En cause:
le recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 », introduit par la SRL « Immo Soille ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune et E. Bribosia, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I Objet du recours
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 juin 2021 et parvenue au greffe le 14 juin 2021, la SRL « Immo Soille », assistée et représentée par Me J. Sambon, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 » (publié au Moniteur belge du 14 décembre 2020).
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me E. Jacubowitz et Me C. Caillet, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me M. Uyttendaele et Me P. Minsier, avocats au barreau de Bruxelles.
La partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 9 mars 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs T. Giet et S. de Bethune, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 23 mars 2022 et l'affaire mise en délibéré.
Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le 23 mars 2022.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II En droit
A Argument
A.1.1. La SRL « Immo Soille » introduit un recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 » (ci-après : le décret du 3 décembre 2020), qui confirme l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 « relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 » (ci-après : l'arrêté confirmé).
L'arrêté confirmé fixe une période de suspension des délais applicables au contentieux de l'annulation au Conseil d'État du 18 mars 2020 au 16 avril 2020 inclus. Cette période de suspension a été prolongée du 17 avril au 30 avril 2020 inclus par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020 « prorogeant les délais prévus par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 et par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 3 du 18 mars 2020 concernant les matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution et relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 » (ci- après : l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20).
L'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 « relatif à la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d'État et la procédure écrite » (ci-après : l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12), dont les effets ont été prolongés par les arrêtés royaux du 4 mai 2020 et du 18 mai 2020, suspendent le délai de recours devant le Conseil d'État entre le 9 avril et le 3 mai 2020. Les délais qui arrivaient à échéance avant le 9 avril 2020 n'ont donc pas été prorogés.
A.1.2. La SRL « Immo Soille » est une société immobilière qui justifie son intérêt à agir par le fait que la ville de Wavre a introduit, le 29 juin 2020, un recours en annulation de la décision du Gouvernement wallon qui lui octroyait un permis d'urbanisme pour la construction d'un immeuble à appartements. Ce recours serait irrecevable en vertu de la législation fédérale, alors qu'il est recevable en vertu de la législation wallonne.
A.2. Dans son moyen unique, la partie requérante estime qu'en confirmant les arrêtés de pouvoirs spéciaux relatifs à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans la législation relative à la procédure contentieuse devant le Conseil d'État, le décret attaqué viole les articles 10, 11 et 160 de la Constitution et les articles 10 et 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce qu'il empiète sur la compétence réservée au législateur fédéral, sans que les conditions pour invoquer les compétences implicites soient remplies. Le Conseil d'État lui-même a confirmé, par son arrêt n° 249.019 du 24 novembre 2020, que la suspension des délais de recours au Conseil d'État par le Gouvernement wallon ne pouvait se fonder sur les compétences implicites.
Tout d'abord, contrairement à la suspension des délais applicables aux procédures internes, qui garantit utilement un exercice normal des compétences de la Région wallonne, la suspension des délais de recours au Conseil d'État n'est pas nécessaire à l'exercice des compétences de la Région wallonne. La mesure attaquée, inutile, fait en effet double emploi et est même contraire à la suspension des délais établie au niveau fédéral par l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, puisqu'elle a pour effet de prolonger l'insécurité juridique. Ainsi, une personne qui est hors délai pour introduire une demande en annulation dans le régime fédéral pourrait néanmoins introduire un recours en suspension en extrême urgence parce qu'elle n'est pas hors délai dans le régime wallon.
Ensuite, ce n'est pas parce que la suspension des délais devant le Conseil d'État ne concerne que les actes administratifs pris par des autorités soumises à la réglementation wallonne que la matière se prête à un traitement différencié. Au contraire, les délais de procédure devant le Conseil d'État doivent être réglés de manière uniforme sur tout le territoire national.
Enfin, l'empiètement sur la compétence fédérale n'est pas marginal, puisque, d'une part, il touche à un élément essentiel de la procédure contentieuse devant le Conseil d'État – les règles relatives à la recevabilité ratione temporis des recours étant d'ordre public – et, d'autre part, la mesure est susceptible de s'appliquer à de nombreux litiges, étant donné le nombre d'actes pris par des autorités relevant de la législation wallonne, le délai d'application de la mesure important peu.
A.3.1. Le Conseil des ministres soutient l'annulation sollicitée par la partie requérante, estimant que les conditions pour invoquer les compétences implicites ne sont pas remplies, de sorte qu'un tel empiètement sur la compétence fédérale n'est pas autorisé.
La mesure attaquée n'est pas nécessaire, puisque (1) le recours au Conseil d'État n'intervient qu'après que la Région a exercé et épuisé sa compétence, de sorte qu'une suspension des délais de recours au Conseil d'État ne peut être conçue comme l'accessoire de la compétence de la Région, (2) le législateur fédéral a exercé sa compétence en adoptant l'arrêté de pouvoirs spéciaux n° 12, et (3) il est renvoyé à l'arrêt du Conseil d'État n° 249.019.
Ensuite, même si elle est limitée dans le temps, la suspension attaquée n'a pas une incidence marginale, puisque (1) elle concerne l'ensemble des délais applicables au contentieux de l'annulation contre des actes pris par des autorités régionales ou en vertu de la réglementation wallonne et que ceci entraîne une discordance avec le régime adopté au niveau fédéral, et (2) elle porte sur les délais de recours, c'est-à-dire sur des principes fondamentaux de la procédure devant le Conseil d'État auxquels il ne peut être dérogé par le biais des compétences implicites.
