18 mars 2025 -
CADA - Décision n° 500 : SLSP – Facturation – Obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret (non) – Vie privée et secret d'affaires (non) – Intérêt économique ou financier de la Région (non) – Communication
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SLSP – Facturation – Obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret (non) – Vie privée et secret d'affaires (non) – Intérêt économique ou financier de la Région (non) – Communication
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Société de Logement de service public, La Sambrienne srl, Boulevard Jacques Bertrand, 48 à 6000 Charleroi,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 14 janvier 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 15 janvier 2025 et reçue le 16 janvier 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 29 janvier 2025,
Vu la note d’observations de la partie adverse, transmise à la partie requérante le 29 janvier 2025,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
I. Objet de la demande
1. La demande portait initialement sur la communication d’une copie du « détail de l’ensemble des facturations reconductions incluses entre la société […] et [la partie adverse] et ce dans le cadre du projet "Rénovation de chauffage individuel/sanitaire dans le cadre de logements occupés – procédure négociée du […]" ». La partie requérante ajoute que « le détail fourni doit inclure également l’ensemble des reconductions du marché et les montants issus de la formule de révision ».
En réplique à la note d’observations de la partie adverse, la partie requérante a restreint l’objet de sa demande au montant total facturé, révision comprise, pour le marché de base et pour les 1ère et 2ème reconductions.
II. Compétence de la Commission
2. Dans sa décision du 14 janvier 2025 de refus de communication des documents administratifs sollicités, la partie adverse justifie son opposition à celle-ci en faisant valoir qu’elle n’est « pas une autorité administrative ».
A cet égard, il y a lieu de relever qu’en tant que société de logement de service public, elle est une entité au sens de l’article L3211-3 du CDLD à laquelle s’appliquent les règles de publicité passive visées aux articles L3231-1 et suivants du CDLD.
La Commission est compétente pour connaître du présent recours en application de l’article L3231-5 du CDLD.
III. Recevabilité du recours
A. Recevabilité ratione temporis
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 10 janvier 2025.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 14 janvier 2025.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 14 janvier 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995 rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable ratione temporis.
B. Formalisme du recours
5. La partie adverse conteste la recevabilité du recours en ce que « la requête du requérant ne satisfait pas au prescrit de l’article 8bis du décret du 30 mars 1995 dès lors qu’elle n’énonce pas le domicile du requérant, ni aucun moyen ». Elle indique que :
« En effet, aucun argument de fait ou de droit n’est exposé par le requérant à l’appui de son recours, celui-ci se limitant à affirmer de manière strictement péremptoire qu’il "considère que ce refus est infondé au regard des principes de transparence administrative" et que "l’accès aux documents demandés doit [lui] être accordé, conformément au décret [du 30 mars 1995] ".
Ce faisant, le requérant n’expose pas concrètement les motifs pour lesquels il aurait, en l’espèce, droit à l’accès aux documents demandés, ni quelle disposition du décret du 30 mars 1995 aurait été violée par [la partie adverse] en n’accédant pas à sa demande.
Le domicile du requérant n’est pas non plus renseigné dans sa requête ».
Dans sa réponse à la note d’observations, la partie requérante indique que sa demande a été formulée « au nom de la société […], comme indiqué dans la signature du courriel de demande de documents adressé à [la partie adverse], ainsi que dans le courriel d’introduction du recours ». Elle ajoute ce qui suit :
« après avoir consulté le décret en vigueur, il apparaît que [la partie adverse] semble mal informée concernant le fait que la demande d'accès aux documents, sur la base de ce décret, n’a pas besoin d’être motivée ».
En l’espèce, la demande de publicité initiale ainsi que le recours ont été introduits par [la partie requérante] par l’intermédiaire de son directeur général. L’adresse de [la partie requérante] était correctement renseignée. Dès lors, la [partie requérante] est bien la partie requérante et non son représentant.
Par ailleurs, si le recours ne contient pas formellement l’exposé de moyens, une telle exigence n’est pas prescrite à peine d’irrecevabilité par l’article 8bis, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995. Du reste, la partie requérante a écrit, dans sa requête, qu’elle « considère que ce refus est infondé au regard des principes de transparence administrative, et […] que l’accès aux documents demandés doit [lui] être accordé, conformément au décret ». Une lecture bienveillante de la requête permet donc de comprendre que, selon la partie requérante, le refus de communication de la partie adverse méconnaît son droit fondamental à la publicité des documents administratifs et que, toujours selon la partie requérante, la communication sollicitée ne se heurte à aucune des exceptions prévues par une norme législative à ce droit fondamental.
Les exceptions relatives au formalisme de la requête sont rejetées.
Il s’ensuit que le recours est recevable.
