20 mai 2025 -
CADA - Décision n° 514 : Gouverneur – Délibération – Courrier – Recours sans objet
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Gouverneur – Délibération – Courrier – Recours sans objet
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
Le Gouverneur de la Province de Liège, Place Notger, 2 à 4000 Liège,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 24 mars 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 26 mars 2025 et reçue le 27 mars 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 4 avril 2025,
Vu la note d’observations de la partie adverse, transmise à la partie requérante le 10 avril 2025,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
I. Objet de la demande
1. La demande initiale porte sur la communication d’une copie des documents suivants :
« les courriers, les ordres du jour, les délibérations et annexes des Collèges et Conseils de police de la Zone Vesdre, les arrêtés d'approbation du Gouverneur, relatifs au mois d'octobre, novembre et décembre 2024 ».
En date du 21 février et du 4 mars, la partie adverse transmet « une série de documents » à la partie requérante.
Par courriel du 7 mars 2025, la partie requérante indique que « de nombreux documents sont manquants. A savoir :
1. Les délibérations publiques et huis clos, et leurs annexes du Conseil de police du 7 novembre 2024.
2. Les délibérations huis clos et leurs annexes du Conseil de police du 12 décembre 2024.
3. Les courriers dans lesquels la Zone Vesdre transmet au Gouverneur les délibérations reprises aux points 1 et 2 ci-dessus, et ce, conformément aux articles 85 et 86 de la LPI dans le cadre de l'exercice de sa tutelle.
4. Les courriers d'approbation du Gouverneur adressés à la Zone Vesdre concernant les délibérations reprises aux points 1 et 2 ci-dessus ».
La partie adverse indique par courriel du 7 mars 2025 que « les documents en 1 et 2 ne sont pas en [sa] possession et n'ont pas encore été soumis à tutelle”, et que « par la force des choses les documents réclamés en 3 et 4 n'existent pas ».
La partie requérante précise qu’elle limite son recours aux documents repris aux points 1 à 3 développés ci-dessus.
II. Compétence de la Commission
2. Dans son courrier du 4 avril 2025, la partie adverse émet des doutes quant à la compétence ratione materiae de la Commission dès lors que les documents demandés relèvent selon elle d’une matière fédérale et que le Gouverneur intervient à ce titre en qualité de commissaire du Gouvernement fédéral.
3. Les demandes formulées par la partie requérante ont, pour partie, trait à des courriers de la zone Vesdre, soit une zone de police pluricommunale.
La Commission a, à plusieurs reprises, constaté son incompétence pour connaître de recours à l’encontre de décisions qui font suite à une demande d’accès à un document administratif détenu par une zone de police pluricommunale[1].
La demande de publicité, et le recours qui fait suite au refus implicite de la partie adverse, n’est toutefois pas formulée directement auprès d’une zone de police pluricommunale mais bien auprès du Gouverneur de la Province de Liège qui, en vertu de son pouvoir de tutelle sur la zone de police pluricommunale, se voit communiquer certaines des délibérations de ses organes.
Compte tenu de ce que la demande de publicité (et le recours qui en est la suite) a été formulée auprès du Gouverneur de la Province de Liège, le seul fait que les documents sollicités aient trait à des documents émanant d’une zone de police pluricommunale ne suffit pas à constater l’absence de compétence de la Commission en l’espèce.
En effet, la compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs est déterminée eu égard à l’autorité qui détient le document et non eu égard à la matière à laquelle le document a trait.
En l’espèce, la Commission est compétente dès lors que les documents sollicités sont détenus par le Gouverneur de la Province de Liège, lequel relève organiquement de la Région wallonne (article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles). Le Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation ne prévoit pas de restriction à la compétence de la Commission à l’égard du gouverneur d’une province. Le fait que les documents concernés puissent relever d’une matière fédérale (en l’espèce, la police), communautaire ou autre ne prive pas la Commission de sa compétence organique à l’égard des documents détenus par le Gouverneur de province. Comme indiqué ci-avant, le critère déterminant la compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs de la Région wallonne est lié à l’autorité administrative qui détient le document et non au contenu du document qui pourrait relever d’une matière pour laquelle la Région wallonne n’est pas compétente[2], hormis certains cas, tels, les documents de nature environnementale, étrangers au cas d'espèce.
Pour autant que de besoin, la Commission rappelle qu’elle voit sa compétence matérielle déterminée, en vertu de l'article 32 de la Constitution, pour l'essentiel, par l'article 8 du décret du 30 mars 1995 et l'article L3231-5 du CDLD. Il ne lui appartient pas d'écarter ces dispositions décrétales, qui s'imposent à elles tant qu'elles n'ont pas été abrogées.
Le nouvel article 1er de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration, tel que modifié par l'article 2 de la loi du 12 mai 2024 modifiant la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration et abrogeant la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et les communes, qui fixe la compétence matérielle de la Commission d’accès aux documents administratifs fédérale, n’est pas de nature à remettre en cause ce qui précède.
Cette disposition ne saurait limiter la compétence de la Commission wallonne, d’autant plus qu’elle semble rompre avec la répartition des compétences voulue par le Constituant, telle que rappelée par la jurisprudence, la légisprudence et la doctrine majoritaire.
Il ressort des travaux préparatoires de l’article 32 de la Constitution que :
« La disposition proposée signifie que la consultation et la copie de documents administratifs sont libres. Toutefois, la loi, le décret ou l'ordonnance peuvent prévoir des exceptions ou modaliser ce droit en ce qui concerne les documents détenus par les autorités ou services relevant de la compétence, selon le cas, de l'autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région et peuvent prévoir des exceptions pour des motifs relevant de l'exercice de leurs compétences, qui valent pour toutes les autorités administratives »[3].
