15 juillet 2025 -
CADA - Décision n° 539 : Commune – Décision d'attribution – Secret des affaires (oui) – Communication partielle
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Commune – Décision d'attribution – Secret des affaires (oui) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de La Bruyère, rue des Dames Blanches, 1 à 5080 Rhisnes,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 26 mai 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 27 mai 2025 et reçue le 30 mai 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 6 juin 2025.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie des « informations/documents (…) concernant le projet : Réparation du mur du cimetière de Saint Denis MG/28/2022 :
- Le nom de l’entreprise adjudicataire du marché
- Une copie de la décision d’attribution ».
La partie requérante précise que « cette demande ne concerne en aucun cas des informations confidentielles telles que des secrets techniques, des affaires, des informations pouvant porter préjudice à l’intérêt public, ni des éléments relatifs aux méthodes de calcul des coûts, aux prix unitaires, aux procédés de fabrication, aux sources d’approvisionnement, aux parts de marché, aux fichiers clients, à la stratégie commerciale, à la structure des coûts ou à la politique de vente de l’entreprise ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 22 avril 2025.
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 22 mai 2025, en application de l’article L3231-3, alinéa 4, du CDLD.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 26 mai 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable ratione temporis.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
6. En l’espèce, la partie adverse indique que « lors de la demande, après analyse, le service juridique a refusé la communication de ce document estimant que [la partie requérante], n’ayant pas participé à la procédure de passation, ne pouvait se prévaloir des droits d’information prévus par la législation relative au marché public notamment la loi du 17 juin 201 Par ailleurs, la décision d’attribution datant de décembre 2023 et la demande ayant été introduite en avril 2025, cet écart temporel a suscité un certain étonnement quant à l’intérêt actuel de la demande. Cela étant, au regard du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration, un tiers non-soumissionnaire comme la partie requérante peut effectivement solliciter l’accès à une décision d’attribution en tant que publicité passive ».
7. La Commission rappelle que la partie requérante ne doit pas justifier d’un intérêt à sa demande, sauf, conformément à l’article 4, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, lorsqu’il s’agit d’un document à caractère personnel, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
La Commission rappelle également que le décret du 30 mars 1995 établit que toute personne peut demander l’accès à un document administratif, même si elle n’est pas directement concernée par celui-ci. Cela inclut donc potentiellement la décision d’attribution d’un marché public. Les dispositions légales en matière de marchés publics concernant l’information que le pouvoir adjudicateur doit adresser aux candidats et soumissionnaires dans le cadre de la procédure de passation d’un marché public n’interdisent pas qu’une personne tierce à une procédure de marché public puisse obtenir les décisions intervenues dans ce cadre à l’occasion d’une demande de publicité administrative[1]. Comme l’indique la partie adverse, cette possibilité existe également pour le soumissionnaire évincé. Cependant, cette publicité n’est pas absolue et est ainsi soumise aux exceptions prévues par la législation relative à la publicité de l’administration.
8. La partie adverse soulève l’exception relative à la vie privée, en ce compris le secret d’affaires qui est intégré dans cette notion, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « cette décision contenait des éléments à caractère commercial sensible comme le prix et des données techniques justifiant un refus sur base des exceptions prévues à l’article 6 du décret ».
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…] ».
Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires ce qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 118/2007 du 19 septembre 2007. Sont notamment protégés « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise »[2].
Le secret d’affaires est protégé par le Code de droit économique. L’article I.17/1, 1°, de ce Code le définit comme suit :
« (…) information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
S’agissant d’une exception au droit fondamental à la publicité administrative, le secret des affaires doit être interprété restrictivement.
En l’espèce, la délibération du Collège communal du 21 décembre 2023 attribuant le marché pour la réparation du mur du cimetière de Saint-Denis ne contient pas d’informations couvertes par le secret des affaires, sous réserve du considérant justifiant les prix de certains postes relativement à l’offre d’un soumissionnaire. Y sont détaillés les heures, les prix unitaires, les quantités, le matériel utilisé, l’amortissement des coûts et leur répartition sur différents postes, le rendement, les matériaux, etc.
Par conséquent, le document doit être transmis à la partie requérante après avoir occulté le considérant relatif à la justification des prix du soumissionnaire concernant les postes 2, 4, 6, 10 et 12.
9. La Commission n’aperçoit pas, à la lecture des éléments communiqués par la partie adverse, quelles autres exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication du document concerné.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante la délibération du Collège communal du 21 décembre 2023 attribuant le marché pour la réparation du mur du cimetière de Saint-Denis, après avoir occulté le considérant relatif à la justification des prix du soumissionnaire concernant les postes 2, 4, 6, 10 et 12 et ce, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] CADA wallonne, décision n° 275 du 9 février 2023.
[2] Voy. notamment CADA wallonne, décisions n° 209 du 9 novembre 2021, n° 216 du 6 décembre 2021, n° 275 du 9 février 2023, n° 374 du 23 janvier 2024.