Enfin, la matière ne se prête pas à un traitement différencié, dès lors que les délais applicables à la procédure devant le Conseil d'État doivent être identiques sur le ressort national, et des différences en l'espèce sont de nature à créer une grande insécurité juridique.
A.3.2. Conformément à l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le Conseil des ministres soulève un moyen nouveau, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec le principe de la sécurité juridique.
En l'espèce, les dispositions critiquées font naître une différence de traitement entre, d'une part, le justiciable qui souhaite introduire ou a introduit un recours en annulation devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État contre un acte adopté par une autorité administrative wallonne ou en vertu de la réglementation wallonne et, d'autre part, le justiciable qui souhaite introduire ou a introduit un recours en
annulation devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État contre un acte adopté par toute autre autorité administrative.
Cette différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée et produit des effets disproportionnés, dès lors que des mesures ont été prises au niveau fédéral pour empêcher que les justiciables subissent les effets préjudiciables découlant de la lutte contre la Covid-19, avec la garantie que l'insécurité juridique causée par une prolongation des délais de recours ne serait pas prolongée sans nécessité.
A.3.3. Même si la requête est formellement dirigée contre l'article 2 du décret du 3 décembre 2020, le Conseil des ministres invite la Cour à annuler également l'article 4 de ce même décret, dès lors que cette disposition, qui confirme l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, est indissociablement liée à l'article 2 qu'il convient d'annuler.
A.4.1. À titre principal, le Gouvernement wallon soulève l'irrecevabilité du recours en annulation, en ce qu'il est dirigé contre l'article 2 du décret du 3 décembre 2020 et non contre l'arrêté confirmé par cette disposition, de sorte que la Cour n'est pas compétente pour examiner le contenu de l'arrêté non soumis à sa censure.
En outre, le Gouvernement wallon conteste l'intérêt au recours de la partie requérante, dès lors que c'est en raison de la suspension des délais, prolongée par l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, que le recours introduit devant le Conseil d'État contre le permis octroyé à la partie requérante est recevable. La partie requérante devait donc attaquer également l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, ainsi que l'article 4 du décret du 3 décembre 2020 le confirmant.
A.4.2. À titre subsidiaire, le Gouvernement wallon estime que le moyen est irrecevable – pour les mêmes motifs que ceux qu'il a développés en ce qui concerne la recevabilité du recours – et non fondé, dès lors que les conditions pour invoquer les compétences implicites ont été justifiées dans le préambule de l'arrêté confirmé et dans le commentaire de l'article 2 du décret du 3 décembre 2020. La section de législation du Conseil d'État a d'ailleurs expressément admis le recours aux compétences implicites dans les circonstances d'espèce.
Tout d'abord, la condition de nécessité est remplie et il n'y a pas de « double emploi » par rapport à la mesure fédérale : la mesure attaquée a sorti ses effets du 18 mars au 16 avril 2020, soit principalement avant la mesure fédérale, qui a sorti ses effets entre le 9 avril et le 3 mai 2020. Les mesures sont en outre distinctes, puisque la Région wallonne a opté pour une suspension de trente jours de tous les délais de recours devant le Conseil d'État, expirant ou non durant cette période de trente jours, alors que l'autorité fédérale a de son côté prorogé de trente jours les seuls délais qui arrivaient à échéance entre le 9 avril et le 3 mai 2020. La volonté de la Région wallonne d'assurer la cohérence entre les recours internes et les recours externes est non seulement compréhensible, mais aussi pertinente au regard de la nécessité d'assurer l'exercice effectif du droit d'accès à un juge des destinataires des actes adoptés par la Région wallonne. Dans son arrêt n° 249.019, le Conseil d'État n'a pas tenu compte de cette nécessité, alors que la section de législation du Conseil d'État l'a admise dans son avis postérieur à cet arrêt. Enfin, la disposition attaquée n'a suspendu les délais de recours qu'entre le 18 mars et le 16 avril 2020, de sorte qu'elle ne peut heurter la volonté du législateur fédéral de ne pas prolonger la suspension des délais au-delà du 3 mai 2020.
Ensuite, la matière se prête à un traitement différencié. En précisant que la prorogation des délais prévue par l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 – qui a été confirmé par la loi du 24 décembre 2020 – était d'application « [s]ans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes », l'autorité fédérale a admis que des régimes spécifiques pouvaient exister en cette matière, qui, partant, pouvait faire l'objet d'un traitement différencié. En outre, le décret d'habilitation du 17 mars 2020 octroyant les pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid-19 permettait au Gouvernement d'agir dans toutes les matières relevant de la Région wallonne, y compris dans les matières réservées au législateur.
Enfin, l'impact de la mesure est marginal : la Région wallonne n'empiète sur la compétence fédérale qu'à l'égard d'une seule et unique règle de procédure, relative aux délais d'introduction du recours, pendant un court laps de temps, et ne concernant qu'un nombre limité d'actes administratifs susceptibles de recours devant le Conseil d'État, à savoir les actes administratifs adoptés par les autorités administratives relevant de la Région wallonne ou en application de la législation wallonne.
