09 octobre 2025 -
CADA - Décision n° 562 : Intercommunale – Dividendes – Secret d'affaires – Communication d'office
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Intercommunale – Dividendes – Secret d'affaires – Communication d'office
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
L’Association Intercommunale d’Etude et d’Exploitation d’Electricité et de Gaz, en abrégé, AIEG, Rue des Marais, 11 à 5300 Andenne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu les articles L1561-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 14 juillet 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 15 juillet 2025 et reçue le 16 juillet 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 24 juillet 2025,
Vu la note d’observations de la partie adverse, transmise à la partie requérante le 24 juillet 2025,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
I. Objet de la demande et du recours
1. La demande porte sur la consultation des documents suivants :
« - Les documents qui stipulent que la Commune de Gesves peut recevoir des dividendes de l’AIEG - Les documents qui stipulent ce que la Commune de Gesves donne comme avantage à l’AIEG en échange de recevoir des dividendes
- Les documents qui stipulent le pourquoi que la Commune de Gesves perçoit des dividendes de l’AIEG. - Les documents qui stipulent la justification de l’explication du montant de répartition des dividendes qui est inscrite à l’intercommunal AIEG.
- Les documents d’accords depuis que l’AIEG envois des dividendes à la Commune de Gesves ».
La partie adverse a communiqué à la partie requérante en date du 14 juillet 2025 le protocole d’accord encadrant notamment les engagements réciproques liés à la gestion du réseau de distribution d’électricité sur le territoire de la commune de Gesves.
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L1561-6, alinéas 5 et 6, du CDLD dispose comme suit :
« L’intercommunale ou la société à participation publique locale significative, au sens de l'article L5111-1, alinéa 1er, 10°, du Code qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique, dans un délai de trente jours de la réception de la demande, les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 11 juillet 2025.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 14 juillet 2025.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 14 juillet 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L1561-8, § 1er, alinéa 2, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
6. Dans la note d’observations adressée à la Commission, la partie adverse explique :
« Il n’existe pas de documents administratifs autonomes répondant point par point aux intitulés formulés. Les informations pertinentes sont intégrées dans une convention multipartite, notamment le protocole d’accord transmis à Monsieur Brouir en date du 14 juillet 2025. Ce document encadre les engagements réciproques entre l’AIEG, IDEG, Electrabel, la Ville de Namur, les communes de Gesves et d’Ohey, et d’autres parties prenantes dans le cadre de la gestion du réseau de distribution d’électricité ».
7. La partie adverse ajoute que « certaines clauses du protocole ont été occultées afin de préserver le secret des affaires et la confidentialité commerciale ».
8. L’article L1561-6, alinéa 3, 2°, du CDLD, dispose comme il suit :
« L’intercommunale ou la société à participation publique locale significative rejette une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si la publication du document administratif porte atteinte :[…]
2° à une obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret ».
La Commission rappelle que l’application de l’exception relative à une obligation de secret instaurée par une loi ou un décret requiert la réunion de deux conditions, cumulatives[1] :
- aux termes de la première condition, qui est d’ordre formel, l’obligation de secret doit être inscrite dans une loi ou un décret ;
- aux termes de la seconde condition, qui est d’ordre matériel, il convient d’interroger le sens du secret imposé pour s’assurer qu’il vise la bonne situation, les bonnes personnes ou les bons documents (voire partie(s) de document). Il faut tenir compte du but visé par une disposition relative à l’obligation de secret et du fait que la disposition relative à l’obligation de secret ne s’applique que dans la mesure où il est porté atteinte à la finalité pour laquelle cette disposition relative à l’obligation de secret a été créée.
Le recours à cette exception exige donc de démontrer de manière concrète et pertinente le lien de cette obligation avec le document qui fait l’objet de la demande d’accès.
9. L’article L1561-6, alinéa 3, 1°, du CDLD, dispose comme il suit :
[…]
1° à la vie privée, sauf si la personne concernée a préalablement donné son accord par écrit à la consultation ou à la communication sous forme de copie ;».
Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires, ce qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 118/2007 du 19 septembre 2007. Sont notamment protégés « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise ».
Le secret d’affaires est protégé par le Code de droit économique. L’article I.17/1, 1°, de ce Code le définit comme suit :
« (…) information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
En ce qui concerne l’exception relative au caractère par nature confidentiel des informations d'entreprises ou de fabrication communiquées à l’intercommunale, la Commission rappelle que l’article 1561-6, alinéa 3, 3°, du CDLD, dispose comme il suit :
« L’intercommunale ou la société à participation publique locale significative rejette une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si la publication du document administratif porte atteinte :
[…]
3° au caractère par nature confidentiel des informations d'entreprises ou de fabrication communiquées à l'intercommunale ou la société à participation publique locale significative, au sens de l'article L5111-1, alinéa 1er, 10°, du Code ».
La Commission souligne que cette disposition ne vise pas toutes les données d’entreprise et de fabrication communiquées à une intercommunale mais uniquement celles qui, par la nature de l’affaire, sont confidentielles. A cet égard, il y a lieu de se référer à la notion de « secret des affaires » telle qu’elle est définie à l’article I.17/1 du Code de droit économique.
10. La Commission constate que la partie adverse n’a pas transmis à la Commission la copie de l’intégralité de ce protocole d’accord en méconnaissance de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995. Dans ces conditions, la Commission n’est pas en mesure d’apprécier de manière concrète et complète la pertinence des exceptions invoquées au regard des circonstances de l’espèce.
La Commission rappelle que ses membres et son secrétariat sont soumis au secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal, compte tenu de la nature des missions de la Commission, ce qui a été confirmé par la Cour constitutionnelle[2].
Il s’ensuit que la partie adverse doit communiquer les documents demandés à la partie requérante, sous réserve des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et à l’article L1561-6 du CDLD, en ce compris les précisions énoncées supra.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est recevable.
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] P.-O. de BROUX, D. de JONGHE, R. SIMAR, M. VANDERSTRAETEN, « Les exceptions à la publicité des documents administratifs », in V. MICHIELS (dir.), La publicité de l’administration – Vingt ans après, bilan et perspectives, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 144-145.
[2] C.C., 25 novembre 2021, n° 170/2021, B.2.8.