17 juin 2025 -
CADA - Décision n° 522 : Gouverneur – Délibération – Courrier – Demande manifestement abusive et répétée (non) – Communication
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Gouverneur – Délibération – Courrier – Demande manifestement abusive et répétée (non) – Communication
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
Le Gouverneur de la Province de Liège, Place Notger, 2 à 4000 Liège,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 25 avril 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 30 avril 2025 et reçue le 2 mai 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 19 mai 2025.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication électronique d’une copie des documents suivants :
« des courriers, des ordres du jour, des délibérations et annexes des Collèges et Conseils de police de la Zone Vesdre, des arrêtés d'approbation du Gouverneur, relatifs au mois de février 2025 ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 17 mars 2025.
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 16 avril 2025, en application de l’article L3231-3, alinéa 4, du CDLD.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 25 avril 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
6. La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995, de telle sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer la mission qui lui est dévolue.
Aucune exception à cette obligation de collaboration dans l’instruction du dossier n'est prévue par le décret.
Dès lors, conformément à l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la partie adverse doit communiquer, pour autant qu’ils existent, les documents à la partie requérante, moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du même décret, étant entendu qu’elles sont de stricte interprétation.
7. En l’espèce, la partie adverse indique que « comme M. le Gouverneur l’a précisé lors des précédents recours, il ne souhaite plus intervenir dans le conflit qui oppose […] et la zone Vesdre d’autant que ce dernier abuse de son droit de notre point de vue ».
Si la partie adverse n’invoque pas expressément d’exception au droit à la publicité de l’administration, il découle toutefois de ses développements qu’elle s’interroge sur le caractère abusif de la demande, exception prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 3°, du CDLD. En effet, la partie adverse explique qu’ « au surplus, le service est en sous-effectif grave vu qu’il ne reste plus qu’un seul agent valide dans le service actuellement. Ce dernier doit donc impérativement se concentrer exclusivement sur ses missions de tutelle. Concernant les agents absents, un de ceux-ci est en épuisement suite à la charge de travail importante qui pèse sur le service et aux multiples demandes de […] et […] ainsi que les dénigrements du service qu’ils ne cessent de reproduire. Cela a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase vu qu’il a malheureusement vécu cette situation comme du harcèlement de la part des intéressés ».
L’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme il suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :
[…]
3° est manifestement abusive ou répétée ».
La Commission rappelle qu’« une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement [de la commune]. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive »[1].
Il a, par ailleurs, été jugé par le Conseil d’Etat que :
« Peut être considérée comme manifestement abusive […], la demande dont le traitement a pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’autorité qui en est saisie. Toutefois, cette exception au droit d’accès, qui est un droit fondamental, est d’interprétation stricte et l’autorité qui entend l’opposer à la demande dont elle est saisie doit la fonder sur les éléments propres au cas d’espèce et aptes à justifier concrètement le recours à cette hypothèse légale d’exception. Ces éléments doivent ressortir de la motivation formelle de la décision de refus »[2].
En l’espèce, si la partie adverse fait état que « le service est en sous-effectif grave vu qu’il ne reste plus qu’un seul agent valide dans le service actuellement [et que ce] dernier doit donc impérativement se concentrer exclusivement sur ses missions de tutelle », il n’est pas étayé de manière suffisamment probante, compte tenu de l’objet limité de la demande, en quoi celle-ci est, à elle seule, de nature à emporter une charge de travail à ce point importante qu’elle pourrait entraîner un dysfonctionnement du service public.
Enfin, l’exception relative à une demande « répétée » a été introduite par l’article 62 du décret du 26 avril 2012 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation. Si l’exposé des motifs[3] et le commentaire des articles[4] ne permettent pas d’en comprendre les motivations, il ressort en revanche de la discussion parlementaire[5] que, selon le Ministre, « il peut s’agir d’une demande exprimée plusieurs fois » ou encore que, selon un parlementaire, « si quelqu’un fait cinq fois la même réclamation, qu’il obtient une réponse et qu’il réitère sa demande, cela devient répété » ou que, selon un autre parlementaire, cela « vise le cas où la demande a reçu une suite positive et où on a simplement un citoyen qui répète sa demande alors qu’il a eu réponse. On vise à empêcher une personne de redemander quelque chose qui n’est pas abusif, mais auquel une réponse a été donnée ».
Eu égard à ce qui précède, la demande ne peut pas être qualifiée de « répétée ».
Compte tenu toutefois des circonstances particulières avancées par la partie adverse en termes d’effectifs au sein de ses services, un délai de trente jours lui est octroyé afin de faire droit à la demande d’accès.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et ce, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] Voy. avis n° 199 du 18 juin 2018 de la CADA wallonne.
[2] Voy. arrêt n° 250.170 du 19 mars 2021, A.S.B.L. Animal Rights.
[3] Exposé des motifs, Doc., Parl. w., 2011-2012, n° 567/1, p. 2.
[4] Commentaire des articles, Doc., Parl. w., 2011-2012, n° 567/1, p. 13.
[5] Rapport, Doc., Parl. w., 2011-2012, n° 567/10, p. 43.