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04 novembre 1987 - Arrêté royal fixant des normes de qualité de base pour les eaux du réseau hydrographique public et portant adaptation de l'arrêté royal du 3 août 1976 portant le règlement général relatif aux déversements des eaux usées dans les eaux de surface ordinaires, dans les égouts publics, et dans les voies artificielles d'écoulement des eaux pluviales
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RAPPORT AU ROI
Sire,
La politique en matière d'environnement, notamment la lutte contre la pollution, est axée sur deux voies. D'une part, les pouvoirs publics définissent les objectifs de qualité que l'on veut atteindre à l'avenir en ce qui concerne l'air, l'eau, le bruit... les normes de qualité (synonyme: normes d'immission) peuvent éventuellement être fixées juridiquement, ce qui accroît la sécurité juridique quant au but de la politique en matière d'environnement.
D'autre part, les autorités s'attaquent à la pollution à la source, par des normes de rejet (synonyme: normes d'émission).
La lutte contre la pollution des eaux de surface est basée, depuis 1971, sur la loi-cadre du 26 mars 1971 sur la lutte contre la pollution des eaux. L'exposé des motifs précise que cette loi nous permet de fixer tant des normes de qualité que des normes d'émission. Cet objectif est concrétisé par le règlement général du 3 août 1976 qui contient des normes de rejet mais aussi, en son article 10, §1er, et dans l'ensemble de l'annexe II, une liste de normes de qualité.
Le 24 mai 1983, une loi d'exception a été adoptée relative aux normes générales définissant les objectifs de qualité des eaux de surface à usages déterminés (économiques ou récréatifs). Dans son article unique, la loi stipule que les normes fixées en exécution de la loi se limiteront aux obligations découlant des obligations dans la cadre de la C.E.E. (ou d'autres organisations internationales).
Elle précise, en outre, que ces arrêtés peuvent même abroger des dispositions légales. L'objectif de cette loi d'exception était, dès lors, d'autoriser la transposition des directives C.E.E. par une sorte d'arrêtés de pouvoirs spéciaux.
Dans le courant de 1987, un accord a été atteint au sein de la Commission technique - composée d'experts régionaux et nationaux - chargée de l'actualisation des normes fixées par le règlement général du 3 août 1976, cet accord concernait la modernisation des normes de qualité prévues par l'article 10 et l'annexe VI dudit règlement, basé sur la loi du 26 mars 1971. Ces normes ont été reprises dans un projet d'arrêté royal que vise ainsi une actualisation de ce règlement général des déversements.
Le Conseil d'Etat a émis l'avis suivant au sujet de ce projet: « Dans l'exposé des motifs de la loi du 24 mai 1983 (voir ci-avant) le Gouvernement précisait que la loi du 26 mars 1971 autorise uniquement la fixation des normes auxquelles doivent répondre les eaux usées déversées dans les eaux de surface - les normes dites « d'émission » - mais qu'elle ne contient aucune disposition permettant de réglementer l'immission.
Le Conseil d'Etat ne peut que constater qu'en adoptant le projet de loi visé, qui est devenu la loi du 24 mai 1983 relative aux normes générales définissant les objectifs de qualité des eaux de surface à usages déterminés, les Chambres législatives se sont ralliées à cette interprétation restrictive de la portée de la loi du 26 mars 1971 ». Le Conseil d'Etat conclut, par conséquent, que l'actuel projet d'arrêté ne trouve pas de fondement légal dans la loi du 26 mars 1971.
I. Le Gouvernement ne peut se rallier à cette position et tient à se distancer de la déclaration faite par le Gouvernement en 1983, et ce pour les raisons suivantes:
1. Si le Conseil d'Etat avait comparé l'exposé des motifs de la loi du 24 mai 1983 à l'exposé des motifs du 26 mars 1971, il aurait pu constater que l'interprétation du Gouvernement citée - donnée en 1983 au sujet de la loi du 26 mars 1971 - était inexacte. L'exposé des motifs de la loi du 26 mars 1971, précise notamment (Doc. Parl. Sénat, session 1965-1966, doc. 212, p. 5): « La réglementation relative aux déversements dans des eaux publiques pourra établir des normes auxquelles devront satisfaire non seulement les eaux déversées, mais également les eaux réceptrices ». Il s'agit là, d'une confirmation de la philosophie générale selon laquelle tant des normes de qualité que des normes d'émission seront mises en oeuvre.
L'exposé des motifs de la loi du 24 mai 1983 et l'exposé des motifs de la loi du 26 mars 1971 sont, dès lors, contradictoires.
2. Le fait que la promulgation d'objectifs de qualité sur la base de la loi du 26 mars 1971 était une évidence générale apparaît de l'article 10 et l'annexe III de l'arrêté royal du 3 août 1976 fixant le règlement général relatif aux déversements pour tous les rejets effectués dans notre pays, qui décrivent les « objectifs de qualité des eaux réceptrices ». Déjà dans son préambule, l'arrêté royal du 3 août 1976 stipule que les directives C.E.E. fixant des objectifs de qualité pour les eaux de surface, destinées aux eaux de baignade et, à l'eau potable ont été prises en considération lors de son élaboration.
