23 juillet 2024 -
CADA - Décision n° 431 : Ville – Circulaire – Règlement – Demande d'explication – Incompétence – Rejet du recours
Télécharger
Ajouter aux favoris
Connectez-vous ou inscrivez-vous pour ajouter à vos favoris.
Ville – Circulaire – Règlement – Demande d'explication – Incompétence – Rejet du recours
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La ville de Mons,
La Zone de Police de Mons-Quévy,
Parties adverses,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 10 mai 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 23 mai 2024 et reçue le 24 mai 2024,
Vu la réponse de la Ville de Mons du 5 juin 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande initiale porte sur la communication d’une copie des documents de la requête suivante adressée à la Ville de Mons sur Transparencia le 9 avril 2024 :
« Le 9 avril 2024, à 16h25, dans le piétonnier, deux policières non identifiables (malgré l'Article 41.[1, § 1er] de la loi sur la fonction de police, à l'article 112quinquies du Code d'instruction criminelle) ont menacé des personnes mendiantes de sanctions, (en opposition au RGP du 14 septembre 2021, Section 3, Comportements dérangeants, Article 48 sur la mendicité (§1-5))
Celles-ci ont, en vertu de directives internes prétendument émises par le bourgmestre, signalé que la mendicité est aujourd’hui totalement interdite à Mons. Les sanctions varient de 200 à 350€, la privation de liberté, la suspension de droits sociaux, l'interdiction de territoire, la confiscation d'animaux, etc. Elles ne sont pas les premières à tenir ce discours sur l’existence de mots d’ordre et notes internes ou communications.
Leurs actions s'appuient sur de supposées notes internes qui leur donneraient l'autorité de déroger à ces lois. Une pratique qui soulève des questions sur la légalité de ces directives et la conformité pour la mendicité de l'arrêt LACATUS de la CEDH du 19/01/21.
Je sollicite, par voie numérique, toute note interne, PV, circulaires et autres documents justifiant ces actions. Documents qui devaient être accessibles aux forces de l'ordre, au CC et à la population. Ces documents sont essentiels pour évaluer la légitimité des pratiques signalées, en contradiction avec la charte de la ville, le RGP 12/09/21 : Art 48, l'Article 41 fonction de police et autres dispositions légales. S'ils n'existent pas sur quelles bases documentée ces policiers agissent, veuillez m'en donner information et documents. »
Dans son recours, la partie requérante explique avoir fait une demande « auprès de la police et de la ville de Mons pour connaître les règlements écrits ou circulaires qui perm[e]ttaient aux policiers montois d’être présents sur l’espace publique sans être identifiables de quelque manière que ce soit ». Elle ajoute que « Dès lors, soit la ville de Mons a dans ses papiers une circulaire interne ou externe qui permette de déroger à la règle, ou un règlement ou un arrêté communal ou tout autre. Si il cela n’existe pas alors c’est que cette ville et sa police sont en infraction ». Elle précise également que « L’autre partie de la demande qui concerne la mendicité a abouti à une réponse claire et précise de la direction générale de la ville, la mendicité n’est interdite que si elle est agressive, il n’y a donc aucun écrit qui contredise les RGP montois et ceux qui y dérogent et prétendent le contraire ont une action irrégulière. Cela sera bien utile aux associations et aux personnes qui se font arrêter. Donc je n’ai pas besoin de votre arbitrage pour la partie mendicité, juste pour la partie indentification sujet éminemment brulant ».
II. Compétence de la Commission
2. La seconde partie adverse est une zone de police pluricommunale. Sur la base de l’article 9, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, une telle zone est dotée de la personnalité juridique. Il ne s’agit pas d’une entité visée par l’article 1
er, alinéa 1
er, 1°, du décret du 30 mars 1995 en sorte que le recours en tant qu’il concerne ladite zone ne relève pas de la compétence de la Commission.
3. La Commission est compétente pour connaître du recours en tant qu’il est dirigé contre la Ville de Mons.
III. Recevabilité du recours
4. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
5. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 9 avril 2024.
La partie adverse a explicitement considéré que la demande était sans objet le 8 mai 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 10 mai 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995 et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
6. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
7. En l’espèce, la partie adverse indique qu’elle ne dispose « aucunement des documents sollicités visées par [la] demande initiale [de la partie adverse] ». De plus, concernant « l’absence de retour quant à la dimension "identification des policiers", la partie adverse explique qu’ « [à] titre principal, nous nous rallions à l’analyse rendue par […] selon laquelle la demande initiale ne s’apparente nullement à une demande d’accès à des documents administratifs. Au contraire, il s’agit davantage d’une demande d’analyse juridique de textes de lois régulièrement publiées et accessibles publiquement. Une telle demande s’écarte assurément du champ d’application de la règlementation relative à la publicité de l’Administration ». Elle précise qu’elle ne dispose « d’aucun document administratif qui dérogerait aux prescrits légaux encadrant l’identification des policiers ».
