Rapport au Gouvernement wallon relatif à l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° du 67 portant
sur l'octroi d'une aide en énergie aux ménages dans le cadre de la crise sanitaire COVID-19 et la période hivernale
1. Présentation générale
Le 22 avril, dans le cadre de la crise COVID, le Gouvernement a décidé d'octroyer une aide ponctuelle de 100 € aux ménages équipés d'un compteur à budget électricité et une aide de 75 € pour les ménages équipés d'un compteur à budget en gaz. Cette disposition visait à soutenir ces ménages à faire face aux conséquences de la crise sanitaire et aux dispositions adoptées durant celle-ci. Une aide pour les ménages restés durant les trois mois de suspension des procédures de pose de compteurs à budget avait également été décidée.
Au vu du contexte de crise sanitaire qui s'est aggravé, de la période hivernale qui impose des rechargements plus importants qu'en été, et de l'adoption d'une disposition similaire à celle du mois de mars en ce qui concerne la suspension des procédures de pose de compteurs à budget, il est proposé au Gouvernement d'adopter un projet d'arrêté octroyant une aide financière aux ménages sous compteurs à budget et aux ménages sous fourniture X, afin de les soutenir durant cette période de crise.
2. Commentaire des articles
- L'article 1 prévoit l'octroi d'une aide de 150€ pour les ménages sous compteurs à budget gaz, et de 50€ pour les ménages sous compteurs à budget électricité. Cette aide est octroyée par le biais d'une recharge du compteur à budget. Les ménages équipés d'un compteur à budget appartiennent à des catégories de revenus peu élevées, et qui dès lors sont contraints de limiter leur consommation d'énergie à ce qu'ils savent prépayer - ou à se priver dans d'autres postes de dépense, notamment les soins de santé ou l'alimentation. D'après une étude réalisée par la CWaPe, les ménages qui gardent dans le temps leur compteur à budget sont ceux qui s'appuient sur l'outil pour éviter de s'endetter sur le poste « énergétique » de leur consommation. Toujours d'après cette étude, il arrive aux ménages équipés d'un compteur à budget de subir des coupures. Autrement dit, en temps normal, les ménages équipés d'un compteur à budget font déjà face à des difficultés pour avoir accès à une quantité suffisante d'énergie.
Ces difficultés sont amplifiées durant la période hivernale, puisque les couts de consommation du vecteur chauffage se concentrent essentiellement durant cette période. En temps normal, les ménages ont la possibilité de se rendre chez des proches ou de fréquenter des lieux ouverts au public pour limiter leur consommation à domicile. En cette période de limitation stricte des contacts en dehors du noyau familial, ces stratégies ne peuvent plus avoir court.
- L'article 2 prévoit l'octroi d'une aide ponctuelle et exceptionnelle pour les ménages ayant été concernés par la fourniture X suite à une procédure de défaut de payement initiée entre le 30 juin 2020 et le 7 décembre 2020. Les dispositions prévues dans l'arrêté des pouvoirs spéciaux portant sur des mesures d'urgences en matière d'accès à l'énergie durant la crise COVID et la période hivernale suspendent les procédures de pose de compteur à budget. Cette disposition va entrainer le passage sous fourniture X des ménages concernés par ces procédures de défaut de payement. Les GRDs sont dans l'incapacité de se rendre à domicile pour poser effectivement le CAB. Le tarif de la fourniture X étant calculé sur base des tarifs moyens du marché, il est pénalisant pour les ménages sous fourniture X. Il est dès lors proposé d'octroyer une aide aux ménages concernés par cette situation. Le montant de cette aide est de 230 euros en électricité et de 135 euros en gaz. Ces montants équivalent à la prise en charge de 50% de 6 mois de consommation d'un ménage sous fourniture X. Le montant de l'aide sera déduit de la prochaine facture de consommation envoyée au ménage par le gestionnaire de réseau.
- L'article 3 précise les modalités de reporting des gestionnaires de réseau à l'administration pour bénéficier du remboursement des montants
- L'article 4 interdit le cumul entre les aides prévues aux articles 1 et 2.
