26 août 2025 -
CADA - Décision n° 549 : Commune – Candidature – Désignation – Document à caractère personnel (oui) – Intérêt (oui) – Vie privée (oui) – Communication partielle
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Commune – Candidature – Désignation – Document à caractère personnel (oui) – Intérêt (oui) – Vie privée (oui) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Florennes, Place de l’Hôtel de Ville, 1 à 5620 Florennes,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 20 juin 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 24 juin 2025 et reçue le 25 juin 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 25 juillet 2025.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie des documents suivants relatifs au poste de médiateur à l’administration communale de Florennes :
« • La décision du Collège communal en date du 19/09/2023 attestant de la recevabilité de la candidature de Madame [B.] au poste de médiateur ;
• Toutes décisions du Collège communal relatives à la désignation (et modalités) de la lauréate [B.] au poste de Médiatrice ;
• Tous documents relatifs à la rémunération mensuelle brute pour le poste de médiateur (Niveau A) ;
• Tous documents relatifs à la prolongation du contrat (après la période initiale de 6 mois) de Madame [B.] au poste de médiateur ;
• Tous documents relatifs à l’obtention du subventionnement de 82 500 € en lien avec la fonction correspondant à l'engagement d'un agent de grade A1 dans le cadre d'un régime de 19h00 ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3.L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 14 mai 2025.
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 13 juin 2025, en application de l’article L3231-3, alinéa 4, du CDLD.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 20 juin 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
5. Pour toute demande relative à un document à caractère personnel, l’article 4, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995 prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
Selon l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
En l’espèce, les décisions des 17 octobre et 7 novembre 2023 désignant Madame [B.], en tant qu’elles reprennent les cotations obtenues aux différentes épreuves par cette candidate classée ainsi qu’une appréciation de sa candidature, constituent un document à caractère personnel au sens de l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995.
S’agissant d’un document à caractère personnel, la partie requérante doit justifier d’un intérêt pour y accéder, conformément à l’article 4, § 1er, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante expose qu’elle a été « candidate à une procédure de recrutement relative à l’engagement d’un médiateur H/F/X (Niveau A) pour l’Administration » de la partie adverse.
La requérante justifie donc d’un intérêt.
Dès lors, le recours est recevable.
Cependant, la reconnaissance de l’intérêt du demandeur n’emporte toutefois pas automatiquement la reconnaissance d’un droit dans son chef d’accéder au document à caractère personnel sollicité. En effet, les exceptions prévues par le décret peuvent s’appliquer même si l’intérêt du demandeur est démontré.
IV. Examen au fond
6. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant, le cas échéant, à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu dans le délai imparti à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995.
Néanmoins, la partie adverse a, rapidement après l’expiration du délai susvisé, communiqué à la Commission des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
7. La Commission constate que la partie adverse a communiqué les documents sollicités en anonymisant elle-même certaines informations.
La Commission rappelle que ses membres et son secrétariat sont soumis au secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal, compte tenu de la nature des missions de la Commission, ce qui a été confirmé par la Cour constitutionnelle[1].
8. La partie adverse invoque, bien qu’implicitement, l’exception relative à l’atteinte à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique qu’il y a lieu « d'assurer la pseudonymisation des données à caractère personnel contenues dans les documents, conformément à l'article L3221-8 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation ».
Par l’arrêt n° 259.418 du 9 avril 2024, le Conseil d’Etat a jugé, implicitement mais certainement, que les règles ressortant du RGPD s’imposent au régime de publicité administrative organisé par le décret du 30 mars 1995.
La Commission est d’avis que, lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre du décret du 30 mars 1995, les règles du RGPD peuvent s’appréhender comme formant un tout indissociable avec l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret précité, sous réserve du respect de la primauté du droit européen.
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité régionale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
Le RGPD dispose en son article 86 comme il suit :
« Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l’exécution d’une mission d’intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l’Union ou au droit de l’État membre auquel est soumis l’autorité publique ou l’organisme public, afin de concilier le droit d’accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement ».
La Cour de justice de l’Union européenne juge que :
« […] les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel ne sont pas des prérogatives absolues ainsi que l’indique le considérant 4 du RGPD, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux. Des limitations peuvent ainsi être apportées, pourvu que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, elles soient prévues par la loi et qu’elles respectent le contenu essentiel des droits fondamentaux ainsi que le principe de proportionnalité. En vertu de ce dernier principe, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui. Elles doivent s’opérer dans les limites du strict nécessaire et la réglementation comportant l’ingérence doit prévoir des règles claires et précises régissant la portée et l’application de la mesure en cause [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité), C‑439/19, EU:C:2021:504, point 105] ».
Il résulte de l’examen combiné de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 et de l’article 86 du RGPD que l’exception au droit fondamental à la publicité administrative prise de l’atteinte à la vie privée doit faire l’objet d’une mise en balance entre, d’une part, les intérêts du public à l’accès aux documents officiels et, d’autre part, le droit à la protection des données à caractère personnel résultant du RGPD. En effet, l’exception législative concernée doit nécessairement, au regard des règles supérieures ressortant du RGPD, être interprétée comme ayant une portée relative, qui requiert de tenir compte de la conciliation à assurer entre les intérêts visés par l’article 86 du RGPD.
De manière constante, la Commission considère que les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Pour justifier une restriction au droit à la transparence administrative, il doit être établi que la publicité des informations concernées porte effectivement atteinte à la vie privée, un simple lien avec celle-ci ne suffisant pas. Une telle restriction est d’autant moins admissible lorsque les informations reprises dans le document administratif concerné présentent un intérêt public.
En l’espèce, la communication des informations relatives au domicile de la lauréate, ses résultats aux différentes épreuves et l’appréciation portée sur sa candidature sont susceptibles, dans les circonstances de l’espèce, de porter atteinte à la vie privée de l’intéressée. Il y a donc lieu de les occulter.
En revanche, la Commission n’aperçoit pas en quoi la communication des nom et prénom de la seule personne dont la candidature est recevable entrainerait une atteinte à la vie privée. Ces informations ne doivent dès lors pas être occultées.
La Commission n’aperçoit pas, à la lecture des éléments communiqués par la partie adverse, quelles autres exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication du document concerné.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités en occultant les informations relatives au domicile de la lauréate, à ses résultats aux différentes épreuves et à l’appréciation portée sur sa candidature et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] C.C., 25 novembre 2021, n° 170/2021, B.2.8.