12 décembre 2024 -
CADA - Décision n° 481 : Commune – Documents relatifs à des caméras de surveillance – Marché public – Demande d'autorisation – Avis du conseil – Analyse d'impact – Perte d'objet – Secret des affaires – Recours sans objet – Communication partielle
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Commune – Documents relatifs à des caméras de surveillance – Marché public – Demande d'autorisation – Avis du conseil – Analyse d'impact – Perte d'objet – Secret des affaires – Recours sans objet – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Morlanwelz,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 11 octobre 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 15 octobre 2024 et reçue le 16 octobre 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 24 octobre 2024,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie informatisée des documents suivants :
« a) la liste de l'ensemble des caméras fixes installées dans les lieux ouverts de votre commune, en ce compris les localisations et les responsables de traitement ;
b) les documents relatifs aux marchés publics (appels d’offre, cahiers de charges, documents d’attribution, contrats signés pour l’ensemble des marchés passés, dans le cas des marchés classiques et des accords-cadres) concernant les systèmes de surveillance (par exemple logiciels, caméras fixes et mobiles, visuelles et/ou thermiques, drones et bodycams, ANPR, etc.) acquis depuis 2006, par la commune et la zone de police, conformément à la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics et de l’arrêté royal du 30 juin 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques ;
c) les demandes d’autorisation et les avis du conseil communal relatifs aux caméras de surveillance intelligentes, mobiles, fixes, et fixes temporaires dans les lieux ouverts tels que prévus par les articles 5, §2 et 7/1 de la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance et conformément à l’article 25/4 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police ;
d) les analyses d’impact relatives aux différents dispositifs de surveillance déployés conformément aux lois du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et du 5 août 2002 sur la Fonction de Police ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 12 août 202
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 11 septembre 2024, en application de l’article L3231-3, alinéa 4, du CDLD.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 11 octobre 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
A. La liste des caméras de surveillance, de leur localisation et des responsables de traitement
6. En l’espèce, la partie adverse n’invoque aucune exception pour s’opposer à la communication des documents.
La liste des caméras de surveillance, et l’identification de leur situation, est une information dont la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance impose la publicité, par l’apposition d’un pictogramme dans les lieux concernés, signalant l’existence d’une surveillance par caméra (article 5, § 3, alinéa 5, de la loi du 21 mars 2007). Cette publicité est également prévue pour les caméras installées et utilisées par les services de police (voy. l'arrêté royal du 22 mai 2019 définissant la manière de signaler l'utilisation de caméras fixes et fixes temporaires par les services de police).
En outre, dans les deux législations, l’installation de caméras de surveillance dans les lieux ouverts au public doit faire l’objet d’un avis positif ou d’une autorisation préalable du conseil communal, notamment fondé sur le lieu concerné et la finalité de la surveillance, et même sur le type de caméra concerné (article 5 de la loi du 21 mars 2007 et article 25/4 de la loi sur la fonction de police), donnant donc également une publicité à ces informations. Selon l’article 25/4, § 4, alinéa 3, « l'autorisation visée au paragraphe 1er fait l'objet d'une publicité, lorsqu'elle concerne des missions de police administrative ».
Tenant compte de ces multiples mesures de publicité, la liste des caméras fixes installées sur le territoire de la commune de Morlanwelz (en ce compris leur localisation et les responsables de traitement) constitue une information publique, dont la partie adverse dispose (au sens de l’article 1er du décret du 30 mars 1995).
Cette liste des caméras fixes (en ce compris la localisation et les responsables de traitement) doit par conséquent être communiquée à la partie requérante.
B. Les documents relatifs aux marchés publics conclus pour l’achat des caméras
7. La partie adverse explique qu’ « il nous est également actuellement impossible de répondre favorablement à votre demande à la suite d’un problème d’archivage. En effet, l’ensemble des archives a été entreposé dans un garage par suite d’un déménagement urgent de celles-ci dans le cadre de la réfection globale d’une toiture ». En effet, si elle a communiqué à la Commission une série de documents électroniques relatifs à des marchés publics pour l’achat de caméras de surveillance, ceux-ci ne sont pas signés de sorte qu’ils ne peuvent pas être considérés comme étant des documents administratifs officiels ou achevés concernant ces marchés. Sur ce dernier point, il ressort d’échanges intra-communaux qu’il n’est pas établi qu’il s’agit de documents définitifs, étant donné que « rien n’était scanné mais plutôt conservé dans le dossier papier ». En outre, l’envoi de ces documents électroniques n’est pas exhaustif dès lors qu’il ressort des mêmes échanges que des documents « papier » existeraient par ailleurs à propos d’autres marchés publics relatifs à l’acquisition de caméras de surveillance par la partie adverse.
Il résulte de ce qui précède que la partie adverse n’a pas communiqué l’ensemble des documents concernés à la Commission, en sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer, en pleine connaissance de cause, la mission qui lui est dévolue.
Dans ce contexte, par analogie avec l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la partie adverse doit communiquer les documents concernés à la partie requérante, moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du même décret, étant entendu qu’elles sont de stricte interprétation.
Sur ce point, la Commission croit utile de préciser que le fait que les documents sollicités sont sujets à un « problème d’archivage » dû au déménagement urgent de ceux-ci dans un garage suite à la réfection d’une toiture n’empêche pas en soi la communication des documents sollicités mais justifie l’octroi d’un délai plus important pour ce faire.
Par ailleurs, la Commission souhaite faire part aux parties des éléments suivants concernant la divulgation des documents relatifs à ces marchés publics.
Si les appels d’offre et les cahiers des charges des marchés concernés ne contiennent par définition aucune information d’entreprise ou de fabrication communiquée à l’autorité, puisque ces documents émanent de l’autorité elle-même, avant de savoir quelle entreprise se verra attribuer le marché, les décisions d’attribution comme les contrats signés avec les adjudicataires sont en revanche susceptibles de contenir des secrets d’affaires.
La protection du secret des affaires est en effet déduite de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, et est prévue expressément par l’article 6, § 1er, 7°, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration qui dispose :
« L'autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants : […]
7° au caractère par nature confidentiel des informations d’entreprises ou de fabrication communiquées à l'autorité ».
Selon la Commission européenne, ce principe protège notamment « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise ».
Le secret des affaires est également protégé par le Code de droit économique, dont l’article I.17/1, 1°, le définit comme suit :
« information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
Seules les informations qui répondent à ces définitions sont donc susceptibles d’être occultées par la partie adverse. Une version non confidentielle des rapports d’attribution, des décisions d’attribution et des documents contractuels des marchés concernés par la demande doit donc être communiquée par la partie adverse.
C. Les demandes d’autorisation et les avis du conseil communal
8. La partie adverse indique n’avoir adopté aucune autorisation ou avis ayant cet objet.
Partant, le recours est sans objet sur ce point.
D. Les analyses d’impact
9. La partie adverse explique que « pour ce qui touche les analyses d’impact relatives aux différents dispositifs de surveillances déployés, celles-ci n’ont pas été mise en œuvre ».
Partant, le recours est sans objet sur ce point.Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante :
- la liste de l'ensemble des caméras fixes installées dans les lieux ouverts accessibles au public de la commune, en ce compris les localisations et les responsables de traitement ;
- les documents relatifs aux marchés publics concernant les systèmes de surveillance acquis depuis 2006 par la commune et la zone de police, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et ce, dans un délai de 60 jours à compter de la notification de la présente décision.
Le recours est sans objet pour le surplus.