Ville – Analyse comparative des finances – Document administratif – Secret des affaires (non) – Communication
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Ville de Binche,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 13 août 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 14 août 2024 et reçue le 19 août 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 28 août 2024,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 8 août 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 13 août 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
La Commission relève que la Cour constitutionnelle rappelle que la notion de document administratif au sens de l’article 32 de la Constitution doit être interprété très largement :
« Selon le Constituant, par “document administratif”, il faut entendre toute information, sous quelque forme que ce soit, dont les autorités administratives disposent :
“Il concerne toutes les informations disponibles, quel que soit le support : documents écrits, enregistrements sonores et visuels y compris les données reprises dans le traitement automatisé de l’information. Les rapports, les études, même de commissions consultatives non officielles, certains comptes rendus et procès-verbaux, les statistiques, les directives administratives, les circulaires, les contrats et licences, les registres d’enquête publique, les cahiers d’examen, les films, les photos, etc. dont dispose une autorité sont en règle générale publics, sauf lorsqu’un des motifs d’exception doit être appliqué ” (Doc. Parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5).
En déclarant, à l’article 32 de la Constitution, que chaque document administratif – notion qui, selon le Constituant, doit être interprétée très largement – est en principe public, le Constituant a érigé le droit à la publicité des documents administratifs en un droit fondamental »[1].
L’article L3211-3, 2°, du CDLD définit un document administratif comme « toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une autorité administrative dispose ».
En l’espèce, le document sollicité consiste bien en un document administratif au sens de l’article L3211-3, 2°, du CDLD. Il s’agit en effet d’une étude qui est à la disposition de la partie adverse, sachant que la circonstance qu’elle ait été établie par Belfius n’est pas de nature à lui refuser la qualification de document administratif.
Par ailleurs, la Commission souligne que la notion de document interne ne se rattache à aucune exception prévue par l’article 6 du décret du 30 mars 1995 ni par l’article L3231-3 du CDLD.
L’argument n’est pas fondé.
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…] ».
Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires ce qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 118/2007 du 19 septembre 2007. Sont notamment protégés « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise ».
Le secret d’affaires est protégé par le Code de droit économique. L’article I.17/1, 1°, de ce Code le définit comme suit :
« (…) information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
S’agissant d’une exception au droit fondamental à la publicité administrative, le secret des affaires doit être interprété restrictivement.
En l’espèce, faute d’informations communiquées par la partie adverse de nature à vérifier le respect des conditions énoncées à l’article I.17/1, 1°, précité, la Commission n’est pas en mesure de déterminer si certaines des informations reprises dans le document sollicité doivent être qualifiées de secret d’affaires.
A défaut, il n’y a pas lieu de rejeter la demande de publicité pour ce motif d’exception.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante le document sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.