12 décembre 2024 -
CADA - Décision n° 472 : Commune – Documents relatifs à des caméras de surveillance – Marché public – Analyses d'impact – Recours sans objet – Communication partielle
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Commune – Documents relatifs à des caméras de surveillance – Marché public – Analyses d'impact – Recours sans objet – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Jurbise,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel du 9 octobre 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 15 octobre 2024 et reçue le 16 octobre 2024 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 23 octobre 2024,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
I. Objet du recours
1. La demande initiale portait sur la communication d’une copie informatisée des documents suivants :
« a) la liste de l’ensemble des caméras fixes installées dans les lieux ouverts de votre commune, en ce compris les localisations et les responsables de traitement ;
b) les documents relatifs aux marchés publics (appels d’offre, cahiers de charges, documents d’attribution, contrats signés pour l’ensemble des marchés passés, dans le cas des marchés classiques et des accords-cadres) concernant les systèmes de surveillance (par exemple logiciels, caméras fixes et mobiles, visuelles et/ou thermiques, drones et bodycams, ANPR, etc.) acquis depuis 2006, par la commune et la zone de police, conformément à la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics et de l’arrêté royal du 30 juin 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques ;
c) les demandes d’autorisation et les avis du conseil communal relatifs aux caméras de surveillance intelligentes, mobiles, fixes, et fixes temporaires dans les lieux ouverts tels que prévus par les articles 5, §2 et 7/1 de la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance et conformément à l’article 25/4 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police ;
d) les analyses d’impact relatives aux différents dispositifs de surveillance déployés conformément aux lois du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et du 5 août 1992 sur la fonction de police ».
2. Suite à la communication par la partie adverse des documents relatifs aux « procédures de marché public ayant abouti à l’installation, puis à l’actualisation, du réseau de vidéosurveillance » sur la commune de Jurbise, l’objet du recours de la partie requérante porte sur le refus de communiquer :
a) la liste des caméras de surveillance fixes, de leur localisation et des responsables de traitement ;
b) les analyses d’impact relatives aux différents dispositifs de surveillance ;
c) les documents relatifs aux ANPR[1] déployées sur le territoire communal et des bodycams[2] susceptibles d'être utilisées sur le sol communal.
II. Compétence de la Commission
3. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
4. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
5. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 12 août 2024.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 10 septembre 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 9 octobre 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
6. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
La Commission examine le recours au regard des différents objets de la demande.
A. La liste des caméras de surveillance fixes, de leur localisation et des responsables de traitement
7. La partie adverse a refusé l’accès à ce document en invoquant « des raisons évidentes de confidentialité et de sécurité publique ». Elle argumente sa décision ainsi :
« La liste des emplacements peut par contre être jugée comme une information hautement sensible dont la divulgation ou l’usage non réfléchi, non concerté et / ou non raisonnable est susceptible d’être source de nuisances, incivilités et insécurité (pour les citoyens : risque de repérage facilité des zones non couvertes par caméra ; pour les forces publiques : risque de commission de délits, notamment de vols, sur base du recoupement des données relatives aux voiries non couvertes, ou moins couvertes ; pour le matériel installé : risque de malveillance et de dégradation du matériel installé, si trop facilement repéré). L’installation des panneaux, avec les pictogrammes prévus par la Loi, a bien été réalisée aux différentes entrées d’agglomération – vous n’êtes probablement pas sans savoir qu’il n’est pas obligatoire de placer ce type de panneau au pied même de chaque caméra ».
8. Ce faisant, elle invoque, implicitement mais certainement, les exceptions à la publicité contenues dans l’article 6, § 1er, 1°, 4° et 5°, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, lequel dispose comme suit :
« L’autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si elle a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de l’un des intérêts suivants :1° la sécurité de la population ;
[…]
4° l’ordre public, la sûreté ou la défense nationale ;
5° la recherche ou la poursuite de faits punissables ;
[…] ».
9. La Commission relève que la liste des caméras de surveillance, et l’identification de leur situation, est une information dont la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance impose la publicité, par l’apposition d’un pictogramme dans les lieux concernés, signalant l’existence d’une surveillance par caméra (article 5, § 3, alinéa 5, de la loi du 21 mars 2007). Cette publicité est également prévue pour les caméras installées et utilisées par les services de police (voy. l'arrêté royal du 22 mai 2019 définissant la manière de signaler l'utilisation de caméras fixes et fixes temporaires par les services de police).
En outre, dans les deux législations, l’installation de caméras de surveillance dans les lieux ouverts au public doit faire l’objet d’un avis positif ou d’une autorisation préalable du conseil communal, notamment fondé sur le lieu concerné et la finalité de la surveillance, et même sur le type de caméra concerné (article 5 de la loi du 21 mars 2007 et article 25/4 de la loi sur la fonction de police), donnant donc également une publicité à ces informations. Selon l’article 25/4, § 4, alinéa 3, « l'autorisation visée au paragraphe 1er fait l'objet d'une publicité, lorsqu'elle concerne des missions de police administrative ».
Tenant compte de ces multiples mesures de publicité, la liste des caméras fixes installées sur le territoire de la commune de Jurbise, en ce compris leur localisation et leurs responsables de traitement, constitue une information publique, dont la partie adverse dispose (au sens de l’article 1er du décret du 30 mars 1995).
Cette liste doit par conséquent être communiquée à la partie requérante.
B. Les analyses d'impact relatives aux différents dispositifs de surveillance.
10. La partie adverse informe la Commission qu’aucune analyse d’impact n’a été réalisée « compte tenu du fait que la création et le développement initial du réseau de vidéosurveillance installé sur notre territoire datent de 2012, à savoir à une époque où une telle analyse d’impact n’était pas imposée ».
Aucun élément n'est de nature à remettre en cause les affirmations de la partie adverse, en sorte que le recours est sans objet sur ce point.C. Les documents relatifs aux ANPR déployées sur le territoire communal et des bodycams susceptibles d'être utilisées sur le sol communal
11. En ce qui concerne les documents relatifs aux bodycams, la partie adverse a communiqué à la Commission l’unique document dont elle prétend disposer à cet égard, soit une décision d’autorisation préalable de son conseil communal du 31 janvier 2023.
La Commission n’aperçoit pas, à la lecture du document communiqué par la partie adverse, quelles exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication du document concerné.
Ce document doit par conséquent être communiqué à la partie requérante.
12. En ce qui concerne les documents relatifs aux ANPR, la Commission constate que la partie adverse ne lui a pas communiqué les documents concernés, en sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer, en pleine connaissance de cause, la mission qui lui est dévolue.
Dans ce contexte, par analogie avec l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la partie adverse doit communiquer les documents concernés à la partie requérante, pour autant qu’ils existent, moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du même décret, étant entendu qu’elles sont de stricte interprétation.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents suivants :
La liste des caméras de surveillance fixes, de leur localisation et des responsables de traitement ;
Les documents relatifs aux caméras ANPR, pour autant qu’ils existent et moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995,
et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
Le recours est sans objet pour le surplus.
et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
Le recours est sans objet pour le surplus.
[1] Caméras permettant de lire toutes les plaques d'immatriculation dans un flux de circulation et de les comparer à des banques de données en temps en réel (ANPR - Automatic Number Plate Recognition), www.police.be.
[2] Il s'agit d'une petite caméra que les policiers portent sur leur corps et qui enregistre les interactions avec le public, www.police.be.