17 juin 2025 -
CADA - Décision n° 520 :
FLW – Décision d'attribution – Secret des affaires (non) – Communication
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FLW – Décision d'attribution – Secret des affaires (non) – Communication
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
Le Fonds du Logement des Familles, rue de Brabant, 1 à 6000 Charleroi,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er, alinéa 1er, et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article 3, § 1er, 32°, du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l’administrateur public,
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 22 avril 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 30 avril 2025 et reçue le 5 mai 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 19 mai 2025,
Vu la note d’observations de la partie adverse, transmise à la partie requérante le 5 juin 2025.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie des « informations/documents du projet : Remise en état d'un logement – […] :
- Le nom de l’entreprise adjudicataire du marché;
- Une copie de la décision d’attribution ».
La partie requérante précise que « cette demande ne concerne en aucun cas des informations confidentielles telles que des secrets techniques, des affaires, des informations pouvant porter préjudice à l’intérêt public, ni des éléments relatifs aux méthodes de calcul des coûts, aux prix unitaires, aux procédés de fabrication, aux sources d’approvisionnement, aux parts de marché, aux fichiers clients, à la stratégie commerciale, à la structure des coûts ou à la politique de vente de l’entreprise ».
II. Compétence de la Commission
2. La partie adverse soutient qu’elle n’est pas une autorité administrative au sens de l’article 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d’État ni une société de logement de service public au sens de l'article L3211-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation et que, dès lors, elle n’est pas soumise à la législation relative à la publicité de l’administration.
3. En vertu de l’article 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 30 mars 1995, ce décret s’applique aux organismes visés par l'article 3 du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l'administrateur public, dont le Fonds du Logement des Familles nombreuses de Wallonie (FLW) (article 3, § 1er, 32°, du décret du 12 février 2004 précité).
Dès lors que le décret du 30 mars 1995 est applicable à la partie adverse, la Commission est compétente pour connaître du recours.
Recevabilité du recours
L’article 8bis, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« Le recours devant la Commission peut être introduit par tout demandeur n'ayant pas obtenu satisfaction auprès de l'entité compétente par requête adressée au secrétariat de la Commission par lettre recommandée ou par tout autre moyen conférant date certaine à l'envoi et à la délivrance de cet envoi dans un délai de trente jours, qui en fonction du cas prend effet :
- le lendemain de la réception de la décision de rejet ;
- le lendemain de l'expiration du délai visé à l'article 6, § 5, ou à l'article 7, alinéa 2 ».
5. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 22 avril 202
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 22 avril 2025.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 22 avril 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
6. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
7. En l’espèce, la partie adverse indique que conformément à l’article 8, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l'information et aux voies de recours en matière de marchés publics et de certains marchés de travaux, de fournitures et de services et de concessions, elle a rédigé une décision motivée d’attribution, laquelle a été notifiée à l’adjudicataire ainsi qu’aux soumissionnaires non retenus. A la date d’attribution du marché, le 16 décembre 2021, la publication d’un avis d’attribution simplifié n’était pas requise pour les marchés en dessous des seuils de publicité européenne, cette obligation n’étant entrée en vigueur que le 1er septembre 2023. Dès lors que la partie requérante n’a pas participé à la procédure, la partie adverse estime qu’aucune obligation légale ne justifie la communication des informations sollicitées.
La partie adverse ajoute que conformément aux dispositions de la loi du 17 juin 2013 précitée, la communication de la décision d’attribution inclut, en principe, la décision motivée. Toutefois, cette même loi prévoit expressément des cas dans lesquels le pouvoir adjudicateur peut limiter la portée de cette communication, notamment en se bornant à notifier à chaque soumissionnaire concerné les motifs de rejet ou d’irrégularité de son offre. Dès lors, imposer, sur la base de l’article 32 de la Constitution, la transmission intégrale de la décision motivée à une entreprise non participante à la procédure reviendrait à neutraliser les limitations prévues par le législateur. Une telle interprétation créerait une inégalité de traitement injustifiée, en permettant à un opérateur économique tiers d’accéder à l’ensemble de la décision, alors même qu’un soumissionnaire évincé ne peut en obtenir que les extraits le concernant.
8. La Commission rappelle que le décret du 30 mars 1995 établit que toute personne peut demander l’accès à un document administratif, même si elle n’est pas directement concernée par celui-ci. Cela inclut donc potentiellement la décision d’attribution d’un marché public. Les dispositions légales en matière de marchés publics concernant l’information que le pouvoir adjudicateur doit adresser aux candidats et soumissionnaires dans le cadre de la procédure de passation d’un marché public n’interdisent pas qu’une personne tierce à une procédure de marché public puisse obtenir les décisions intervenues dans ce cadre à l’occasion d’une demande de publicité administrative[1]. Contrairement à ce que soutient la partie adverse, cette possibilité existe également pour le soumissionnaire évincé, de sorte que la différence de traitement alléguée n’existe pas. Cependant, cette publicité n’est pas absolue et est ainsi soumise à des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995.
9. La partie adverse soulève l’exception relative à la vie privée, en ce compris le secret d’affaires qui est intégré dans cette notion, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995.
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…] ».
Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires ce qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 118/2007 du 19 septembre 2007. Sont notamment protégés « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise »[2].
Le secret d’affaires est protégé par le Code de droit économique. L’article I.17/1, 1°, de ce Code le définit comme suit :
« (…) information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
S’agissant d’une exception au droit fondamental à la publicité administrative, le secret des affaires doit être interprété restrictivement.
En l’espèce, le document communiqué ne contient pas d’informations couvertes par la notion de secret d’affaires, telle que rappelée ci-dessus.
Partant, l’exception est rejetée.
10. La partie adverse fait également valoir qu’ « eu égard au secteur d'activité de la [partie requérante] décrit sur son site Internet, il nous semble utile de rappeler les termes de l'article 10 du décret 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'Administration qui précisent que les documents administratifs obtenus en application du présent décret ne peuvent être diffusés ni utilisés à des fins commerciales. ».
La Commission rappelle qu’en vertu de l’article 10 du décret du 30 mars 1995, les documents obtenus en application du droit d’accès aux documents administratifs ne peuvent être utilisés ou diffusés à des fins commerciales.
L’utilisation de documents obtenus en application du droit d’accès aux documents administratifs relève dès lors de la responsabilité de la partie requérante, à laquelle il appartient de veiller au respect des droits des tiers, en ce compris le droit à la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel des personnes concernées. La partie adverse ne peut justifier son refus par des craintes quant à une « mauvaise utilisation » du document que pourrait faire la partie requérante en le sortant du contexte.
Partant, l’argument ne peut pas être accueilli.
11. La Commission n’aperçoit pas, à la lecture des éléments communiqués par la partie adverse, quelles autres exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication du document concerné.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] CADA wallonne, décision n° 275 du 9 février 2023.
[2] Voy. notamment CADA wallonne, décisions n° 209 du 9 novembre 2021, n° 216 du 6 décembre 2021, n° 275 du 9 février 2023, n° 374 du 23 janvier 2024.