09 octobre 2025 -
CADA - Décision n° 559 : CPAS – Dossier social – Incompétence partielle – Communication d'office
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CPAS – Dossier social – Incompétence partielle – Communication d'office
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
Le CPAS de Tournai, Boulevard Lalaing, 41 à 7500 Tournai,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article 31bis de la loi organique des centres publics d’action sociale du 8 juillet 1976 (ci-après, la loi CPAS),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 3 juillet 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 8 juillet 2025 et reçue le 9 juillet 2025,
Vu la réponse de la partie adverse du 7 août 2025,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie des documents suivants :
- Son dossier administratif au CPAS
- La correspondance avec le propriétaire du logement,
- Les notes internes relatives aux appels ou contacts effectués par Madame D. y compris un email envoyé au propriétaire
- L'attestation de clôture de son dossier
- L'attestation de perception de l’aide pour mai 2025
- L'attestation de reconnaissance du statut de sansabri
- Tous les documents relatifs à l’état du logement entre novembre 2023 et mai 2025, en ce compris un rapport établi en automne 2024
- La copie d’une demande de prime d’installation.
Outre ces éléments, la partie requérante sollicite également le constat officiel du fait que sa demande de reconnaissance du statut de sans-abri date du 12 mai 2025 et non d’une date ultérieure, ainsi que la confirmation « des violations dans les décisions officielles » du CPAS.
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente ratione materiae et ratione personae pour connaître du recours, sous réserve de ce qui suit.
L’article 8, §1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995 dispose : « La Commission connaît des recours introduits contre les décisions de rejet, même implicites, de l'entité compétente saisie d'une demande de consultation, de communication ou de rectification d'un document administratif, conformément aux articles 6 et 7 du présent décret ».
Au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 un document administratif est défini comme « toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une entité dispose ».
La Commission rappelle, par ailleurs, que les entités administratives ne sont pas tenues de créer un document administratif nouveau pour remplir leurs obligations relatives à la publicité passive[1].
Il ne relève dès lors pas de la compétence de la Commission de :
- Obliger une entité à établir une attestation ;
- Constater officiellement que la demande du 12 mai 2025 a été ignorée au profit d’une date ultérieure sans fondement valable ;
- Confirmer l’absence de documents ;
- Constater l’illégalité d’une décision administrative qui n’est pas une décision de rejet d’une entité saisie d'une demande de consultation, de communication ou de rectification d'un document administratif.
La Commission est compétente pour connaître du recours en ce qu’il vise la communication des documents administratifs contenus dans son dossier social.
III. Recevabilité du recours
3. La demande initiale été adressée à la partie adverse le 26 mai 2025. Cette demande portait sur la communication d’une copie complète de son dossier social y compris les échanges internes et externes concernant sa situation (notamment les courriels avec Mme D. et d’autres intervenants), les rapports sociaux, les décisions prises à son sujet, toute pièce liée à sa demande d’attestation de sans-abri et à l’état de son logement. A la suite de la réponse de la partie adverse invitant la partie requérante à préciser l’objet de la demande, la partie requérante a précisé sa demande le 3 juin 2025 comme suit :
« - toute évaluation sociale liée à mon logement durant cette période ;
- tout rapport, note ou échange (courriel, courrier, message interne) concernant mon logement ou les conditions de vie dans celui-ci ;
- tout témoignage, avis, signalement ou information reçus par vos services à ce sujet, même s’ils doivent être anonymisés ;
- tout avis ou échange avec des professionnels tiers (SPAS, médecin, assistants sociaux, etc.) en lien avec mes conditions de logement ;
- tout élément du dossier social en lien avec mes plaintes, demandes ou démarches concernant l’humidité, le froid, la moisissure, l’état du bâtiment, l’absence de chauffage ou d’autres facteurs de risque ».
Le 11 juin 2025, la partie adverse refuse de communiquer une copie du dossier de la partie requérante, indiquant que la partie requérante ne disposerait pas de raison valable pour en disposer, mais invite la partie requérante à se présenter en rendez-vous avec son assistante sociale afin de consulter ce dossier.
