des avis subjectifs sur les sociétés, leurs activités, leurs stratégie, …), …) sous peine de violer les obligations légales et engagements, y compris ceux de nature contractuelle, noués avec ces entreprises ».
La partie adverse « fait valoir au titre de la protection du secret des affaires, les éléments qui suivent et qui ne sont pas exhaustifs :• Noshaq S.A. est une société anonyme de droit privé même si elle est soumise au décret du 30 mars 1995 ;
• Organisation : Noshaq poursuit un but lucratif. Le Code des sociétés et associations s’applique. Noshaq établit un budget, un plan stratégique et suit un business plan, tous trois adoptés par son organe décisionnel sans ingérence des pouvoirs publics ;
• Opérateur en économie de marché : Noshaq S.A. se comporte comme un investisseur privé en économie de marché puisqu’il intervient à des conditions normales de marché (comportement comparable à « celui de l’investisseur ordinaire plaçant des capitaux en vue de leur rentabilisation à plus ou moins court terme ») ;
• La position du GW : à l’occasion d’une décision prise en septembre 2022 dans le cadre de la fusion des outils "Sogepa-Sriw-Sowalfin", le Gouvernement wallon a rappelé que : "compte tenu de leur autonomie de gestion, ces activités sont accomplies par les Invests à leurs propres risques, de sorte que les engagements qu’ils souscrivent sur le marché le sont pour leur propre compte et qu’il appartient à eux seuls de garantir la recherche d’un niveau suffisant de rentabilité de leurs activités notamment par la perception de revenus liés aux actifs et passifs qu’ils détiennent. Outre les avances mises à disposition des Invests par la Région et la Sowalfin, les Invests disposent de moyens autres que les avances pour financer leurs activités" ;
• Entre 2021 et 2023, Noshaq a levé 183 millions d’euros auprès d’autres actionnaires que la Région wallon et auprès d’institutions bancaires. Ce sont ces moyens qui permettent à Noshaq de prendre des décisions d’investissement de 122 millions d’euros en moyenne sur les 5 dernières années. En vingt ans, la moyenne annuelle de l’activité d’investissement décidée par Noshaq a été multipliée par quinze ;
• Self-supporting : Noshaq S.A. ne reçoit aucune subvention du Gouvernement wallon et se doit dès lors d’être self-supporting, c’est-à-dire de couvrir ses propres frais de fonctionnement, à l’instar de n’importe quelle entreprise privée sur le marché ;
• Funding : Noshaq S.A. se positionne comme un fonds d’investissement et une société de gestion de fonds, qui, afin de financer son activité, s’est engagée auprès de ses actionnaires à assurer une rentabilité normale de leurs investissements par le versement d’un dividende de 4% annuel. Par ailleurs, seule une partie de ses moyens financiers lui sont octroyés (en capital ou prêt) par Wallonie Entreprendre. En effet, Noshaq S.A. lève des moyens financiers auprès de ses différents actionnaires mais aussi en dette auprès du secteur bancaire et de Wallonie Entreprendre à un taux de marché. A noter que Noshaq S.A. ne bénéficie plus depuis le 1er juillet 2018 du système d’abandon de créance de la Région wallonne, de sorte qu’il assume seul ses pertes ;
• Noshaq poursuit le financement et le développement des PME liégeoises. Elle revêt un caractère « industriel et commercial », notamment au regard des 3 critères dégagés par l’arrêt du 22 mai 2003 de la CJUE (rkkitehtuuritoimisto Ritta Korhonen Oy, C-18/01) : poursuit un but de lucre, supporte ses pertes et opère dans les conditions normales du marché ;
• Noshaq investit dans des sociétés cotées ou non. Afin d’analyser les dossiers qui lui sont soumis (prises de participation, financement,…), des secrets d’affaires lui sont confiés. Elle doit régulièrement signer des conventions de confidentialité (« non disclosure agreement » ou NDA). En tant que détenteur de secrets d’affaires au sens de l’article I.17/1 du Code de droit économique (inséré dans ledit code par une loi du 30 juillet 2018 transposant la Directive (UE) 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites), Noshaq est légalement tenue de respecter l’interdiction de divulgation et les limites à l’utilisation des secrets d’affaires confiés, prévus par les accords de confidentialité conclus (voir article XI.332/4 du Code de droit économique) ;
• Noshaq est par ailleurs actionnaire et administratrice de nombreuses sociétés vis-à-vis desquelles, en ces qualités, elle est tenue à une obligation de confidentialité (qu’elle soit expressément prévue par les règles internes des organes ou par les statuts des sociétés participées, ou qu’elle ressorte du droit commun). Il est à noter que, dans la mesure où elle n’agit en qualité d’administrateur que par l’intermédiaire de personnes physiques (administrateurs, CEO, salariés, …), celles-ci sont soumises à un strict respect de la confidentialité pour toute information dont elle aurait connaissance (voir notamment l’article 18 du règlement d’ordre intérieur des organes de gestion) ;
• Ne pas respecter cette confidentialité serait préjudiciable pour ces entreprises, comme pour Noshaq et sa réputation. La responsabilité de Noshaq pourrait également être mise en cause par les entreprises participées ou financées dont des secrets d’affaires pourraient être divulgués par [la partie requérante], et les mesures et sanctions prévues par les articles XI.336/3 à XI.336/5 du Code de droit économique pourraient être sollicitées par ces entreprises ;
• … ».
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…] ».
Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires ce qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 118/2007 du 19 septembre 2007. Sont notamment protégés « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise ».
Le secret d’affaires est protégé par le Code de droit économique. L’article I.17/1, 1°, de ce Code le définit comme suit :
« (…) information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
S’agissant d’une exception au droit fondamental à la publicité administrative, le secret des affaires doit être interprété restrictivement.
Comme déjà exposé, faute pour la partie adverse d’avoir répondu à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995 en adressant les documents administratifs sollicités, la Commission n’est pas en mesure d’exercer la mission qui lui est dévolue.
Dans ce contexte, la Commission décide que la communication des documents demandés doit être assurée conformément aux enseignements qui précèdent, tout en y caviardant les informations relevant du secret d’affaires, à appréhender strictement selon les enseignements précités.
Partant, l’exception n’est pas retenue.
14. Sous réserve de ce qui précède, aucune autre exception légale ne fait obstacle à la communication du document sollicité.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents suivants :
- l’ensemble des rapports annuels de Noshaq, ainsi que toutes les annexes jointes à ces rapports sur la période mentionnée ci-dessus ;
- le cadastre des investissements réalisés sur la période mentionnée ci-dessus ;
- le cadastre des rémunérations du comité directeur de Noshaq, ainsi que du conseil d’administration, et ses évolutions, sur la période mentionnée ci-dessus ;
et moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et spécialement l’exception relative au secret des affaires et ce, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision.
Pour le surplus, le recours est sans objet.
[1] C.C., 25 novembre 2021, n° 170/2021, B.2.8.
[2] Voy. avis n° 199 du 18 juin 2018 de la CADA wallonne.
[3] Voy. arrêt n° 250.170 du 19 mars 2021, A.S.B.L. Animal Rights.
[4] Voir décisions n° 91 du 12 octobre 2020 et n° 206 du 11 octobre 2021 de la CADA wallonne.
[5] C.E., n° 126.340 du 12 décembre 2003, Vanderzande.
[6] Voir décision n° 257 du 13 décembre 2022 de la CADA wallonne.