L'interprétation gouvernementale de 1983 de la loi du 26 mars 1971 est dès lors en second lieu contraire au règlement de base des déversements, découlant de la loi du 26 mars 1971 et toujours d'application.
3. La loi du 26 mars 1971 a été précédée par la loi du 11 mars 1950 sur la protection des eaux contre la pollution. La différence entre les deux lois réside dans la structure de la politique dans le secteur de l'eau: en 1950, la compétence était impartie aux communes, en 1971 elle était centralisée. Cette loi fut exécutée par un règlement général du 29 décembre 1953 introduisant un système d'objectifs de qualité.
Les eaux sont réparties en trois classes selon leur destination (eaux de boisson, pêche et abreuvage des animaux, industrie) et des normes de qualité sont fixées pour chaque catégorie. La philosophie de la loi du 26 mars 1971 visant également à fixer des normes de qualité était, en fait, déjà établie depuis les années 1950; l'exposé des motifs de la loi du 24 mai 1983 n'en tient visiblement pas compte.
4. Ce n'est pas parce que la mission générale confiée au Roi, à l'article 3 de la loi du 26 mars 1971, ne reprend pas textuellement le terme « objectifs de qualité » qu'il ne serait pas habilité à fixer de telles normes. L'article 3 de cette loi stipule notamment: « Le Roi établit les règlements généraux relatifs aux égouts publics et aux déversements dans les eaux visées à l'article 1er (réseau hydrographique public). L'interprétation dominante au sujet de la mission exécutive du Roi est décrite par Mast et Dujardin (Overzicht Belgisch Grondwettelijk Recht, 1985, 319), par référence à l'arrêt de la Cour de Cassation du 18 novembre 1924:
Cet arrêté précise que, même si le pouvoir exécutif ne peut élargir ni restreindre la portée de la loi dans l'accomplissement de la mission qui lui est confiée par l'article 67, Constitution, il lui appartient tout de même de déduire du principe de la loi et de son économie générale, les conséquences qui en découlent naturellement, selon l'esprit qui a présidé au fondement de la loi et selon les objectifs qu'elle poursuit. Le Roi respecte donc les limites de son pouvoir lorsqu'il prend, pour l'exécution de la loi, des mesures normatives en vue d'atteindre l'objectif fixé par le législateur. Dans la mesure où il s'abstient d'élargir ou de restreindre la portée de la loi, il lui appartient dès lors, de choisir, librement les moyens susceptibles de mener à un tel résultat, sauf disposition contraire expresse de la loi.
La prise de règlement en matière de rejet d'eaux usées peut s'appliquer tant aux eaux réceptrices (norme de qualité) qu'à la source d'émission (norme d'émission). On peut regretter que l'article 3 de la loi du 26 mars 1971 ne soit pas plus explicite, mais il est clair que l'interprétation du Gouvernement dans l'exposé des motifs de la loi du 24 mai 1983 est beaucoup trop restrictive.
5. Une autre loi-cadre importante en matière d'environnement est la loi du 28 décembre 1964 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique. Cette loi ne précise, à aucun moment, explicitement dans la description des tâches exécutives du Roi, que ce dernier est habilité à prendre des normes de qualité.
Conformément au raisonnement développé au point précédent, le pouvoir exécutif a décidé que la fixation de normes de qualité de l'air s'inscrivait dans le contexte de la philosophie de base de la loi. Ces normes de qualité de l'air sont reprises dans les arrêtés royaux du 16 mars 1983, 3 août 1984 et 1er juillet 1986. Le Gouvernement n'a jamais déclaré que la loi du 28 décembre 1964 n'autorisait pas de telles normes. Tant dans ce cas que dans le cas des eaux de surface, il est évident que les lois de base du 28 décembre 1964, respectivement 26 mars 1971 avaient comme objectif de mettre en place le fondement légal pour toutes les mesures qui s'imposeraient à l'avenir dans le secteur concerné.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement se distancie de la déclaration du Gouvernement dans l'exposé des motifs de la loi du 24 mai 1983 et tient à donner au présent arrêté royal, le fondement légal exact, c'est-à-dire la loi du 26 mars 1971.
II. Le cas échéant, le Gouvernement est disposé à commenter le fondement de cet arrêté royal par rapport à la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980.
L'article 6, §1, II, 1°, de cette loi détermine que les Régions sont compétentes en matière d'environnement, dans le respect des normes légales générales et sectorielles du pouvoir national.
L'exposé des motifs (Sénat, 1979-80, n°1, p. 13), donne le commentaire suivant de l'article 6, §1, II, 1°: « Cette matière comprend, entre autre, la politique contre la pollution de l'air et de l'eau, et la lutte contre le bruit ». Les matières de la protection de l'environnement ainsi définies sont actuellement régies par trois lois: la loi du 28 décembre 1964 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique, la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, la loi du 18 juillet 1973 relative à la lutte contre le bruit.
Le présent arrêté royal s'inscrit précisément dans l'article 6, §1, II, 1°, de la loi du 8 août 1980.
Nous avons l'honneur d'être,
Sire,
de Votre Majesté,
les très respectueux
et très fidèles serviteurs,
Le Ministre des Affaires sociales,
J.-L. DEHAENE
Le Secrétaire d'Etat à l'Environnement,
Mme M. SMET
 