En ce sens, la section de législation du Conseil d’Etat relève que :
« De ces développements [à savoir le régime particulier de répartition des compétences entre l'État, les Communautés et les Régions résultant de l'article 32 de la Constitution dans le domaine de l'accès aux documents administratifs, ainsi que de la jurisprudence de la Cour d'arbitrage et de divers avis de la section de législation du Conseil d'État postérieurs à l'adoption de la disposition constitutionnelle précitée], il peut être déduit que chaque niveau de pouvoir est compétent pour établir une réglementation générale relative à la publicité de l'administration - réglementation tendant tout particulièrement à déterminer les modalités concrètes d'exercice du droit d'accès aux documents administratifs consacré par l'article 32 de la Constitution -, en ce qui concerne ses propres institutions et celles dont il lui appartient de régler l'organisation. Il y a lieu de préciser que la compétence que détient ainsi un niveau de pouvoir de régler de manière générale la publicité de l'administration dans ses propres institutions et dans celles dont il lui appartient de régler l'organisation, s'étend normalement à tous les actes ou domaines d'activités desdites institutions, quels qu'ils soient et à quelque matière qu'ils se rapportent.
En réglant l'accès aux documents administratifs dans la sphère de compétence qui est la sienne, une autorité a notamment le pouvoir de déterminer les exceptions dont elle estime devoir assortir le droit d'accès à ces documents. Cependant, un régime particulier de répartition des compétences entre l'État, les Communautés et les Régions résulte de l'article 32 de la Constitution, en ce qui concerne les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs qui sont justifiées par des motifs tenant à la protection d'intérêts déterminés : selon ce régime, chaque niveau de pouvoir est compétent - et seul compétent - pour fixer les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs qui sont justifiées par des motifs tenant à la protection d'intérêts qui relèvent de ses compétences propres, ces exceptions étant applicables à toutes les institutions qui détiennent de tels documents, quel que soit le niveau de pouvoir duquel elles relèvent »[4].
Ceci est également confirmé par la doctrine, qui relève, concernant la compétence générale de fixer les modalités générales de la publicité, qu’ « il y a lieu de se référer uniquement au critère formel. Celui-ci trouve son fondement dans les articles 9 et 87 de la loi spéciale du 8 août 1980 qui établissent la compétence des entités fédérées de régler le fonctionnement de leurs propres services et des organismes qu’elles sont autorisées à créer »[5].
4. Il s'ensuit que la Commission n’aperçoit aucun motif de s’écarter de sa jurisprudence constante et considère être compétente pour connaître du recours. La Commission est compétente ratione materiae et ratione personae pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
5. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
6. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 17 février 2025.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 7 mars 2025.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 24 mars 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
7. Dans son courriel du 7 mars 2025, la partie adverse indique que les documents demandés sous les points 1 et 2 ne lui sont pas encore parvenus et que, par conséquent, les documents sous les points 3 et 4 n’existent pas. Dans son courriel du 28 avril 2025, elle paraît confirmer ne toujours pas être en possession de ces documents.
Dès lors que la demande d’accès à l’information porte sur des documents qui, au jour où cette demande a été effectuée, n’étaient pas en possession de la partie adverse, le présent recours est a fortiori sans objet et, le cas échéant, prématuré.
La circonstance que les obligations de transmission des délibérations du Conseil de police au Gouverneur – telles que prévues par les articles 85 et 86 de la loi du 7 décembre 1998 « organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux » – n’auraient pas été respectées n’apparaît pas imputable à la partie adverse.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est sans objet.
[1] CADA wallonne, décision n° 194 du 6 septembre 2021, décision n° 173 du 23 août 2021, décision n° 19 du 2 décembre 2019 et décision n° 11 du 4 novembre 2019.
[2] Voir avis n° 2014/30 du 31 mars 2014 de la Commission fédérale d’accès aux documents administratifs et CADA Wallonne, avis n° 66 du 28 avril 2014. Voy. Aussi C.E. (sect. Lég.), avis L. 23.853/1.
[3] Proposition du Gouvernement visant à insérer un article 24ter dans la Constitution relatif à la publicité de l'administration, Note explicative, Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, pp. 4-5.
[4] C.E. (sect. lég.), avis 38.943/2/V, la Commission souligne et imprime en gras. Voy. Aussi C.E. (sect. lég.), avis 39.823/3.
[5] D. Déom, T. Bombois et L. Gallez, « Les exceptions au droit d’accès aux documents administratifs », in L’accès aux documents administratifs, Dir. D. Renders, p. 183.
[2] Voir avis n° 2014/30 du 31 mars 2014 de la Commission fédérale d’accès aux documents administratifs et CADA Wallonne, avis n° 66 du 28 avril 2014. Voy. Aussi C.E. (sect. Lég.), avis L. 23.853/1.
[3] Proposition du Gouvernement visant à insérer un article 24ter dans la Constitution relatif à la publicité de l'administration, Note explicative, Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, pp. 4-5.
[4] C.E. (sect. lég.), avis 38.943/2/V, la Commission souligne et imprime en gras. Voy. Aussi C.E. (sect. lég.), avis 39.823/3.
[5] D. Déom, T. Bombois et L. Gallez, « Les exceptions au droit d’accès aux documents administratifs », in L’accès aux documents administratifs, Dir. D. Renders, p. 183.