Le 13 juin 2025, la partie requérante demande la clôture de son dossier et que la partie adverse lui envoie une attestation de clôture de son dossier.
Le 16 juin 2025, la partie adverse indique à la partie requérante que son dossier de clôture passe auprès du comité spécial du service social le 24 juin 2025.
Le 30 juin 2025, la partie requérante sollicite les documents suivants :
- L’attestation officielle de clôture de son dossier ;
- Une réponse concernant sa demande de reconnaissance du statut de sansabri introduite le 12 mai 2025 ;
- L’attestation de revenus pour le mois de mai 2025.
Le 30 juin 2025, la partie adverse indique à la partie requérante qu’elle ne dispose pas encore de l’attestation de clôture, lui communique la décision relative à la demande de prime d’installation et lui indique que l’attestation est à la signature et lui sera communiquée dès réception de celle-ci.
Le 1er juillet 2025, la partie adverse communique à la partie requérante la décision du Comité spécial relative à la demande d’attestation de sans-abri et à l’aide financière indiquant que le CPAS de Tournai n’est plus compétent territorialement.
Le 1er juillet 2025, la partie requérante demande la communication des documents suivants :
- Une copie de la demande du 12 juin 2025 à laquelle le CPAS fait référence dans la décision de la Commission ;
- Une copie de la prétendue demande de prime d’installation qu’elle aurait introduite ;
- Une explication officielle précisant pourquoi sa demande du 12 mai 2025 n’aurait pas été reconnue comme valable.
Le 3 juillet 2025, la partie adverse communique par courrier à la partie requérante l’attestation d’aide récupérable à charge de l’état pour la période du 1er août 2024 au 12 juin 2025.
Concernant le dossier administratif détenu par la partie adverse, celle-ci a refusé de communiquer une copie du dossier à la partie requérante le 11 juin 2025.
La partie requérante a introduit son recours le 3 juillet 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable ratione temporis concernant le dossier administratif.
4. Concernant les autres documents, la partie requérante a sollicité la communication de ceux-ci les 30 juin et 1er juillet 2025.
Conformément à l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995, la partie adverse dispose d’un délai de 30 jours à dater de la demande pour communiquer les motifs de l’ajournement ou du rejet de cette dernière.
Le recours ayant été introduit le 3 juillet 2025, soit à un moment où la partie adverse était encore dans le délai pour statuer sur la demande, celui-ci est prématuré, et, partant, irrecevable concernant les documents sollicités les 30 juin et 1er juillet 2025.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
6. La Commission constate que la partie adverse lui a transmis un document établi postérieurement à la demande et qui ne fait donc pas partie de l’objet du recours. Elle ne lui a pas communiqué les documents sollicités, en sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer, en pleine connaissance de cause, la mission qui lui est dévolue.
La Commission rappelle que ses membres et son secrétariat sont soumis au secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal, compte tenu de la nature des missions de la Commission, ce qui a été confirmé par la Cour constitutionnelle[2].Dans ce contexte, et conformément à l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la partie adverse doit communiquer, pour autant qu’ils existent, les documents sollicités à la partie requérante, moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du même décret, étant entendu qu’elles sont de stricte interprétation.
7. Par ailleurs, concernant le dossier administratif détenu par la partie adverse, la Commission constate que si la partie adverse a refusé de communiquer une copie du dossier à la partie requérante, elle l’a invité à se présenter en rendez-vous avec son assistante sociale afin de consulter ce dossier.
Toutefois, dès lors que, dans sa demande initiale, la partie requérante a expressément fait le choix de recevoir une communication, sous forme de copie, des documents sollicités, il est indifférent que la partie adverse lui ait offert de les consulter sur place.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours relève partiellement de la compétence de la Commission.
Le recours est partiellement recevable et fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités, à savoir l’ensemble des documents administratifs figurant dans le dossier social de la partie requérante, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] Décisions n° 147 du 3 mai 2021, n° 158 du 7 juin 2021, n° 159 du 7 juin 2021 et n° 191 du 6 septembre 2021 de la CADA wallonne.
[2] C.C., 25 novembre 2021, n° 170/2021, B.2.8.