A.4.3. À titre infiniment subsidiaire, le Gouvernement wallon demande à la Cour de maintenir, comme elle l'a fait dans son arrêt n° 130/2020 du 1er octobre 2020, les effets de la disposition qui serait annulée si le moyen était jugé fondé, afin d'éviter toute insécurité juridique pour les destinataires de la mesure et de tenir compte des conséquences d'une annulation pour le contentieux de l'annulation devant le Conseil d'État.
A.5.1. La partie requérante répond que le recours est recevable en ce qu'il n'est pas dirigé contre l'arrêté confirmé, puisque, par la confirmation, le décret du 3 décembre 2020 s'est approprié le contenu de cet arrêté. Pour le surplus, la Cour détermine l'étendue du recours à partir du contenu de la requête et elle peut dès lors considérer que l'arrêté confirmé est indissociable de l'article 2 du décret du 3 décembre 2020.
Du reste, la partie requérante ne devait pas attaquer l'article 4 du décret du 3 décembre 2020, puisque ce qui lui cause grief, ce n'est pas la combinaison des suspensions décidées dans les arrêtés de pouvoirs spéciaux nos 2 et 20, mais bien la première suspension du délai de recours au Conseil d'État, la seconde ne faisant que se greffer sur la première. En cas d'annulation de l'article 2, attaqué, du décret du 3 décembre 2020, l'article 4 du décret du 3 décembre 2020, qui ne fait que modifier la disposition dont la constitutionnalité est contestée, perdrait toute portée, de sorte que le fait de viser cette disposition dans la requête se limiterait à une critique de pure légalité, sans la moindre utilité pour la partie requérante.
À titre surabondant, il ressort clairement de l'argumentation de la partie requérante qu'elle vise à faire annuler l'ensemble des dispositions relatives à la suspension des délais de procédure applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'État. Le Gouvernement wallon n'a d'ailleurs eu aucun problème à comprendre la portée du recours. Aussi, à supposer que l'article 4 du décret du 3 décembre 2020 soit considéré comme étant indissociablement lié à l'article 2 du même décret, la partie requérante demande à la Cour de censurer cette disposition, pour les mêmes motifs.
A.5.2. La partie requérante répond que le moyen est recevable et que le Gouvernement wallon n'a eu aucun mal à comprendre la portée de la critique. La mesure attaquée n'était aucunement nécessaire. En effet, les motifs évoqués dans le préambule de l'arrêté confirmé sont identiques aux motifs exprimés par l'autorité fédérale dans le préambule de l'arrêté de pouvoirs spéciaux n° 12 : la matière réglée est la même, les mesures poursuivent un même objectif et modifient la même disposition légale. Il est par ailleurs renvoyé aux observations du Conseil des ministres relatives à l'incidence majeure de la mesure attaquée sur la sécurité juridique.
La partie requérante se rallie au moyen complémentaire du Conseil des ministres.
A.5.3. Quant à la demande de maintien des effets formulée par le Gouvernement wallon, la partie requérante répond qu'elle ne peut être suivie, à défaut pour le Gouvernement wallon d'avoir précisé les conséquences et insécurités qu'il allègue et d'avoir démontré que leur gravité serait telle qu'elle justifierait un maintien des effets. En outre, une annulation avec effet rétroactif ne fera pas nécessairement naître une insécurité juridique, puisque, d'une part, en fonction des circonstances, les procédures concernées par l'annulation relèveraient du régime prévu par l'autorité fédérale et, d'autre part, la légalité des actes concernés pourrait toujours être contestée devant les cours et tribunaux, en application de l'article 159 de la Constitution.
Au contraire, un maintien des effets aurait pour conséquence de dénuer l'annulation de toute effectivité et de porter atteinte à la sécurité juridique, dès lors qu'il permettrait la remise en cause d'actes dont les bénéficiaires ont légitimement pu estimer qu'ils étaient définitifs, ou, à tout le moins, qu'ils ne pourraient plus être contestés devant le Conseil d'État.
A.6.1. En ce qui concerne la recevabilité du recours, le Gouvernement wallon réplique qu'en ce que la requête ne vise pas expressément l'arrêté confirmé, la Cour ne peut contrôler le contenu de ce dernier, et qu'à défaut de critique dirigée à l'encontre du décret de confirmation, celui-ci ne pourrait pas être annulé.
Il ajoute que, sans la seconde suspension des délais en vertu de l'arrêté de pouvoirs spéciaux n° 20, non attaqué, le recours dirigé contre le permis octroyé à la partie requérante ne serait pas recevable, de sorte qu'en ce
que la partie requérante ne sollicite pas l'annulation de l'article 4 du décret du 3 décembre 2020 confirmant cet arrêté, son intérêt au recours est contestable. L'arrêté de pouvoirs spéciaux n° 20 subsisterait en effet dans l'ordre juridique et il devrait éventuellement être soumis à la censure de la Cour par la voie préjudicielle. En outre, l'article 4 du décret du 3 décembre 2020 n'est pas indissociablement lié à la disposition attaquée : si la Cour n'admettait pas les compétences implicites dans le premier cas, il n'en résulterait pas ipso facto qu'elle ne les admettrait pas davantage dans le second.
A.6.2. En ce qui concerne le fond, le Gouvernement wallon réplique que le Conseil des ministres, d'une part, ne s'explique pas sur les termes de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, qui laissent ouverte la possibilité, pour les autorités compétentes, d'intervenir, ni ne réfute l'avis de la section de législation du Conseil d'État, et, d'autre part, n'a pas estimé nécessaire d'introduire lui-même un recours en annulation du décret attaqué pour empiètement sur ses compétences propres.