Conseil d'Etat
Section de législation
Avis 68.402/4 du 9 décembre 2020 sur un projet d'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux XXX `portant sur l'octroi d'une aide en énergie aux ménages dans le cadre de la crise sanitaire COVID-19 et la période hivernale'
Le 2 décembre 2020, le Conseil d'Etat, section de législation, a été invité par le Vice-Président et Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité de la Région wallonne à communiquer un avis, dans un délai de cinq jours ouvrables, sur un projet d'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux XXX `portant sur l'octroi d'une aide en énergie aux ménages dans le cadre de la crise sanitaire COVID-19 et la période hivernale'.
Le projet a été examiné par la quatrième chambre le 9 décembre 2020 . La chambre était composée de Martine Baguet, président de chambre, Luc Cambier et Bernard Blero, conseillers d'Etat, et Charles-Henri Van Hove, greffier assumé.
Le rapport a été présenté par Anne Vagman, premier auditeur .
L'avis, dont le texte suit, a été donné le 9 décembre 2020 .
Suivant l'article 84, § 1er, alinéa 1er, 3°, des lois `sur le Conseil d'Etat', coordonnées le 12 janvier 1973, la demande d'avis doit spécialement indiquer les motifs qui en justifient le caractère urgent.
La lettre s'exprime en ces termes :
« Considérant l'arrêté ministériel du 28 octobre 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 modifié dernièrement par arrêté ministériel du 1er novembre 2020 ;
Considérant le rapport du 24 novembre 2020 établi conformément à l'article 3, 2°, du décret du 11 avril 2014 visant à la mise en oeuvre des résolutions de la Conférence des Nations unies sur les femmes à Pékin de septembre 1995 et intégrant la dimension du genre dans l'ensemble des politiques régionales ;
Considérant la qualification de l'OMS du coronavirus COVID-19 comme une pandémie en date du 11 mars 2020 ;
Considérant la déclaration de l'OMS sur les caractéristiques du coronavirus COVID-19, en particulier sur sa forte contagiosité, son risque de mortalité et le nombre de cas détectés ;
Considérant l'allocution liminaire du Directeur général de l'OMS du 12 octobre 2020 ; précisant que le virus se transmet principalement entre contacts étroits et entraine des flambées épidémiques qui pourraient être maitrisées par l'application de mesures ciblées ;
Considérant que notre pays est en niveau d'alerte 4 (alerte très élevée) au niveau national depuis le 16 octobre 2020 ;
Considérant que cette nouvelle évolution exponentielle a pour conséquence que le taux d'engorgement des hôpitaux, en particulier des services de soins intensifs, devient à nouveau critique ; qu'à la date du 3 novembre 2020, au total 7485 patients ont été admis dans les hôpitaux belges ; qu'à cette même date, au total 1351 patients ont été admis dans les unités de soins intensifs ; que la pression sur les hôpitaux et sur la continuité des soins non COVID-19 augmente et que ceci peut avoir un effet significatif sur la santé publique ; que l'accueil des patients sur le territoire est de plus en plus mis sous pression ;
Considérant que le coronavirus COVID-19 est une maladie infectieuse qui touche généralement les poumons et les voies respiratoires ;
Considérant que durant cette crise sanitaire, il convient de prendre toutes les mesures afin d'éviter que des ménages doivent se loger de manière urgente chez des relations, et donc à se rassembler au sein d'un même logement parce qu'il n'aurait plus accès ni à l'électricité, ni au gaz et d'autant plus en cette période hivernale ;
Considérant que les mesures, actuelles et à venir, prises pour limiter la propagation du virus dans la population impose[nt] de limiter les déplacements de chacun et oblige[nt] le télétravail ; que cette mesure induit une consommation plus importante d'énergie par les ménages encore accentuée par la période hivernale ;
Considérant que la crise sanitaire exceptionnelle liée au COVID-19 que connait aujourd'hui la Belgique et les mesures, actuelles et à venir, prises pour limiter la propagation du virus dans la population imposent de limiter les déplacements de chacun et obligent le télétravail ; que ces mesures induisent une consommation plus importante d'énergie par les ménages encore accentuée par la période hivernale ;
Considérant qu'il convient aujourd'hui de prévoir dans l'urgence un accès à tous et en tout temps à l'énergie en quantité suffisante ;
Considérant que cet accès à l'énergie, d'autant plus essentiel en période de crise, ne peut pas subir le moindre retard ;
Considérant, au vu de ce qui précède, que l'absence de ces mesures urgentes constituerait un péril grave ».