Art.  1er.

Le présent arrêté s'applique à toutes les eaux du réseau hydrographique public, comme elles ont été définies à l'article 1er, 2e alinéa de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution.

Art.  2.

Le présent arrêté entend par normes de qualité de base, des normes qui doivent assurer le rétablissement d'un développement équilibré de la vie biologique dans les eaux concernées, ou son maintien là où il est resté conservé.

Art.  3.

§1er. Les normes de qualité de base sont définies en annexe du présent arrêté.

§2. Les normes de qualité de base dans la colonne I de cette annexe doivent être atteintes à la date d'entrée en vigueur du présent arrêté. Les normes de qualité de base dans la colonne II doivent être atteintes dans un délai de trois ans à partir de la date d'entrée en vigueur du présent arrêté. Les normes de qualité de base de la colonne III doivent être atteintes dans un délai de six ans à partir de la date d'entrée en vigueur du présent arrêté.

§3. Les normes de qualité de base figurant en annexe du présent arrêté sont des valeurs médianes. Les échantillonnages et le calcul de leurs valeurs médianes doivent être effectués comme suit:

– les échantillonnages et les calculs sont réalisés sur une base annuelle;

– au moins cinq échantillonnages doivent être réalisés aux mêmes endroits dans le courant de cette année;

– ces échantillonnages doivent être répartis de telle manière qu'il est tenu compte de différentes conditions météorologiques et climatologiques.

Art.  4.

§1. Les normes de qualité de base jointes en annexe ne sont pas d'application en cas de sécheresse exceptionnelle.

§2. Les normes de qualité de base jointes en annexe concernant les chlorures et les sulphates ne sont pas d'application pour les eaux de surface influencées par les marées ou par l'infiltration d'eau de mer.

