10 septembre 2024 -
CADA - Décision n° 439 : Organisme d'intérêt public – CRP Les Marronniers – Procès-verbal – Evaluation – Demande manifestement abusive (non) – Avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel (oui) – Communication partielle
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Organisme d'intérêt public – CRP Les Marronniers – Procès-verbal – Evaluation – Demande manifestement abusive (non) – Avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel (oui) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
Le Centre régional psychiatrique « Les Marronniers »,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er, alinéa 1er, et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article 3, § 1er, 3°, du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l'administrateur public pour les matières réglées en vertu de l'article 138 de la Constitution,
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel et courrier recommandé le 29 mai 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 31 mai 2024 et reçue le 3 juin 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 13 juin 2024,
Vu la demande d’audition de la partie requérante,
Vu la convocation adressée aux parties le 24 juillet 2024 et le 6 août 2024,
Entendu la partie requérante et la partie adverse le 10 septembre 2024,
Vu la prolongation d’office du délai prévu à l'article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, suite à l'audition des parties le 10 septembre 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie et la consultation « du dossier administration du RHESEAU et / ou DES MARRONNIERS relatif au travail et à l’évaluation éventuelle du travail, dans le cadre du conventionnement, de [la partie requérante]. (…) Ces documents sont au minimum :
Tous les documents et procès-verbaux du comité ou de toute autre structure interne du réseau concernant [la partie requérante],
Ainsi que les procès-verbaux du comité de pilotage relatif à la méthodologie de [la partie requérante],
Les P-V, relatifs à la méthodologie du travail de groupe de [la partie requérante],
Sans rien retenir ni réserver.
Il convient d’y ajouter tout autre pièce relative à l’appréciation du travail relatif à [la partie requérante], et les annexes en relation avec elle ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article 8
bis, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« Le recours devant la Commission peut être introduit par tout demandeur n'ayant pas obtenu satisfaction auprès de l'entité compétente par requête adressée au secrétariat de la Commission par lettre recommandée ou par tout autre moyen conférant date certaine à l'envoi et à la délivrance de cet envoi dans un délai de trente jours, qui en fonction du cas prend effet :
- le lendemain de la réception de la décision de rejet ;
- le lendemain de l'expiration du délai visé à l'article 6, § 5, ou à l'article 7, alinéa 2 ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 29 mars 2024 et réceptionnée le 2 avril 202
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 1er mai 2024, en application de l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 29 mai 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable ratione temporis.
5. Pour toute demande relative à un document à caractère personnel, l’article 4, § 1
er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995 prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
Selon l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
En l’espèce, la partie requérante est personnellement concernée par les documents sollicités.
Dès lors, le recours est recevable.
6. Cependant, la reconnaissance de l’intérêt du demandeur n’emporte toutefois pas automatiquement la reconnaissance d’un droit dans son chef d’accéder au document à caractère personnel sollicité. En effet, les exceptions prévues par le décret peuvent s’appliquer même si l’intérêt du demandeur est démontré.
IV. Examen au fond
7. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
8. En l’espèce, la partie adverse informe la Commission que « la demande d’accès introduit[e] par le conseil de [la partie requérante] n’a pas été rencontrée dans la mesure où les documents demandés se trouvaient déjà en possession de celle-ci. En effet, il s’agissait des documents suivants :
- La convention de collaboration conclue entre [la partie requérante] et le réseau ;- L’avenant à cette convention ;
- La convention de collaboration conclue entre l’asbl art et culture et le réseau ;
- Une fiche descriptive du projet « Corpsy » de [la partie requérante] ;
- Les statuts de l’asbl art et culture ;
- Les courriels échangés entre le coordinateur du réseau et [la partie requérante] ; ».
La partie adverse ajoute que « [p]our les documents précités, [la partie requérante] en est soit l’auteur, soit à participer activement à leur conclusion et en a reçu copie lors de leur signature. Elle dispose dès lors déjà de ces éléments et la demande de transmission était à cet égard abusive ».
La partie adverse invoque dès lors l’exception relative à la demande manifestement abusive, prévue à l’article 6, § 3, 3°, du décret du 30 mars 1995.
L’article 6, § 3, 3°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, dans la mesure où la demande :
(…)
3° est manifestement abusive » ; (…) ».
Lors de l’audition devant la Commission, la partie requérante, sans être contredite par la partie adverse, affirme que celle-ci ne lui a jamais transmis la convention signée ni l’avenant signé ni le décompte des heures encodées par elle. Partant, il ne peut pas être soutenu que les documents seraient en possession de la partie requérante. Il s’ensuit que la demande ne peut pas être considérée comme étant abusive.
9. En ce qui concerne ces documents, la Commission n’aperçoit pas d’autres exceptions légales susceptibles de faire obstacle à la communication. Dès lors, ils doivent être communiqués.
En ce qui concerne les autres documents, à savoir la fiche descriptive du projet « Corpsy » et les statuts de l’asbl « Arts & Culture », le recours est sans objet dès lors que la partie requérante en dispose.
10. Enfin, la partie adverse invoque l’exception relative à un avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel, prévue à l’article 6, § 3, 2°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « les seuls documents dont [la partie requérante] n’avait pas connaissance concernaient les témoignages dénonçant les faits à son encontre. Leurs rédacteurs ont sollicité expressément la confidentialité. L’anonymisation, même partielle, de ces témoignages est tout simplement impossible, dans la mesure où ils décrivent expressément des situations particulières dont les auteurs ont été témoins. Par leur simple lecture, [la partie requérante] aurait été en mesure d’identifier leur auteur ».
L’article 6, § 3, 2°, du décret du 30 mars 1995 dispose notamment comme suit :« §3. L’entité peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, dans la mesure où la demande :
[…]
2° concerne un avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel à l’entité ;
[…] ».
L’exception visée à l’article 6, § 3, 2°, du décret du 30 mars 1995 est facultative et est soumise au respect de conditions cumulatives d’interprétation stricte. Il ressort ainsi d’une jurisprudence constante de la Commission[1] [2] que seuls des avis ou opinions peuvent être pris en considération, à l’exception de simples faits ou constats ; que l’avis ou l’opinion doit avoir été communiqué spontanément, librement à l’entité, en l’absence de toute obligation légale ; que l’avis ou l’opinion est communiqué, de manière expresse, sous le sceau de la confidentialité, à l’entité ; que la mention de ce caractère confidentiel doit être concomitante à la communication de l’avis ou de l’opinion ; enfin, que l’avis ou l’opinion doit émaner de tiers, à l’exclusion donc des fonctionnaires ou préposés de l’entité.
En l’espèce, il ressort de la réponse fournie par la partie adverse que les auteurs des témoignages à l’encontre de la partie requérante ont expressément invoqué la confidentialité de leurs propos.
Partant, il y a lieu de considérer que les documents relatifs à ces témoignages sont confidentiels et que la partie adverse pouvait valablement rejeter la demande de communication pour ce qui les concerne.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est sans objet en ce qu’il concerne la fiche descriptive du projet « Corpsy » et les statuts de l’asbl « Arts & Culture ».
Le recours n’est pas fondé en tant qu’il vise la communication des documents relatifs aux témoignages.
Le recours est fondé pour le surplus. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités, et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] CADA wallonne - Décision n° 118 du 1er mars 2021
[2] CADA wallonne - Décision n° 108 du 11 janvier 2021