Partant, le recours est sans objet.
L’objet du recours précise encore que « S'ils [les documents sollicités] n'existent pas sur quelles bases documentée ces policiers agissent, veuillez m'en donner information et documents ».
Par ailleurs, conformément à l’article L3231-1, alinéa 1er, du même Code, « Le droit de consulter un document administratif d'une autorité administrative provinciale ou communale et de recevoir une copie du document consiste en ce que chacun, selon les conditions prévues par le présent livre, peut prendre connaissance sur place de tout document administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de copie ».Le droit d’obtenir des explications au sujet d’un document administratif est une des modalités de la publicité passive prévue par toutes les législations relatives à la publicité de l’administration.
Selon les travaux préparatoires de la loi fédérale, ce droit d’explications s’impose car « dans la plupart des cas, la publicité sans explications resterait lettre morte en raison du caractère administratif du langage utilisé ou de la technicité des documents » (Doc.parl., Chambre, sess. 1992-1993, n° 1112/1, p. 14).
Selon la Commission fédérale d’accès aux documents administratifs, « le droit d’explication comprend seulement la possibilité pour le demandeur d’obtenir des informations dans un langage compréhensible au sujet du contenu d’un texte existant et se limite à cela » (avis n° 2014/64 du 28 juillet 2014). Elle précise par ailleurs que toute question (et donc toute demande d’explication) doit porter sur un document existant, et dont l’information est matérialisée sur un support (avis n° 2014/48 du 2 juin 2014).
La Commission régionale d’accès à l’information environnementale (CRAIE) rejette systématiquement les demandes d’explications lorsque « la réponse à ces demandes d’explications ou de précisions implique l’établissement d’un document nouveau » (décisions de la CRAIE n° 609 du 11 juin 2013, et n° 629 du 8 novembre 2013). L’information doit donc préexister à l’explication, et l’autorité peut donc légitimement rejeter « les demandes qui impliqueraient un réel travail de consolidation, d’analyse ou d’interprétation de données de la part de l’autorité publique qui en est saisie » (M. Delnoy, R. Smal, « La publicité de l’information en matière environnementale », dans V. Michiels (dir.), La publicité de l’administration, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 280-281, et les nombreuses références citées).
Il s’ensuit que les explications qui doivent être données par les autorités administratives se limitent strictement au contenu du document demandé, et ne devraient porter que sur l’explication des termes administratifs, juridiques ou techniques utilisées dans ce document. Il est néanmoins possible que, dans ce cadre, des étapes de l’instruction du dossier doivent parfois être expliquées[1].
Par conséquent, le droit d’obtenir des explications au sujet d’un document administratif suppose que ce document soit identifié et existant, et ne peut être interprété comme ouvrant un droit général à interroger une entité sur une thématique donnée, par le biais de questions ouvertes appelant des justifications ou explications d’ordre général.
La Commission rappelle, par ailleurs, que les entités administratives ne sont pas tenues de créer un document administratif nouveau pour remplir leurs obligations relatives à la publicité passive[2].
En l’espèce, l’objet du recours, en tant qu’il porte sur les « bases documentée[s] » relatives à la manière dont « ces policiers agissent », revient à solliciter des explications générales sur la thématique de l’identification des agents de police conformément à l’article 41 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, qui n’est pas visé par le décret du 30 mars 1995.
En cet aspect, le recours est rejeté.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours ne relève pas de la compétence de la Commission en tant qu’il vise la zone de police Mons-Quévy.
Le recours est rejeté pour le surplus
[1]
Dans sa décision n° 41 du 2 mars 2020, la CADA wallonne précise, à cet égard, que l’« on peut penser par exemple à la présence, dans le document, du nom d’une institution ou d’un organe consultatif. L’administration serait alors tenue d’expliquer quel est cette institution ou cet organe et, sans doute, quel a été son rôle dans l’élaboration du document ».
[2] Décisions n° 147 du 3 mai 2021, n° 158 du 7 juin 2021, n° 159 du 7 juin 2021 et n° 191 du 6 septembre 2021 de la CADA wallonne.
Sur cet aspect du recours, il est rappelé que l’article L3211-3, 2°, du CDLD définit le document administratif comme « toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une autorité dispose »
[2] Décisions n° 147 du 3 mai 2021, n° 158 du 7 juin 2021, n° 159 du 7 juin 2021 et n° 191 du 6 septembre 2021 de la CADA wallonne.