Si, conformément à la jurisprudence de la Cour, les compétences implicites permettent de soustraire tout un contentieux à la compétence du Conseil d'État, il en va a fortiori ainsi pour la fixation des délais de recours, pendant une période très limitée dans le temps, dans les seules matières relevant de la compétence de la Région wallonne.
A.6.3. En ce qui concerne le moyen nouveau soulevé par le Conseil des ministres, le Gouvernement wallon réplique que la possibilité, pour une autorité visée à l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de soulever un moyen nouveau dans le cadre d'un recours en annulation introduit par un tiers, alors que cette autorité avait la possibilité d'introduire elle-même ce recours et s'est abstenue de le faire, crée une discrimination entre ces autorités et toute autre personne, puisque seules ces autorités peuvent formuler des moyens nouveaux à l'issue du délai de recours contre la norme attaquée. Le Gouvernement wallon invite ainsi la Cour à se poser une question préjudicielle à elle-même quant à la compatibilité de l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle avec les articles 10, 11 et 142 de la Constitution.
À titre subsidiaire, la différence critiquée n'est pas discriminatoire, puisqu'une telle différence est propre au fédéralisme, en ce qu'elle résulte de choix politiques distincts qui sont permis par l'autonomie reconnue par ou en vertu de la Constitution. En outre, les catégories de personnes comparées ne sont pas comparables, dès lors que des personnes qui souhaitent contester des décisions prises par des autorités wallonnes ou en vertu de législations wallonnes ne peuvent être comparées à celles qui souhaitent contester d'autres décisions. Le critère de distinction est objectif et raisonnable au regard de but de préserver les droits des personnes concernées par un acte administratif émanant d'autorités ou de législations wallonnes, la Région wallonne n'étant d'ailleurs pas compétente pour viser d'autres catégories de personnes. En toutes hypothèses, la mesure est proportionnée, puisqu'elle est limitée, dans le temps, à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre le but visé, sans diminuer le niveau de protection des droits d'autres catégories de personnes.
A.6.4. En ce qui concerne le maintien des effets, le Gouvernement wallon réplique qu'une annulation rétroactive créerait une insécurité juridique, puisque les régimes wallon et fédéral ne coïncident pas dans le temps. En outre, le contrôle par voie d'exception évoqué par la partie requérante ne permet pas d'obtenir l'annulation de l'acte. Enfin, il est erroné de soutenir que la disposition attaquée a eu pour effet de remettre en cause des actes dont les bénéficiaires pouvaient penser qu'ils étaient définitifs, puisque la suspension des délais de recours n'a concerné que des délais qui n'avaient pas encore expiré.
A.7.1. Le Conseil des ministres réplique au Gouvernement wallon que le recours est recevable. Premièrement, lorsqu'un arrêté fait l'objet d'une confirmation, le législateur s'approprie le contenu de l'arrêté confirmé, de sorte qu'un excès de compétence serait imputable au législateur. Deuxièmement, compte tenu de ce qui précède, il n'est pas requis d'attaquer également l'arrêté confirmé. Troisièmement, si la Cour annule l'article 2 du décret du 3 décembre 2020, l'arrêté confirmé sera censé n'avoir jamais produit ses effets, ce qui démontre à suffisance l'intérêt au recours de la partie requérante. Quatrièmement, même si l'article 4 du décret du 3 décembre 2020 n'est pas expressément visé dans la requête, la Cour pourrait également l'annuler, puisqu'il est indissociablement lié à l'article 2 du même décret.
A.7.2. Sur le fond, le Conseil des ministres rejoint la position de la partie requérante. Le simple fait que des différences existent entre les deux régimes n'empêche pas la mesure attaquée de faire double emploi avec
l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12. Par ailleurs, compte tenu du respect des règles répartitrices de compétences, c'est en premier lieu au législateur fédéral qu'il revient de garantir que tout justiciable dispose d'un accès effectif au Conseil d'État.
Ni le fait que le Conseil des ministres n'ait pas sollicité l'annulation du décret attaqué ni le fait que la Cour ait admis la création de juridictions administratives ne permettent de démontrer le caractère nécessaire de la mesure attaquée. Par ailleurs, la section de législation du Conseil d'État a, dans ses observations relatives à la mesure attaquée, confirmé uniquement le caractère nécessaire de la confirmation de la disposition en cause, et non la nécessité d'une telle suspension des délais. Enfin, il n'appartient pas à la Région wallonne de substituer son appréciation à celle de l'autorité fédérale quant à l'opportunité de cette suspension.
Les termes « sans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes » ne peuvent constituer une « habilitation » du législateur fédéral à régler cette matière de manière différenciée : en effet, ces termes doivent être interprétés dans leur contexte, qui visait à inviter les autorités fédérées à s'inspirer des mesures fédérales pour régler les services relevant de leur compétence, sans toutefois viser les délais de recours au Conseil d'État. Pour le surplus, le législateur fédéral ne pourrait autoriser les entités fédérées à empiéter sur sa propre compétence sans respecter les conditions prévues aux articles 10 et 19 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Enfin, l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 n'avait pas encore été publié lorsque le Gouvernement wallon a adopté l'arrêté confirmé, de sorte que les termes utilisés dans l'arrêté royal ne sauraient démontrer que l'arrêté confirmé a été adopté parce que la matière se prête à un traitement différencié.
