10 septembre 2024 -
CADA - Décision n° 442 : Ville – Décision nomination – Recrutement – Irrecevabilité partielle – Document à caractère personnel (non) –
Vie privée – Demande manifestement abusive (non) – Communication partielle
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Ville – Décision nomination – Recrutement – Irrecevabilité partielle – Document à caractère personnel (non) –
Vie privée – Demande manifestement abusive (non) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Ville de Liège,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 9 juillet 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 11 juillet 2024 et reçue le 15 juillet 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 29 juillet 2024,
Vu la note d’observations de la partie adverse, transmise à la partie requérante le 29 juillet 2024,
Vu la demande d’audition de la partie adverse,
Vu la convocation adressée aux parties le29 juillet 2024,
Entendu la partie requérante et la partie adverse le 10 septembre 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande initiale de publicité porte sur la communication d’une copie des documents suivants :
« - (…) la liste des noms des agents ayant été nommés au 31/12/2023 ainsi que celle des agents toujours intégrés au cadre ;
- (…) la décision sur laquelle [la partie adverse se base] pour refuser la nomination de [la partie requérante]. »
Dans son recours, la partie requérante sollicite la communication d’une copie de « la décision administrative concernant la constitution d’une réserve de recrutement adoptée suite à l’appel du 10 mars 2023 de la Ville de Liège, ainsi que les actes de nomination ou d’admission en stage des lauréats de cette réserve dans l’ordre des vacances d’emploi dans le grade D4 ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 18 avril 202 Cette demande a été réitérée les 15 mai, 21 mai et 4 juin 2024.
La partie adverse soulève une exception d’irrecevabilité rationae temporis du recours, estimant que la partie requérante a interpellé la Ville de Liège le 18 avril 2024 et n’a ensuite adressé que des rappels, le dernier rappel étant daté du 4 juin 2024. Elle avance que « la demande du 18 avril n’a pas reçu de suites » et que « dès lors, une décision implicite de rejet existe depuis le 19 mai 2024 ». Selon elle, le recours ayant été introduit au plus tôt le 9 juillet 2024, ce dernier est tardif et irrecevable.
La Commission ne peut toutefois pas suivre le raisonnement de la partie adverse. En effet, la demande initiale du 18 avril 2024 a été réitérée les 15 et 21 mai 2024 en joignant une copie de ce courrier précédemment transmis et le 4 juin 2024 en y faisant une référence expresse. Si la référence à la demande initiale du 18 avril 2024 dans le courrier du 4 juin 2024 peut être considérée comme insuffisante pour constituer une demande nouvelle dès lors qu’il ne contenait pas tous les éléments nécessaires pour statuer sur une demande d’accès, tel n’est pas le cas des courriels des 15 et 21 mai 2024 qui joignaient à nouveau, en annexe, la demande initiale transmise précédemment.
Il en résulte qu’il peut être considéré que la dernière demande formulée par la partie requérante date du 21 mai 2024. La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 21 juin 2024, en application de l’article L3231-3, alinéa 4, du CDLD.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 9 juillet 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995 et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable ratione temporis.
5. Par ailleurs, l’article L3231-5, § 1
er, du CDLD dispose comme il suit :
« § 1er. Si l'entité rejette une demande de consultation, de communication ou de rectification, même de façon implicite, le demandeur peut introduire un recours contre cette décision devant la Commission d'accès aux documents administratifs visée à l'article 8 du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'Administration.
Le recours est exercé et examiné selon les modalités et dans les délais fixés par le décret susvisé. »
En l’espèce, la Commission constate que le présent recours administratif a pour objet une demande de communication d’une copie de « la décision administrative concernant la constitution d’une réserve de recrutement adoptée suite à l’appel du 10 mars 2023 de la Ville de Liège, ainsi que les actes de nomination ou d’admission en stage des lauréats de cette réserve dans l’ordre des vacances d’emploi dans le grade D4 ». La demande initiale n’était toutefois pas formulée en ces termes, puisqu’elle portait sur les documents suivants :
« - (…) la liste des noms des agents ayant été nommés au 31/12/2023 ainsi que celle des agents toujours intégrés au cadre ;
- (…) la décision sur laquelle [la partie adverse se base] pour refuser la nomination de [la partie requérante]. »
Si la demande des actes de nomination formulée en termes de recours se recoupe avec la demande initiale, force est de constater que « la décision administrative concernant la constitution d’une réserve de recrutement adoptée suite à l’appel du 10 mars 2023 de la Ville de Liège » n’a fait l’objet d’aucune demande initiale auprès de la partie adverse. Or, la Commission ne peut être saisie, en vertu de l’article L3231-5, § 1er, du CDLD, qu’à l’égard d’une décision, même implicite, rendue par l’entité concernée.