IV. Examen au fond
6. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
7.1. La partie adverse invoque l’exception relative à une obligation de secret instaurée par une loi ou un décret, prévue à l’article 6, § 2, 2°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que :
« En vertu de l’article 13, § 2, de la loi du 17 juin 2016 relatives aux marchés publics (ci-après, " la loi du 17 juin 2016"), "sans préjudice des obligations en matière de publicité concernant les marchés publics attribués et l'information des candidats, des participants et des soumissionnaires, l'adjudicateur ne divulgue pas les renseignements que l'opérateur économique lui a communiqué à titre confidentiel, y compris, les éventuels secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels de l'offre".
De même, l’article 62 de la loi du 17 juin 2016 prévoit ce qui suit :
"Pour les marchés publics ou les accords-cadres dont le montant estimé est égal ou supérieur aux seuils fixés pour la publicité européenne, le pouvoir adjudicateur envoie un avis d'attribution de marché relatif aux résultats de la procédure de passation. Cet avis est envoyé au plus tard dans les trente jours après la conclusion du marché ou de l'accord-cadre.
Dans le cas d'un accord-cadre conclu conformément à l'article 43, le pouvoir adjudicateur n'a pas l'obligation d'envoyer un avis concernant les résultats de la procédure de passation de chaque marché fondé sur l'accord-cadre.
L'alinéa premier s'applique toutefois à chaque marché fondé sur un système d'acquisition dynamique, même si le pouvoir adjudicateur peut choisir de regrouper les marchés concernés sur une base trimestrielle. Dans un tel cas, le pouvoir adjudicateur envoie ces avis regroupés au plus tard trente jours après la fin de chaque trimestre.
Certaines informations sur la passation du marché ou de l'accord-cadre peuvent ne pas être publiées au cas où leur divulgation ferait obstacle à l'application des lois, serait contraire à l'intérêt public ou porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'un opérateur économique en particulier, public ou privé, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques".
Dans le même ordre d’idées, l’article 10 de la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l'information et aux voies de recours en matière de marchés publics, de certains marchés de travaux, de fournitures et de services et de concessions (ci-après, "la loi du 17 juin 2013") prévoit que "sans préjudice de l'article 13 de la loi relative aux marchés publics et de l'article 31 de la loi relative aux concessions, certains renseignements peuvent ne pas être communiqués lorsque leur divulgation ferait obstacle à l'application d'une loi, serait contraire à l'intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'opérateurs économiques publics ou privés ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre ceux-ci".
[…]
En l’espèce, les documents sollicités par le requérant sont des documents relatifs à des informations provenant de […] en tant qu’adjudicataire de l’accord-cadre ayant pour objet la "rénovation de chauffage individuel/sanitaire dans le cadre de logement occupés".
Plus particulièrement, le requérant sollicite des documents relatifs à la facturation établie par […] dans le cadre de l’exécution de cet accord-cadre.
Or, ces documents contiennent des informations visées par l’interdiction de divulgation prévue par les dispositions rappelées ci-dessus et couvertes par le secret des affaires défini aux articles XI.332/1 et suivants du Code de droit économique.
En effet, les documents demandés par le requérant contiennent des informations relatives au contenu de l’offre de […] dès lors que les factures émises par cet opérateur économique et adressées à [la partie adverse] sont établies conformément et sur la base de son offre dans le cadre de la procédure de passation de l’accord-cadre.
Les factures émises par […] contiennent donc des informations relatives aux prix pratiqués par […], aux quantités mises en oeuvre, aux méthodes de calcul de ses coûts ainsi qu’à la structure de ses coûts et prix.
Dans ces conditions, la publicité des documents demandés par le requérant porterait manifestement atteinte aux intérêts commerciaux légitimes de […] et pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, dès lors que les données de facturation de […] renseigneraient d’autres opérateurs économiques sur les prix qu’elle pratique et leur permettraient ainsi de nuire à une concurrence loyale en adaptant leurs prix dans le cadre d’un futur marché similaire.
Or, il convient d’éviter qu’un tiers au marché tel que le requérant, non soumissionnaire, et dont [la partie adverse] ignore tout de ses intentions en termes économiques, soit susceptible d’altérer le jeu normal de la concurrence, en bénéficiant d’informations sur la nature des services proposés, leur organisation, les prix pratiqués sur ce marché, ce qui, de manière certaine et concrète, lui procurerait un avantage concurrentiel injustifié par rapport aux soumissionnaires dans le cadre d’éventuels marchés futurs (voy. en ce sens CADA de la FWB, décision n°138/23 du 29 août 2023).
Selon la CADA de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les documents relatifs aux informations provenant de soumissionnaires sont protégés par une obligation de confidentialité (CADA de la FWB, décision n° 167 du 27 août 2024).