Le fait que la mesure attaquée ne concerne qu'une seule règle de procédure et soit limitée dans le temps ne permet pas de considérer qu'elle n'a qu'un impact limité sur la compétence fédérale.
A.7.3. Le Conseil des ministres maintient son moyen nouveau et rejette l'argumentation du Gouvernement wallon selon laquelle la Cour devrait se poser à elle-même une question préjudicielle quant au caractère discriminatoire de l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
Tout d'abord, le concept même de question préjudicielle suppose qu'il s'agisse d'une question posée par un juge autre que la Cour. Ensuite, l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 n'est ni discriminatoire, ni contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il a été adopté dans le but d'intégrer la jurisprudence de la Cour qui admettait déjà que des moyens nouveaux soient soulevés, et cette disposition traite de la même manière l'ensemble des autorités se voyant notifier les recours qui se trouvent dans une situation objectivement distincte de celle des personnes physiques ou morales qui introduisent un recours contre une norme déterminée.
La jurisprudence relative à l'exercice des compétences propres des entités fédérées, qui n'est en soi pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, n'est pas pertinente en l'espèce, puisqu'il s'agit ici non pas de l'exercice d'une compétence propre, mais d'un empiètement sur la compétence fédérale. En l'espèce, les dispositions fédérales garantissent à suffisance le droit d'accès au Conseil d'État et la mesure attaquée génère une grande insécurité juridique pour les tiers intéressés et les bénéficiaires des actes concernés par cette mesure, et son impact n'est pas marginal.
A.7.4. En ce qui concerne la demande de maintien des effets, le Conseil des ministres s'en réfère à la sagesse de la Cour. Il souligne cependant que, dès lors que l'arrêté confirmé a été écarté par le Conseil d'État en application de l'article 159 de la Constitution, des conséquences similaires à celles qui résulteraient d'une annulation rétroactive ont déjà été constatées dans certaines affaires.
B Point de vue de la cour
B.1. Le recours en annulation est dirigé contre l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 » (ci- après : le décret du 3 décembre 2020), en ce que cette disposition confirme l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 « relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 » (ci-après : l'arrêté confirmé).
Quant à la disposition attaquée et à son contexte
B.2. Dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, la Région wallonne a adopté le décret du 17 mars 2020 « octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 » (ci-après : le décret du 17 mars 2020), « afin de permettre aux autorités wallonnes de prendre dans l'urgence, quasi en temps réel, toute mesure permettant de réagir aux effets de cette crise » (Doc. parl., Parlement wallon, 2019-2020, n° 135/1, p. 3). De la sorte, « le Parlement habilite le gouvernement à prendre des arrêtés dans des matières réservées par la Constitution à la norme législative, ce procédé étant admis dans des circonstances exceptionnelles ou particulières » (ibid.).
Le décret du 17 mars 2020 octroie ainsi au Gouvernement wallon les « pouvoirs spéciaux » lui permettant de « réagir à la pandémie Covid-19 », de « prendre toutes les mesures utiles pour prévenir et traiter toute situation qui pose problème dans le cadre strict de la pandémie Covid-19 et de ses conséquences et qui doit être réglée en urgence sous peine de péril grave » (article 1er, § 1er), ainsi que, « en cas d'ajournement du Parlement wallon dû à la pandémie de Covid-19, aux seules fins d'assurer la continuité du service public malgré la pandémie de Covid-19 et dans la mesure où l'urgence de son action est motivée », de
« prendre toutes les mesures utiles dans les matières qui relèvent de la compétence de la Région wallonne » (article 2, § 1er, alinéa 1er).
Les arrêtés adoptés en vertu de ces deux dispositions « peuvent abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions décrétales en vigueur, même dans les matières qui sont expressément réservées au décret par la Constitution » (articles 1er, § 2, alinéa 1er, et 2, § 2, alinéa 1er). Ces arrêtés « peuvent être adoptés sans que les avis légalement ou réglementairement requis soient préalablement recueillis », y compris les avis de la section de législation du Conseil d'État « dans les cas spécialement motivés par le Gouvernement » (article 3, § 1er). Ils sont communiqués, avant leur publication au Moniteur belge, au Président du Parlement wallon (article 3, § 2).
Ces arrêtés doivent être confirmés par décret dans un délai d'un an à partir de leur entrée en vigueur; à défaut de confirmation dans le délai visé à l'alinéa 1er, ils sont réputés n'avoir jamais produit leurs effets (article 4).
L'habilitation conférée au Gouvernement par le décret du 17 mars 2020 est valable trois mois à dater de son entrée en vigueur, ce délai étant prorogeable une fois pour une durée équivalente (article 5). Cette habilitation est donc, « conformément au principe de proportionnalité », « strictement limitée dans le temps, au regard des circonstances sanitaires exceptionnelles qui la justifient » (Doc. parl., Parlement wallon, 2019-2020, n° 135/1, p. 3).
B.3.1. L'arrêté confirmé a été pris en vertu de l'habilitation contenue dans le décret du 17 mars 2020, sur la base de la considération que la pandémie du coronavirus Covid-19 « est de nature à affecter le bon fonctionnement des différents services publics et également à priver les citoyens de la possibilité de faire utilement et effectivement valoir leurs droits dans le cadre des procédure et recours administratifs » (Moniteur belge du 20 mars 2020, p. 16592).