Il s’ensuit que le recours est irrecevable en tant qu’il porte sur une demande de communication ayant un tel objet.
6. Selon l’article L3211-3, 3°, du CDLD, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
Pour toute demande relative à un tel document, l’article L3231-1, alinéa 2, du CDLD prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
En l’espèce, la partie requérante justifie son intérêt au recours en précisant ce qu’il suit :
« Par ailleurs, s’agissant d’une décision à caractère personnel, le requérant doit disposer d’un intérêt au recours. La décision visée par le présent recours affecte tant la situation juridique qu’administrative de Madame PUTZEYS, qui dispose manifestement d’un intérêt personnel au recours ».
La partie adverse conteste cet intérêt au motif que « la partie requérante fait en l’espèce état dans son recours qu’elle souhaite clarifier sa situation administrative. Ceci ne présente pas de lien avec la situation administrative de tiers, d’autant que la partie requérante a connaissance depuis plusieurs mois du fait que des nominations sont intervenues et qu’elle ne fait pas partie des personnes en ayant bénéficié » et que « tout recours introduit devant le Conseil d’État serait donc d’emblée tardif ».
A l’examen du document contenant les nominations à l’échelle D4, la Commission ne perçoit pas en quoi il constituerait un document à caractère personnel dès lors qu’il ne contient aucune appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne. En effet, ce document se limite à contenir une liste des noms des lauréats de chacune des deux réserves de recrutement constituées ainsi qu’une liste des noms des candidats les mieux classés retenus pour une nomination dans chacune de ces deux réserves. Il ne contient pas les résultats de chacun de ces candidats aux épreuves qui ont été organisées afin d’aboutir à leur classement. Partant, la partie requérante ne doit pas justifier d’intérêt à son recours en ce qu’il porte sur ce document.
Du reste, quand bien même il conviendrait de considérer que le document contenant les nominations contient une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable en tant qu’il reprend une liste des candidats « les mieux classés », la Commission constate que la partie requérante figurait dans l’une des deux réserves de recrutement et était donc candidate à une nomination. Le refus de nomination de la partie requérante découle implicitement de l’acte de nomination de tiers. Cette dernière dispose donc d’un intérêt à accéder au document sollicité, étant entendu que la demande se limite aux nominations à l’échelle D4. Le fait qu’un recours au Conseil d’État serait tardif ne la prive pas de cet intérêt, dès lors que la possibilité d’introduire un tel recours ne subordonne pas l’accès à un document administratif.
Dès lors, le recours est recevable sur ce point.
IV. Examen au fond
7. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
8. La partie adverse invoque l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. La partie adverse indique que « la partie requérante sollicite copie des "actes de nomination ou d’admission en stage des lauréats" à une réserve de recrutement constituée en 2023. Ces actes de nominations sont des composantes de la vie privée, s’agissant de tiers à la partie requérante. La nature de leur relation n’est pas une donnée publique ».
Par l’arrêt n° 259.418 du 9 avril 2024, le Conseil d’Etat a jugé, implicitement mais certainement, que les règles ressortant du RGPD s’imposent au régime de publicité administrative organisé par le décret du 30 mars 1995.
La Commission est d’avis que, lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre du décret du 30 mars 1995, les règles du RGPD peuvent s’appréhender comme formant un tout indissociable avec l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret précité, sous réserve du respect de la primauté du droit européen.