Comme la demande d'avis est introduite sur la base de l'article 84, § 1er, alinéa 1er, 3° , des lois `sur le Conseil d'Etat', coordonnées le 12 janvier 1973, la section de législation limite son examen au fondement juridique du projet, à la compétence de l'auteur de l'acte ainsi qu'à l'accomplissement des formalités préalables, conformément à l'article 84, § 3, des lois coordonnées précitées.
Sur ces trois points, le projet appelle les observations suivantes.
OBSERVATIONS GENERALES (1)
L'arrêté en projet se donne pour et peut trouver un fondement juridique dans l'article 1er du décret du 29 octobre 2020 `octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon en vue de faire face à la deuxième vague de la crise sanitaire de la COVID-19'.
Inscrit dans ce cadre juridique, l'arrêté en projet devra faire l'objet d'une confirmation décrétale ultérieure conformément à l'article 3 du décret du 29 octobre 2020.
Le Gouvernement ne perdra pas de vue qu'en vertu de l'article 2, § 2, du décret du 29 octobre 2020, l'arrêté en projet sera communiqué au président du Parlement sans délai et en tout cas avant sa publication au Moniteur belge.
Par ailleurs, il est suggéré, même si l'article 3bis, § 1er, alinéa 2, des lois coordonnées `sur le Conseil d'Etat' ne l'impose pas formellement, que le rapport au Gouvernement qui figure dans le dossier transmis à la section de législation soit publié en même temps que l'arrêté, accompagné par l'avis de la section de législation.
OBSERVATIONS PARTICULIERES
PREAMBULE
La loi spéciale du 8 aout 1980 `de réformes institutionnelles' ne procure pas de fondement juridique à l'arrêté en projet. Elle ne sera dès lors pas visée au préambule. Le deuxième alinéa de celui-ci sera donc omis.
DISPOSITIF
Article 1er
1. L'article 1er du projet est ainsi rédigé :
« Une aide COVID-19, ponctuelle et exceptionnelle, d'un montant de cent-cinquante euros pour le gaz et de cinquante euros pour l'électricité, est octroyée au client résidentiel disposant d'un compteur à budget actif en date du 30 novembre par l'intermédiaire d'une recharge du compteur à budget. Cette aide est octroyée jusqu'au 31 mars 2021 inclus ».
2. Dès lors que, selon la première phrase, les aides envisagées sont « ponctuelle[s] et exceptionnelle[s] », la section de législation n'aperçoit pas la portée de la seconde phrase, qui prévoit que ces aides sont « octroyée[s] jusqu'au 31 mars 2021 inclus ».
Ainsi :
- soit les aides concernées sont octroyées en une recharge unique des compteurs à budget ; il y a alors lieu de le mentionner expressément et de prévoir non pas qu'elles sont octroyées « jusqu'au 31 mars 2021 inclus », mais « au plus tard le 31 mars 2021 » ;
- soit il est envisagé de permettre l'octroi de ces aides par le biais de recharges successives des compteurs à budget, d'un montant total, pour une période venant à échéance le 31 mars 2021, selon le cas, de cent-cinquante ou de cinquante euros ; le dispositif en projet doit alors prévoir expressément ce système et l'organiser.
En toute hypothèse, le projet sera revu et complété aux fins d'organiser clairement et sans aucune ambigüité le système qu'il entend mettre en place.