Tel qu'il a été pris dans sa version initiale, l'arrêté confirmé disposait :
« Article 1er. Les délais de rigueur et de recours fixés par les décrets et règlements de la Région wallonne ou pris en vertu de ceux-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, sont suspendus à partir du 18 mars 2020 pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires.
Art. 2. L'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973, est complété par un paragraphe 4 ainsi rédigé :
‘ § 4. Les délais applicables au contentieux de l'annulation devant la section du contentieux administratif relatifs à des actes pris par des autorités administratives ou de la réglementation de la Région wallonne sont suspendus à partir du 18 mars 2020 et pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le Gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires.
Le Gouvernement peut décider de lever cette suspension avant l'échéance du délai visé à l'alinéa 1er '.
Art. 3. Le Gouvernement, par arrêté, constate la fin de la période de suspension visée aux articles 1 et 2.
Art. 4. Le présent arrêté entre en vigueur le lendemain du jour de sa signature ».
B.3.2. Conformément à l'article 2 de l'arrêté confirmé, les délais de recours applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'État, relatifs à des actes pris par des autorités administratives ou de la réglementation de la Région wallonne, ont été suspendus pour une durée de trente jours, entre le 18 mars et le 16 avril 2020 inclus.
B.3.3. Le préambule de l'arrêté confirmé indique que la suspension des délais de recours en annulation au Conseil d'État est directement liée à la suspension de tous les délais de rigueur fixés dans l'ensemble de la législation et de la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celles-ci, ainsi que des délais de rigueur fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 :
« Considérant la qualification de l'OMS du coronavirus COVID-19 comme une pandémie en date du 11 mars 2020;
Considérant les mesures, actuelles et à venir, prises pour limiter la propagation du virus dans la population sont de nature à ralentir toute forme d'activité sur le territoire de la Région wallonne, à affecter le bon fonctionnement des différents services publics, voire à paralyser certains services;
Que cette dernière est de nature à affecter le bon fonctionnement des différents services publics et également à priver les citoyens de la possibilité de faire utilement et effectivement valoir leurs droits dans le cadre des procédures et recours administratifs;
Considérant qu'il convient, afin de garantir la continuité du service public, de garantir le principe d'égalité et de préserver la sécurité juridique, de prendre des mesures qui visent à ce qu'aucun citoyen ne soit entravé ni dans l'exercice de ses droits ni dans l'accomplissement de ses obligations du fait des impacts de la crise sanitaire sur le fonctionnement quotidien des Services publics ou du fait qu'il n'ait pas été lui-même dans une situation qui lui permette d'exercer ceux-ci;
Considérant, qu'il convient également de veiller à ce que les services publics soient en mesure de traiter effectivement [les] procédures administratives et les recours relevant de leur responsabilité, tout en évitant que des décisions ne soient prises par défaut dans le cas d'une impossibilité de traitement dans les délais requis;
Considérant, dès lors, qu'il convient de suspendre tous les délais de rigueur fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980;
Qu'il est proposé que ces délais soient suspendus à partir du 18 mars 2020 et pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. Ces délais recommenceront à courir le lendemain de la publication au Moniteur belge de l'arrêté du Gouvernement constatant la fin de la période de suspension;
Que le Gouvernement peut être appelé à décider de la date d'entrée en vigueur d'un arrêté, il est raisonnable de l'autoriser, dans les circonstances actuelles, de décider de la date à laquelle il cessera de produire ses effets;
Qu'en effet, la mesure visée dans le présent arrêté de pouvoirs spéciaux est à ce point exceptionnelle qu'il s'indique d'y mettre fin dès qu'il apparaît qu'elle ne se justifie plus ou de la prolonger;
[…]
Que par ailleurs, le dispositif ici mis en œuvre n'aurait de sens s'il ne s'appliquait pas également aux recours qui peuvent être introduits à l'encontre d'actes des autorités administratives relevant de la législation wallonne devant le Conseil d'Etat;
Qu'à ce titre, il convient de modifier l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973 afin de consacrer, dans les mêmes conditions, la suspension pour la même période de la saisine de la juridiction administrative;
Que cette mesure se justifie sur la base de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles; qu'elle est nécessaire à l'exercice des compétences régionales car le dispositif ici mis en œuvre serait privé de cohérence si un recours externe contre un acte administratif était traité différemment d'un recours interne, qu'elle se prête à un traitement différencié dès lors qu'elle ne concerne que les actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne et revêt un impact marginal dès lors qu'elle ne s'appliquera que pendant une période très limitée dans le temps » (Moniteur belge du 20 mars 2020, p. 16593).
B.3.4. L'article 3 de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 3 du 18 mars 2020 « concernant les matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution et relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 » (ci-après : l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 3), qui n'est pas attaqué, prévoit également, pour les matières transférées à la Région en vertu de l'article 138 de la Constitution, que les délais de recours applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'État sont suspendus pour une durée de trente jours, entre le 18 mars et le 16 avril 2020 inclus.
B.4.1. L'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020 « prorogeant les délais prévus par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle- ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 et par l'arrêté
du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 3 du 18 mars 2020 concernant les matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution et relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 » (ci-après : l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20) a modifié l'arrêté confirmé ainsi que l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 3, et a prorogé la période de suspension prévue par ces arrêtés.
L'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 dispose :
« Article 1er. A l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 du 18 mars 2020, les mots ‘ pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. ' sont remplacés par les mots ‘ pour une première durée de 30 jours, prorogeable deux fois jusqu'à une date fixée par arrêté du Gouvernement ne pouvant à chaque fois excéder 30 jours et justifiant de la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. '.