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-3 du CDLD, dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
Le RGPD dispose notamment comme il suit :
« Article 4 : Définitions
Aux fins du présent règlement, on entend par: 1) “données à caractère personnel”, toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable (ci-après dénommée “personne concernée”) ; est réputée être une “personne physique identifiable”, une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale » ;
« Article 5 : Principes relatifs au traitement des données à caractère personnel
1. Les données à caractère personnel doivent être :
a) traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (licéité, loyauté, transparence) ;
b) collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités ; le traitement ultérieur à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques n’est pas considéré, conformément à l’article 89, § 1, comme incompatible avec les finalités initiales (limitation des finalités) ;
c) adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données) ;
[…]
f) traitées de façon à garantir une sécurité appropriée des données à caractère personnel, y compris la protection contre le traitement non autorisé ou illicite et contre la perte, la destruction ou les dégâts d’origine accidentelle, à l’aide de mesures techniques ou organisationnelles appropriées (intégrité et confidentialité) ;
2. Le responsable du traitement est responsable du respect du paragraphe 1 et est en mesure de démontrer que celui-ci est respecté (responsabilité) » ;
« Article 6 : 1. Le traitement n’est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie :
[…]
c) le traitement est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ;
[…]
f) le traitement est nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, à moins que ne prévalent les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée qui exigent une protection des données à caractère personnel, notamment lorsque la personne concernée est un enfant.
Le point f) du premier alinéa ne s’applique pas au traitement effectué par les autorités publiques dans l’exécution de leurs missions.
2. Les États membres peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus spécifiques pour adapter l’application des règles du présent règlement pour ce qui est du traitement dans le but de respecter le paragraphe 1, points c) et e), en déterminant plus précisément les exigences spécifiques applicables au traitement ainsi que d’autres mesures visant à garantir un traitement licite et loyal, y compris dans d’autres situations particulières de traitement comme le prévoit le chapitre IX.
[…]
4. Lorsque le traitement à une fin autre que celle pour laquelle les données ont été collectées n’est pas fondé sur le consentement de la personne concernée ou sur le droit de l’Union ou le droit d’un État membre qui constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir les objectifs visés à l’article 23, § 1, le responsable du traitement, afin de déterminer si le traitement à une autre fin est compatible avec la finalité pour laquelle les données à caractère personnel ont été initialement collectées, tient compte, entre autres :
a) de l’existence éventuelle d’un lien entre les finalités pour lesquelles les données à caractère personnel ont été collectées et les finalités du traitement ultérieur envisagé ;
b) du contexte dans lequel les données à caractère personnel ont été collectées, en particulier en ce qui concerne la relation entre les personnes concernées et le responsable du traitement ;
c) de la nature des données à caractère personnel, en particulier si le traitement porte sur des catégories particulières de données à caractère personnel, en vertu de l’article 9, ou si des données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions sont traitées, en vertu de l’article 10 ;
d) des conséquences possibles du traitement ultérieur envisagé pour les personnes concernées ;
e) de l’existence de garanties appropriées, qui peuvent comprendre le chiffrement ou la pseudonymisation » ;
« Article 23 : Limitations
1. Le droit de l’Union ou le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement ou le sous-traitant est soumis peuvent, par la voie de mesures législatives, limiter la portée des obligations et des droits prévus aux articles 12 à 22 et à l’article 34, ainsi qu’à l’article 5 dans la mesure où les dispositions du droit en question correspondent aux droits et obligations prévus aux articles 12 à 22, lorsqu’une telle limitation respecte l’essence des libertés et droits fondamentaux et qu’elle constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir:
[…]
i) la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui ;
[…]
2. En particulier, toute mesure législative visée au paragraphe 1 contient des dispositions spécifiques relatives, au moins, le cas échéant :
a) aux finalités du traitement ou des catégories de traitement ;
b) aux catégories de données à caractère personnel ;
c) à l’étendue des limitations introduites ;
d) aux garanties destinées à prévenir les abus ou l’accès ou le transfert illicites ;
e) à la détermination du responsable du traitement ou des catégories de responsables du traitement ;
f) aux durées de conservation et aux garanties applicables, en tenant compte de la nature, de la portée et des finalités du traitement ou des catégories de traitement ;
g) aux risques pour les droits et libertés des personnes concernées ; et
h) au droit des personnes concernées d’être informées de la limitation, à moins que cela risque de nuire à la finalité de la limitation » ;
« Article 86 : Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l’exécution d’une mission d’intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l’Union ou au droit de l’État membre auquel est soumis l’autorité publique ou l’organisme public, afin de concilier le droit d’accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement ».
