09 octobre 2025 -
CADA - Décision n° 566 : Commune – Cahier des charges – Bureau d'étude – Plan géomètre – Plan essais de sol – Incompétence partielle – Communication d'office
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Commune – Cahier des charges – Bureau d'étude – Plan géomètre – Plan essais de sol – Incompétence partielle – Communication d'office
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Chastre, Avenue du Castillon, 71 à 1450 Chastre ;
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 17 juillet 2025,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 23 juillet 2025 et reçue le 24 juillet 2025 ;
Vu l’absence de réponse de la partie adverse.
I. Objet de la demande et du recours
1. La demande porte sur la communication d’une copie électronique des documents relatifs à un marché public de services, et notamment des :
« - Cahier des charges et annexes,
- Métrés et inventaires,
- Plans et rapports,
- Offres reçues,
- Rapport d'attribution et décision motivée,
- Echanges de mails avec les bureaux d'étude,
- Echanges de mails avec les administrations (la tutelle, les pouvoirs subsidiants, les intercommunales, ...),
- Les documents du projet en cours (étude préliminaire, esquisses, ...),
- Tous autres éléments permettant la bonne compréhension du projet ».
2. La partie adverse a communiqué à la partie requérante une série de documents en lien avec sa demande. Toutefois, la partie requérante estime que sa demande a été rejetée pour les documents dont elle n’a pas eu accès. Il s’agit de :
« 1. L’ensemble des documents transmis au bureau d’étude, incluant notamment :
- Plan géomètre
- Plan essais de sol
- Plans projets
- Dossier ultérieur
- L'esquisse mentionnée par la Commune comme ayant été "déjà réalisée par la Commune en collaboration avec les riverains et sera communiquée à l’adjudicataire."
2. Le rapport d’examen des offres du 31 mars 2025, rédigé par le Service juridique, et dont il est fait mention dans la délibération comme étant "partie intégrante de la présente délibération".3. La "demande afin d’obtenir l'avis de légalité" soumise le 9 avril 2025, ainsi que la réponse y afférente.
4. L'avis de légalité ».
II. Compétence de la Commission
3. L'article 2, § 1er, du décret du 30 mars 1995 dispose :
« Le présent décret ne s'applique pas aux informations environnementales définies à l'article D.6., 11°, du Livre 1er du Code de l'Environnement ».
Selon l’article D.6, 11°, du livre 1er du Code de l’Environnement, la notion d’« information environnementale » est définie comme étant :
« toute information, détenue par une autorité publique ou pour son compte, disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant :
a. l'état des éléments de l'environnement, tels que l'air et l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l'interaction entre ces éléments ;
b. des facteurs, tels que les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets dans l'environnement, qui ont ou sont susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments de l'environnement visés au point a. ;
c. les mesures, y compris les mesures administratives, telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a. et b., ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments ;
d. les rapports sur l'application de la législation environnementale ;
e. les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées au point c. ;
f. l'état de la santé humaine, la sécurité, y compris, le cas échéant, la contamination de la chaîne alimentaire, le cadre de vie, le patrimoine, pour autant qu'ils soient ou puissent être altérés par l'état des éléments de l'environnement visés au point a., ou, par l'intermédiaire de ces éléments, par l'un des facteurs, mesures ou activités visés aux points b. et c. ; ».
Ainsi, en vertu de l’article D.6, 11°, c., du livre 1er du Code de l’Environnement, la notion d’« information environnementale » couvre toute information détenue par une autorité publique, concernant les mesures et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement ou destinées à protéger celui-ci[1].
Lorsque les documents ou informations faisant l’objet du recours constituent des informations environnementales telles que définies par l’article D.6, 11°, du Livre 1er du Code de l’Environnement, la Commission n’est pas compétente et seule la Commission de recours pour le droit d’accès à l’information environnementale (CRAIE) est susceptible d’être compétente. Il ressort, en effet, des travaux parlementaires que l’intention des auteurs de l’avant-projet devenu le Code de l’Environnement est établie en ce sens que l’application des textes généraux relatifs à la publicité de l’administration (notamment pour les pouvoirs locaux) ne s’étend pas aux matières environnementales[2].
Cette exclusion de la compétence de la Commission au bénéfice de la CRAIE a été renforcée par le décret du 2 mai 2019 modifiant le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'Administration et le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer le rôle de la Commission d'accès aux documents administratifs de la Région wallonne, lequel a complété l’article 2, § 1er, du décret du 30 mars 1995 par un second alinéa rédigé comme suit :
« La commission de recours visée à l'article D.20.3, § 1er, du Livre 1er du Code de l'Environnement est chargée de l'application du présent décret pour les documents administratifs dans les recours qu'elle a à connaitre au titre de la procédure de rectification et de recours prévue au sein de la Section 3, du Chapitre II, du Titre 1er, de la Partie III du même Code ».