3. A la première phrase, il convient d'écrire « 30 novembre 2020 » en lieu et place de « 30 novembre ».
Article 2
1. L'article 2 du projet est rédigé comme suit :
« Une aide COVID-19 ponctuelle et exceptionnelle est octroyée aux ménages ayant été alimenté sous fourniture X en conséquence d'une procédure de défaut de payement initiée après le 30 juin 2020. Cette aide équivaut à la prise en charge de la moitié du cout de la facture de clôture liée à l'alimentation sous fourniture X par le gestionnaire de réseau de distribution ».
2. La notion de « ménages alimentés sous fourniture X en conséquence d'une procédure de défaut de paiement » n'a pas de portée juridique. La disposition sera revue aux fins de préciser clairement l'hypothèse ainsi envisagée, en renvoyant en outre aux dispositions décrétales et réglementaires pertinentes.
Par ailleurs, la section de législation n'aperçoit pas pour quels motifs l'article 2 du projet vise les « ménages », qui, par ailleurs, ne sont pas autrement définis, et non les « clients résidentiels », visés, eux, à l'article 1er (2).
L'article 2 sera réexaminé à la lumière de cette observation.
3. Aucune limite dans le temps n'est prévue pour l'octroi de l'aide concernée, si ce n'est celle de la « facture de clôture liée à l'alimentation sous fourniture X ». La question se pose de savoir si ceci correspond effectivement à l'intention de l'auteur du projet, dès lors spécialement que l'aide envisagée est qualifiée de « ponctuelle et exceptionnelle ».
L'article 2 sera réexaminé à la lumière de cette observation.
Article 3
1. A l'alinéa 1er, les mots « par le biais d'un article budgétaire spécifique » seront omis.
2. Les alinéas 2 à 4 sont rédigés comme suit :
« Le gestionnaire de réseau de distribution notifie à l'Administration une déclaration de créance sur l'honneur précisant :
- le montant global des aides octroyées ainsi que le nombre de clients sous compteurs à budget bénéficiaires pour le gaz d'une part, pour l'électricité d'autre part
- le cout de prise en charge de cinquante pourcent des montants des factures de clôtures émises pour les fournitures X ainsi que le nombre de clients concernés pour le gaz d'une part, pour l'électricité d'autre part.
Une première déclaration de créance est remise pour le 26 février 2021. La seconde déclaration de créance est remise pour le 30 septembre 2021.
Le montant des aides COVID-19 est remboursé aux gestionnaires de réseau après contrôle des pièces justificatives par l'administration ».
Alors que les alinéas 2 et 3 de la disposition à l'examen prévoient que le gestionnaire de réseau de distribution doit introduire deux déclarations de créance sur l'honneur aux fins d'obtenir le remboursement des aides prévues par le projet, aides qu'il aura, en substance, avancées à leurs bénéficiaires, l'alinéa 4 prévoit pour sa part que l'administration ne procèdera au remboursement qu'après avoir contrôlé les « pièces justificatives », dont la nature et l'objet exact ne sont pas autrement précisés.
Telle que la disposition est rédigée, elle ne permet dès lors pas clairement de comprendre l'utilité des déclarations de créances sur l'honneur, ni la nature et l'objet exacts des « pièces justificatives », ni, plus généralement, selon quelles procédure et modalités un lien sera établi entre ces deux catégories de documents et il sera procédé au remboursement.
Le texte en projet sera revu et complété à la lumière de cette observation.
Le greffier,
Charles-Henri Van Hove
Le président,
Martine Baguet
_______
Notes
(1) Pour des observations générales similaires, voir notamment, mutatis mutandis, l'avis n° 67.470/4 donné le 2 juin 2020 sur un projet devenu l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 42 du 11 juin 2020 `relatif à l'octroi d'une aide spécifique aux ménages en matière de gaz et d'électricité dans le cadre de la crise sanitaire COVID-19', http://www.raadvst-consetat.be/dbx/avis/67470.pdf.
(2) La note au Gouvernement relative au texte en projet mentionne, dans les deux cas, les « ménages ».