La Cour de justice de l’Union européenne juge que :
« […] les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel ne sont pas des prérogatives absolues ainsi que l’indique le considérant 4 du RGPD, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux. Des limitations peuvent ainsi être apportées, pourvu que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, elles soient prévues par la loi et qu’elles respectent le contenu essentiel des droits fondamentaux ainsi que le principe de proportionnalité. En vertu de ce dernier principe, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui. Elles doivent s’opérer dans les limites du strict nécessaire et la réglementation comportant l’ingérence doit prévoir des règles claires et précises régissant la portée et l’application de la mesure en cause [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité), C‑439/19, EU:C:2021:504, point 105] »[1].
Il résulte de l’examen combiné de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 et de l’article 86 du RGPD que l’exception au droit fondamental à la publicité administrative prise de l’atteinte à la vie privée doit faire l’objet d’une mise en balance entre, d’une part, les intérêts du public à l’accès aux documents officiels et, d’autre part, le droit à la protection des données à caractère personnel résultant du RGPD. En effet, l’exception législative concernée doit nécessairement, au regard des règles supérieures ressortant du RGPD, être interprétée comme ayant une portée relative, qui requiert de tenir compte de la conciliation à assurer entre les intérêts visés par l’article 86 du RGPD.
De manière constante, la Commission considère que les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Pour justifier une restriction au droit à la transparence administrative, il doit être établi que la publicité des informations concernées porte effectivement atteinte à la vie privée, un simple lien avec celle-ci ne suffisant pas. Une telle restriction est d’autant moins admissible lorsque les informations reprises dans le document administratif concerné présentent un intérêt public.
En l'espèce, la partie adverse affirme que les actes de nomination seraient « des composantes de la vie privée, s’agissant de tiers à la partie requérante » et que « la nature de leur relation de travail n’est pas une donnée publique ». Elle n’expose toutefois pas concrètement en quoi la divulgation de ces actes de nomination porterait atteinte à la vie privée des personnes concernées.
Pour rappel, le document relatif aux nominations se limite à contenir une liste des noms des lauréats de chacune des deux réserves de recrutement constituées ainsi qu’une liste des noms des candidats les mieux classés retenus pour une nomination dans chacune de ces deux réserves. La Commission ne perçoit pas en quoi la communication des seuls noms des candidats les mieux classés retenus pour une nomination dans chacune des deux réserves porterait atteinte à leur vie privée, dès lors que n’y figure, par exemple, aucune adresse. En revanche, la Commission a déjà considéré que la communication des éléments d’identification des candidats non retenus était susceptible de porter atteinte à la vie privée des intéressés[2]. Il y a donc lieu de les occulter.
9. La partie adverse invoque également l’exception relative au caractère manifestement abusif de la demande, laquelle est prévue à l’article L3231-3, alinéa 1
er, 3°, du CDLD applicable en l’espèce.
L’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme il suit :« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :
[…]
3° est manifestement abusive ou répétée ».
La Commission rappelle qu’« une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive »[3].
Il a, par ailleurs, été jugé par le Conseil d’Etat que :
« Peut être considérée comme manifestement abusive […], la demande dont le traitement a pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’autorité qui en est saisie. Toutefois, cette exception au droit d’accès, qui est un droit fondamental, est d’interprétation stricte et l’autorité qui entend l’opposer à la demande dont elle est saisie doit la fonder sur les éléments propres au cas d’espèce et aptes à justifier concrètement le recours à cette hypothèse légale d’exception. Ces éléments doivent ressortir de la motivation formelle de la décision de refus »[4].
En l’espèce, la partie adverse ne démontre pas concrètement les raisons pour lesquelles la demande formulée par la partie requérante aurait compromis le bon fonctionnement de ses services.
Partant, l’exception est rejetée.
10. La Commission n’aperçoit pas, à la lecture des éléments communiqués par la partie adverse, quelles autres exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication du document concerné.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est irrecevable en tant qu’il porte sur « la décision administrative concernant la constitution d’une réserve de recrutement adoptée suite à l’appel du 10 mars 2023 de la Ville de Liège » et recevable pour le surplus.
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante le document relatif aux nominations à l’échelle D4 en occultant les noms des candidats non retenus, et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.