En effet, la publication de toute information relative au contenu de l’offre d’un soumissionnaire, aux prix proposés par un soumissionnaire dans son offre ainsi que sur la structure et le mode de calcul desdits prix serait de nature à porter atteinte au caractère confidentiel des renseignements techniques et commerciaux communiqués à l’autorité administrative par les différents soumissionnaires (CADA de la FWB, décision n°138/23 du 29 août 2023) ».
7.2. L’article 6, § 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
[…]
2° à une obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret ».
La Commission rappelle que l’application de cette exception absolue requiert la réunion de deux conditions, cumulatives[1] :
- aux termes de la première condition, qui est d’ordre formel, l’obligation de secret doit être inscrite dans une loi ou un décret ;
- aux termes de la seconde condition, qui est d’ordre matériel, il convient d’interroger le sens du secret imposé pour s’assurer qu’il vise la bonne situation, les bonnes personnes ou les bons documents (voire partie(s) de document). Il faut tenir compte du but visé par une disposition relative à l’obligation de secret et du fait que la disposition relative à l’obligation de secret ne s’applique que dans la mesure où il est porté atteinte à la finalité pour laquelle cette disposition relative à l’obligation de secret a été créée.
Le recours à cette exception exige donc de démontrer de manière concrète et pertinente le lien de cette obligation avec le document qui fait l’objet de la demande d’accès.
En l’espèce, comme déjà exposé sous le point 1, la partie requérante limite l’objet de sa demande à la communication du montant total facturé, révision comprise, pour le marché de base et pour les 1ère et 2ème reconductions.
La Commission considère que les montants totaux facturés dans le cadre de la mise en œuvre des marchés publics ne sont pas en soi des informations confidentielles, conformément à l’article 13, § 2, de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics. En effet, cette information est à ce point générale qu’elle n’est pas de nature à révéler des secrets techniques ou commerciaux et ne peut être considérée comme étant de celle pouvant être couverte par la confidentialité des offres. Il n’est pas non plus établi que la divulgation de ces montants totaux facturés serait de nature à porter préjudice aux intérêts commerciaux légitimes de l’opérateur économique concerné, au sens de l’article 62, alinéa 4, de la loi du 17 juin 2016 précitée. Décider autrement aurait pour conséquence de maintenir dans l’opacité la plus complète les documents et informations propres aux marchés publics, en méconnaissance du droit fondamental à la transparence administrative et, par ailleurs, aux principes généraux applicables aux marchés publics en vertu des articles 3 et suivants de la loi du 17 juin 2016, parmi lesquels le principe de transparence.
L’exception est rejetée.
8.1. La partie adverse invoque également l’exception relative à la vie privée, en ce compris le secret d’affaires qui est intégré dans cette notion, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « les documents sollicités par le requérant contiennent des éléments qui relèvent du secret d’affaires dans le chef de […], lesdits documents relèvent également de la vie privée de […] ». Elle expose le développement suivant :
« Au niveau européen, le législateur a adopté, le 8 juin 2016, la directive 2016/943/UE sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites, laquelle est entrée en vigueur le 5 juillet 2016 et devait être transposée dans le droit des États membres pour le 9 juin 2018, au plus tard.
La transposition de cette directive en droit belge a été réalisée par la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des secrets d’affaires, laquelle est entrée en vigueur le 24 août 2018.
Les articles XI.332/1 et suivants du Code de droit économique garantissent également le secret des affaires.
Cette notion est définie à l’article I.17/1, 1°, du même Code comme suit :
"1° secret d'affaires : information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète".
Le secret d’affaires protège notamment "les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise" (CADA wallonne, décision n° 209 du 9 novembre 2021 et CADA wallonne, décision n° 216 du 6 décembre 2021).
Dans le même ordre d’idée, M. BUYDENS considère que constituent des "secret commerciaux", les méthodes de calcul des coûts de fabrication, les sources d’approvisionnement d’une entreprise, la quantité produite et vendue, les parts de marché, les fichiers de clients ou de distributeurs, une stratégie commerciale, la structure du coût et du prix d’un produit ou d’un service, une politique de vente, un plan de restructuration, les tarifs préférentiels dont bénéficie une entreprise ou encore des données relatives à sa rentabilité, telles que son chiffre d’affaire (M. BUYDENS, Droit des brevets d’invention et protection du savoir-faire, Larcier, Bruxelles, 1999, pp. 288 et s.).
Selon le Conseil d’État, "peuvent contenir des informations relevant du secret des affaires, les offres déposées dans le cadre de la procédure d’attribution du marché litigieux ou d’un marché antérieur, ainsi que les documents établis dans le cadre des échanges ultérieurs entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires, relatifs soit à des demandes de précisions et aux réponses apportées à celles-ci, soit à l’invitation à déposer de nouvelles offres et à la suite réservée à celle-ci, particulièrement, […] dans le cadre d’une procédure négociée au cours de laquelle des offres améliorées ont pu être déposées à la suite de négociations" (C.E., arrêt n° 235.748 du 13 septembre 2016, SA REALDOLMEN et consorts).