À ce sujet, les travaux parlementaires précisent :
« Concrètement, cela signifie dès lors que : d’une part, si une personne demande à se voir communiquer un élément de nature non-environnementale présent dans un document de nature environnementale et que celui-ci introduit un recours devant la CADA, celle-ci devra inviter ladite personne à introduire son recours non pas devant la CADA mais devant la CRAIE ; d’autre part, lors de ce recours, la CRAIE aura potentiellement à connaitre des demandes de ladite personne traitant d’informations environnementales (matière réglée par le Code de l’Environnement) et des demandes de cette même personne traitant d’informations non-environnementales réglées par le présent décret »[3],[4].
4. En l’espèce, la Commission considère que les documents visés au point 1 du recours, soit « l’ensemble des documents transmis au bureau d’étude », en ce qu’ils incluent le « plan géomètre », le « plan essais de sol », les « plans projets » et « l’esquisse » réalisée par la partie adverse, constituent a priori des informations environnementales. En effet, ces documents sont relatifs au projet de travaux de voirie consistant en la « création d’une zone de rencontre sur la partie de la rue des combattants depuis son carrefour avec elle-même et la rue du château jusqu’à la rue de l’église » ; ils sont dès lors relatifs à des mesures susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a. et b. de l’article D.6, 11°, du livre I du Code de l’environnement, visées au point c. du même article.
Dès lors, la Commission est incompétente ratione materiae pour connaître du présent recours, en tant qu’il porte sur cet objet.
5. Pour ce qui concerne les documents visés aux points 2 à 4 du recours, la Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu à la demande d’information dans le délai visé à l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, alinéa 2, du CDLD.
Cette absence de collaboration rend impossible le contrôle par la Commission de la nature de ces autres documents sollicités, à savoir s’ils contiennent ou s’il s’agit soit de documents administratifs relevant de la publicité dite « générale », soit d’informations environnementales pour lesquelles la Commission ne serait pas compétente, conformément à l’article 2 du décret du 30 mars 1995.
Sous cette réserve, la Commission est compétente pour connaître du recours en tant qu’il porte sur ces objets.
III. Recevabilité du recours
6. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
7. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 28 mai 2025.
Ainsi qu’indiqué au point I.2., la partie adverse a transmis une partie des documents sollicités et, pour le surplus, a explicitement rejeté la demande le 18 juin 2025.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 17 juillet 2025, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
8. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les législations applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
9. Ainsi que la Commission le constate au point II.5 de la présente décision, la partie adverse n’a pas répondu à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995, de telle sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer la mission qui lui est dévolue
9. Ainsi que la Commission le constate au point II.5 de la présente décision, la partie adverse n’a pas répondu à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995, de telle sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer la mission qui lui est dévolue
Comme le prévoit l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la Commission doit faire « d'office droit au recours et décide[r], moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du présent décret, la production du document demandé ».
Aucune exception à cette obligation de collaboration dans l’instruction du dossier n'est prévue par le décret. Il ressort de l’esprit du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration que les informations obtenues par la Commission dans le cadre de l’instruction du dossier sont confidentielles.
En ne communiquant pas la moindre information à la Commission, la partie adverse fait obstruction à la mission dévolue à celle-ci, laquelle participe pourtant à la protection d’un droit fondamental, garanti par l’article 32 de la Constitution. La Commission est en effet dans l’impossibilité d’apprécier concrètement sa compétence et l’application des exceptions prévues par le décret. L’absence de collaboration de la partie adverse avec la Commission, en contradiction flagrante avec l’intention du législateur, n’est donc pas admissible.
Pour autant que la Commission soit compétente, la partie adverse doit communiquer les documents sollicités en respectant les exceptions légales.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours ne relève pas de la compétence de la Commission en ce qui concerne les documents visés au point 1 du recours.
Pour le surplus, la Commission est compétente et le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités visés aux points 2 à 4 du recours, pour autant qu’ils existent, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] Voir en ce sens : CRAIE, décision n° 1240 du 21 juin 2022.
[2] Voir en ce sens : CADA, décisions n° 101 et n° 104 du 11 janvier 2021, et n° 118 du 1er mars 2021.
[3] Décret du 2 mai 2019 modifiant le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'Administration et le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer le rôle de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) de la Région wallonne, amendements, Doc., Parl. w., 2018-2019, n°1075/11, p. 3.
[4] Voir en ce sens : CADA, décision n° 211 du 9 novembre 2021.