08 avril 2025 -
CADA - Décision n° 509 : RW – SPW – Liste d'agents – Document à caractère personnel (oui) – Vie privée (oui) – Communication partielle
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RW – SPW – Liste d'agents – Document à caractère personnel (oui) – Vie privée (oui) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Région wallonne, le Service public de Wallonie Secrétariat Général, Place Joséphine Charlotte, 2 à 5100 Jambes,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er, alinéa 1er, et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel du 12 mars 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 17 mars 2025 et reçue le 18 mars 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 24 mars 2025.
I. Objet du recours
1. La demande porte sur la communication d’une copie du procès-verbal de concours d’accession au niveau supérieur, établi le 17 juin 2024. Le requérant précise qu’il vise la communication du « classement de Madame [V.] sur le PV ad Hoc ».
En l’espèce, l’objet de la demande de la partie requérante se limite à obtenir le classement d’une candidate sur un procès-verbal. La Commission limite son examen à cet objet.
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article 8bis, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« Le recours devant la Commission peut être introduit par tout demandeur n'ayant pas obtenu satisfaction auprès de l'entité compétente par requête adressée au secrétariat de la Commission par lettre recommandée ou par tout autre moyen conférant date certaine à l'envoi et à la délivrance de cet envoi dans un délai de trente jours, qui en fonction du cas prend effet :
- le lendemain de la réception de la décision de rejet ;
- le lendemain de l'expiration du délai visé à l'article 6, § 5, ou à l'article 7, alinéa 2 ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 26 février 2025.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 11 mars 2025.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 12 mars 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995.
Dès lors, le recours est recevable ratione temporis.
5. Pour toute demande relative à un document à caractère personnel, l’article 4, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995 prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
Selon l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
En l’espèce, le classement de Madame [V.] dans le procès-verbal, en tant qu’il reprend les cotations obtenues aux différentes épreuves par cette candidate classée, constitue un document à caractère personnel au sens de l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995.
S’agissant d’un document à caractère personnel, la partie requérante doit justifier d’un intérêt pour y accéder, conformément à l’article 4, § 1er, du décret du 30 mars 1995.
Le requérant expose qu’il a « besoin de connaître le classement de Madame [V.] pour savoir s’[il aurait] pu prétendre à son poste » et qu’à cette fin, il doit « vérifier si la réglementation relative aux promotions a été respectée à la direction des routes d'Arlon ».
Le requérant justifie donc d’un intérêt[1].
6. Cependant, la reconnaissance de l’intérêt du demandeur n’emporte toutefois pas automatiquement la reconnaissance d’un droit dans son chef d’accéder au document à caractère personnel sollicité. En effet, les exceptions prévues par le décret peuvent s’appliquer même si l’intérêt du demandeur est démontré.
IV. Examen au fond
7. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
8. En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique qu’il « ne [leur] est pas possible de lui communiquer l'entièreté du document, celui-ci comprenant des données à caractère personnel relatives à des membres du personnel ».
Par l’arrêt n° 259.418 du 9 avril 2024, le Conseil d’Etat a jugé, implicitement mais certainement, que les règles ressortant du RGPD s’imposent au régime de publicité administrative organisé par le décret du 30 mars 1995.
La Commission est d’avis que, lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre du décret du 30 mars 1995, les règles du RGPD peuvent s’appréhender comme formant un tout indissociable avec l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret précité, sous réserve du respect de la primauté du droit européen.
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité régionale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
Le RGPD dispose en son article 86 comme il suit :
« Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l’exécution d’une mission d’intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l’Union ou au droit de l’État membre auquel est soumis l’autorité publique ou l’organisme public, afin de concilier le droit d’accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement ».
La Cour de justice de l’Union européenne juge que :
« […] les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel ne sont pas des prérogatives absolues ainsi que l’indique le considérant 4 du RGPD, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux. Des limitations peuvent ainsi être apportées, pourvu que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, elles soient prévues par la loi et qu’elles respectent le contenu essentiel des droits fondamentaux ainsi que le principe de proportionnalité. En vertu de ce dernier principe, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui. Elles doivent s’opérer dans les limites du strict nécessaire et la réglementation comportant l’ingérence doit prévoir des règles claires et précises régissant la portée et l’application de la mesure en cause [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité), C‑439/19, EU:C:2021:504, point 105] ».
Il résulte de l’examen combiné de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 et de l’article 86 du RGPD que l’exception au droit fondamental à la publicité administrative prise de l’atteinte à la vie privée doit faire l’objet d’une mise en balance entre, d’une part, les intérêts du public à l’accès aux documents officiels et, d’autre part, le droit à la protection des données à caractère personnel résultant du RGPD. En effet, l’exception législative concernée doit nécessairement, au regard des règles supérieures ressortant du RGPD, être interprétée comme ayant une portée relative, qui requiert de tenir compte de la conciliation à assurer entre les intérêts visés par l’article 86 du RGPD.
De manière constante, la Commission considère que les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Pour justifier une restriction au droit à la transparence administrative, il doit être établi que la publicité des informations concernées porte effectivement atteinte à la vie privée, un simple lien avec celle-ci ne suffisant pas. Une telle restriction est d’autant moins admissible lorsque les informations reprises dans le document administratif concerné présentent un intérêt public.
En l’espèce, les informations concernant d'autres candidats que celle expressément visée par la demande reprises sur le procès-verbal concerné doivent être occultées, vu l'objet spécifique de la demande.
Par ailleurs, la communication du numéro de registre national et ses résultats aux différentes épreuves sont susceptibles, dans les circonstances de l’espèce, de porter atteinte à la vie privée de l’intéressée.
Il y a donc lieu d’occulter ces informations ainsi que toutes celles relatives aux autres candidats, noms et classement compris.
9. La Commission n’aperçoit pas, à la lecture des éléments communiqués par la partie adverse, quelles autres exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication du document concerné.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante le document sollicité moyennant l’occultation du numéro de registre national et des résultats aux différentes épreuves de l’intéressée ainsi que toutes les informations relatives aux autres candidats et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] Voir en ce sens Avis n° 2018-15 de la CADA fédérale ; Décisions n° 442 du 10 septembre 2024 et n° 464 du 19 novembre 2024 de la CADA wallonne.