§3. Les normes de qualité de base, jointes en annexe , ne sont pas d'application aux eaux, visées à l'article  1er , ou à certains de leurs tronçons, s'il est démontré de façon cumulative que:

1° tous les déversements, collectés ou non via des égouts publics, qui s'y jettent, respectent les conditions de déversement générales, sectorielles et spéciales pour déversements dans des eaux de surface;

2° la poursuite d'un développement équilibré de la vie biologique via ces normes de qualité de base n'a pour ces eaux pas de sens du point de vue écologique;

3° la charge polluante des eaux concernées dans le réseau hydrographique total est limité.

Art.  5.

§1. L'application des mesures à prendre en exécution du présent arrêté ne peut entraîner le recul direct ou indirect de la qualité actuelle des eaux de surface.

§2. Les régions peuvent fixer pour certaines eaux de surface ou parties d'eaux de surface, des normes de qualité de base plus sévères que celles déterminés en annexe et peuvent imposer des délais d'entrée en vigueur plus rapprochés.

Art.  6.

§1. L'article 3 de l'arrêté royal du 3 août 1976 portant le règlement général relatif aux déversements des eaux usées dans les eaux de surface ordinaires, dans les égouts publics, et dans les voies artificielles d'écoulement des eaux pluviales est remplacé par la disposition suivante:

« Les conditions de déversement générales, sectorielles et particulières définies dans le présent arrêté, doivent être axées sur la réalisation des normes de qualité de base, fixés par Nous.
Une copie de chaque autorisation de déversement sera envoyée au Ministre qui a la compétence régionale de l'épuration des eaux dans ses attributions. ».

§2. L'article 10, §1er de l'arrêté royal du 3 août 1976 portant le règlement général relatif aux déversements des eaux usées dans les eaux de surface ordinaires, dans les égouts publics, et dans les voies artificielles d'écoulement des eaux pluviales est remplacé par la disposition suivante:

« L'autorité compétente pour l'octroi de l'autorisation de déversement peut, sans préjudice de l'application de l'article 6 de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, fixer dans l'acte d'autorisation des conditions particulières qui résultent des circonstances locales et qui sont nécessaires pour:
a) tenir compte des normes de qualité de base définies par Nous;
b) tenir compte du fonctionnement normal des industries existantes et pour permettre l'implantation de nouvelles industries. ».

Art.  7.

Le présent arrêté entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.

Art.  8.

Notre Ministre des Affaires sociales et Notre Secrétaire d'Etat à l'Environnement sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté.

BAUDOUIN

Par le Roi:

Le Ministre des Affaires sociales,

J.-L. DEHAENE

Le Secrétaire d'Etat à l'Environnement,

Mme M. SMET

Annexe

Qualité de base pour les eaux de surface ordinaires
Paramètres Unités I II III
pH
Sörensen 6-9
Accroissement température après mélange
°C 3
Température
°C 25
Oxygène dissous
% saturation 50 %
D.B.O.
mg/l 6
Azote ammoniacal
mg/l N 2
Phosphore total
mg/l P 1
Chlorures
mg/l Cl 250
Sulfates
mg/l SO4 150
Hydrocarbures aromatiques polycycliques
– fluoranthène
– benzo (b)fluoranthène
– benzo(k)fluoranthène
– benzo(a)pyrène
– benzo(g,h,i)perylène
- indeno(1,2,3,c,d)pyrène ng/l 100
Chlorophénols ng/l par substance 100
Substances tensioactives anioniques    mg/l 0,5
Substances tensioactives non-ioniques mg/l 0,5
Pesticides organochlorés
total ng/l 30
par substance ng/l 10
Polychlorobifenyls ng/l 7
Inhibiteurs cholinesterase ug/l 0,5
Cd total
Cr total
Pb total
Hg total
Zinc
Cu total
Nickel total
Arsenic
Cyanures totaux
mg/l Cd
mg/l Cr
mg/l Pb
mg/l Hg
mg/l Zn
mg/l Cu
mg/l Ni
mg/l As
mg/l CN
0,005
0,05
0,05
0,0005
0,3
0,05
0,05
0,05
0,05
0,001
Azote total Kjl mg/l N 6
Hydrocarbures aromatiques monocycliques ug/ 2
Vu pour être annexé à Notre arrêté du 4 novembre 1987.
Le Ministre des Affaires sociales,
J.-L. DEHAENE
Le Secrétaire d'Etat à l'Environnement,
Mme M. SMET