Art. 2. A l'alinéa 1er du paragraphe 4 de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973, les mots ‘ pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le Gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires ' sont remplacés par les mots pour une première durée de 30 jours, prorogeable deux fois jusqu'à une date fixée par arrêté du Gouvernement ne pouvant à chaque fois excéder 30 jours et justifiant de la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. '.
Art. 3. Le délai prévu à l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 est prorogé d'une nouvelle période prenant cours le 17 avril 2020 et s'achevant le 30 avril 2020 inclus.
Art. 4. Le délai prévu au paragraphe 4 de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973, est prorogé d'une nouvelle période prenant cours le 17 avril 2020 et s'achevant le 30 avril 2020 inclus.
[…]
Art. 7. Le présent arrêté entre en vigueur le jour de sa signature ».
B.4.2. Conformément à l'article 4 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, la période de suspension des délais de recours applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'État, fixée à l'article 14, § 4, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973 (ci-après : les lois coordonnées sur le Conseil d'État), inséré par l'article 2 de l'arrêté confirmé, a été prorogée pour la période du 17 avril au 30 avril 2020 inclus.
Les délais de recours applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'État relatifs à des actes pris par des autorités administratives ou de la réglementation de la Région wallonne ont dès lors été suspendus, en application de l'arrêt confirmé et de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, du 18 mars 2020 au 30 avril 2020 inclus.
B.4.3. Le préambule de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 indique :
« Considérant la décision du Gouvernement fédéral du 15 avril décidant de prolonger la période de confinement jusqu'au 3 mai inclus;
[…]
Considérant que la période de suspension initiale devait en principe se terminer le 16 avril 2020 à minuit;
Considérant néanmoins qu'il convient de proroger, pour une période s'étendant jusqu'au 3 mai inclus, la suspension de tous les délais de rigueur fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980;
Que, dès lors, le Gouvernement peut être appelé à décider de la date d'entrée en vigueur d'un arrêté, il est raisonnable de l'autoriser, dans les circonstances actuelles, à décider également de la date à laquelle il cessera de produire ses effets;
Qu'en effet, la mesure visée dans le présent arrêté de pouvoirs spéciaux est à ce point exceptionnelle qu'il s'indique d'y mettre fin dès qu'il apparaît qu'elle ne se justifie plus ou de la prolonger» (Moniteur belge du 22 avril 2020, pp. 27653-27654).
B.5.1. Conformément à l'article 4 du décret du 17 mars 2020, l'article 2, attaqué, du décret du 3 décembre 2020 confirme l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2, tandis que l'article 4, non attaqué, du décret du 3 décembre 2020 confirme, notamment, les articles 2 et 4 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20.
Conformément à l'article 5 du décret du 17 mars 2020 « octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 pour les matières réglées par l'article 138 de la Constitution », l'article 2 du décret du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 pour les matières visées à l'article 138 de la Constitution » confirme l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 3.
B.5.2. Les travaux préparatoires relatifs à l'article qui est devenu l'article 2, attaqué, du décret du 3 décembre 2020 mentionnent des considérations identiques à celles du préambule de l'arrêté confirmé :
« Cet article vise à confirmer l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle- ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, conformément à l'article 4 du décret du 17 mars 2020 octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire du COVID-19.
La crise sanitaire exceptionnelle liée au COVID-19 et les mesures prises pour limiter la propagation du virus dans la population ont été de nature à ralentir toute forme d'activité sur le territoire de la Région wallonne et à affecter le bon fonctionnement des différents services publics, voire à paralyser certains services.
Cette dernière était également susceptible de priver les citoyens de la possibilité de faire utilement et effectivement valoir leurs droits dans le cadre des procédures et recours administratifs.
Dès lors, afin de garantir la continuité du service public, de garantir le principe d'égalité et de préserver la sécurité juridique, il convenait de prendre des mesures qui visent à ce qu'aucun citoyen ne soit entravé ni dans l'exercice de ses droits ni dans l'accomplissement de ses obligations du fait des impacts de la crise sanitaire sur le fonctionnement quotidien des Services publics ou du fait qu'il n'ait pas été lui-même dans une situation qui lui permette d'exercer ceux-ci.
Il convenait également de veiller à ce que les services publics soient en mesure de traiter effectivement les recours et procédures administratives relevant de leur responsabilité, tout en évitant que des décisions ne soient prises par défaut dans le cas d'une impossibilité de traitement dans les délais requis.
[…]
Compte tenu de ce qui précède, il est apparu nécessaire de suspendre tous les délais de rigueur fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, ainsi que les enquêtes publiques.
Ces délais se sont vu suspendus à partir du 18 mars 2020 et pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le Gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires.
[…]
Enfin, le dispositif mis en œuvre s'appliquait également aux recours qui pouvaient être introduits à l'encontre d'actes des autorités administratives relevant de la législation wallonne devant le Conseil d'État.
A ce titre, l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'État du 12 janvier 1973 s'est vu modifié afin de consacrer, dans les mêmes conditions, la suspension pour la même période de la saisine de la juridiction administrative. Cette mesure se justifie sur la base de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
En effet, la mesure était rendue nécessaire à l'exercice des compétences régionales, en ce compris dans des matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution, car le dispositif ici mis en œuvre serait privé de cohérence si un recours externe contre un acte administratif était traité différemment d'un recours interne. Elle se prête à un traitement différencié dès lors qu'elle ne concerne que les actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne et […] revêt un impact marginal dès lors qu'elle ne s'appliquera que pendant une période très limitée dans le temps » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 292/1, p. 17).