Plus récemment, le Conseil d’État a considéré que le pouvoir adjudicateur a eu raison de ne pas communiquer certaines informations obtenues auprès de tiers consistent notamment en "des prix unitaires récents pour des contrats similaires de plusieurs acteurs du marché et des prix d’autres soumissionnaires" en ce qu’elles relèvent de l’article 13 de la loi du 17 juin 2016 (C.E. arrêt n° 255.297 du 19 décembre 2022, BV ADEDE / VLAAMSE GEWEST) ».
8.2. L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ».
Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires ce qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 118/2007 du 19 septembre 2007. Sont notamment protégés « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise ».
Le secret d’affaires est protégé par le Code de droit économique. L’article I.17/1, 1°, de ce Code le définit comme suit :
« (…) information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
S’agissant d’une exception au droit fondamental à la publicité administrative, le secret des affaires doit être interprété restrictivement.
En l’espèce, la Commission estime que la communication sollicitée des montants totaux facturés ne porte pas atteinte au secret d’affaires de l’opérateur économique concerné. En effet, de tels montants ne consistent pas en une structure de coûts ou de prix qui pourrait, moyennant les conditions reprises à l’article I.17/1, 1°, du Code de droit économique, consister, quant à elle, en des informations couvertes par le secret d’affaires[2].
L’exception est rejetée.
9.1. Enfin, la partie adverse invoque l’exception relative à un intérêt économique ou financier de la Région prévue à l’article 6, § 1er, 6°, du décret du 30 mars 1995. Elle écrit ce qui suit :
« En effet, ce faisant, [la partie adverse] divulguerait des informations sur l’étendue des prestations de […] ainsi que sur les prix (en ce compris leur mode de calcul et leur structure) qu’elle pratique.
Or, si les informations sur l’étendue des prestations, les prix proposés et la structure de ceux-ci sont rendus public, d’autres entreprises refuseront, dans le futur, de déposer des offres dans le cadre d’un marché similaire, ou reverront leurs prix à la hausse, ce qui porterait atteinte aux intérêts financiers et économiques de [la partie adverse] (voy. en ce sens CADA de la FWB, décision n° 138/23 du 29 août 2023).
Dans ces conditions, [la partie adverse] ne peut valablement pas pourvoir à la publicité des documents sollicités par le requérant en application de l’article 6, § 1er, 6°, du décret du 30 mars 1995 ».
9.2. L’article 6, § 1er, 6°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme suit :
« § 1. L'entité ou l'autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants :
[…]
6° un intérêt économique ou financier de la Région ».
En l’espèce, l’intérêt économique ou financier de la partie adverse ne se confond pas avec celui de la Région wallonne, seul concerné à l’article 6, § 1er, 6°, du décret du 30 mars 1995. Du reste, l’article L3231-3 du CDLD ne comporte pas d’exception analogue de nature à s’appliquer à la partie adverse.
L’exception est rejetée.
10. La Commission n’aperçoit pas quelles autres exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication des documents reprenant les informations sollicitées. A cet égard, dès lors que seuls les montants totaux facturés sont sollicités, la partie adverse peut occulter les autres informations reprises sur ces documents qui tomberaient dans le champ d’une des exceptions prévues par une norme législative au droit à la transparence administrative, étant entendu que celles-ci sont d’interprétation restrictive.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents relatifs au montant total facturé, révision comprise, pour le marché de base et pour les 1ère et 2ème reconductions incluses entre la société « […] » (BE0883 851 825) et [la partie adverse] et ce dans le cadre du projet « Rénovation de chauffage individuel/sanitaire dans le cadre de logements occupés – procédure négociée du 18 novembre 2020 » en occultant les informations autres que les montants totaux facturés qui tomberaient dans le champ d’une des exceptions prévues par une norme législative au droit à la transparence administrative, étant entendu que celles-ci sont d’interprétation restrictive et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] P.-O. de BROUX, D. de JONGHE, R. SIMAR, M. VANDERSTRAETEN, « Les exceptions à la publicité des documents administratifs », in V. MICHIELS (dir.), La publicité de l’administration – Vingt ans après, bilan et perspectives, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 144-145.
[2] Voy. également les décisions n° 7 du 7 octobre 2019 et n° 216 du 6 décembre 2021 de la CADA wallonne.
[2] Voy. également les décisions n° 7 du 7 octobre 2019 et n° 216 du 6 décembre 2021 de la CADA wallonne.