B.6.1. Par ailleurs, l'article 3 de la loi du 27 mars 2020 « habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du virus COVID-19 (I) » (ci-après : la loi du 27 mars 2020) accorde au Roi les « pouvoirs spéciaux » lui permettant, « dans le respect des principes fondamentaux d'indépendance et d'impartialité et en tenant compte des droits de la défense des justiciables », d'« adapter la compétence, le fonctionnement, la procédure, y compris les délais prévus par la loi, de la section du contentieux administratif du Conseil d'État et des juridictions administratives afin d'assurer le bon fonctionnement de ces instances et plus particulièrement la continuité de l'administration de la justice et de leurs autres missions ».
Les travaux préparatoires relatifs à la proposition de loi à l'origine de l'article 3 de la loi du 27 mars 2020 exposent :
« Le bon fonctionnement du Conseil d'État et des juridictions administratives, est assuré en prévoyant la possibilité d'adapter la compétence, le fonctionnement et la procédure. Les mesures peuvent comprendre, entre autres, des dispositions visant à assurer une protection juridique aux parties qui peuvent démontrer qu'elles n'ont pas pu respecter certains délais de procédure en raison de mesures prises pour se conformer aux directives émises par les autorités publiques pour lutter contre le coronavirus » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-1104/001, p. 8).
B.6.2.1. Conformément à l'habilitation contenue dans cette disposition, l'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 du 21 avril 2020 « concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d'État et la procédure écrite » (ci-après : l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12) dispose :
« Sans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes, les délais, applicables à l'introduction et au traitement des procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, qui arrivent à échéance pendant la période s'étendant du 9 avril 2020 au 3 mai 2020 inclus, date ultime que le Roi peut adapter par arrêté délibéré en Conseil des ministres, et dont l'expiration peut ou pourrait entraîner la forclusion ou une autre sanction à défaut de traitement dans les délais, sont prolongés de plein droit de trente jours à l'issue de cette période prolongée s'il échet.
L'alinéa 1er ne s'applique pas aux demandes de suspension d'extrême urgence et aux demandes de mesures provisoires d'extrême urgence introduites au cours de la période visée à l'alinéa 1er ».
L'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 prévoit ainsi, pour les délais applicables à l'introduction et au traitement des procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État venant à échéance entre le 9 avril et le 3 mai 2020, une prolongation de trente jours à l'issue de cette période. Cette mesure ne s'applique cependant pas aux demandes de suspension d'extrême urgence ni aux demandes de mesures provisoires d'extrême urgence introduites pendant cette période.
B.6.2.2. Dans le rapport au Roi précédant l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, il est exposé :
« Depuis que les prescriptions de sécurité plus sévères imposées par le Gouvernement et les restrictions de la vie publique et de la liberté de mouvement qui en découlent sont entrées en vigueur, le risque est devenu réel que des actes de procédure requis devant des organes juridictionnels ne puissent pas être accomplis dans les délais. Certes, la force majeure suspend tout délai, mais il est évident qu'il y aura grand débat quant à la question de savoir si les mesures de lutte contre le coronavirus constituent en toutes circonstances pareille forme, a fortiori une forme stricte, de force majeure.
Pour le Conseil d'État également, le risque est réel que des actes de procédure ne puissent pas être accomplis dans les délais.
Pour ce motif, il faut éviter des effets juridiques préjudiciables durant toute cette période, ce qui signifie que les délais de forclusion procéduraux qui arrivent à échéance pendant cette période de crise, doivent être prorogés. Cela s'applique également aux délais de forclusion qui font l'objet d'une sanction analogue, comme par exemple l'écartement d'office des débats d'un mémoire tardif.
À l'instar des procédures devant les cours et tribunaux, le présent projet prévoit dès lors une prorogation des délais de trente jours.
Ce délai de trente jours – et donc pas d'un mois comme il est prévu pour les cours et tribunaux – répond aux prescriptions spécifiques en matière de calcul des délais qui s'appliquent au Conseil d'État.
Cette prorogation s'applique tant aux délais dans lesquels les parties doivent introduire leur demande – en règle générale respectivement soixante ou trente jours – qu'à ceux dans lesquels les parties doivent déposer leurs mémoires, demander la poursuite de la procédure ou accomplir d'autres actes de procédure (par exemple l'introduction d'une demande en intervention). Dans l'intérêt de la sécurité juridique, pareille réglementation simple et uniforme, en quelque sorte ‘ forfaitaire ', s'impose, parce qu'elle défend au mieux les intérêts juridiques et parce qu'elle offre de ce fait à chacun la possibilité d'agir encore dans un délai raisonnable une fois terminée la période de crise actuelle. Par conséquent, afin d'éviter que, par exemple, le jour où prendra fin la crise soit d'emblée celui où il faudrait agir in extremis,
ce qui pourrait être le cas si les délais sont suspendus, il est opté pour la prorogation de trente jours des délais venant à échéance dans la période visée à l'article 1er.
Cette période supplémentaire de trente jours permet aux parties – tant aux particuliers qu'à leurs avocats – et aux instances concernées – comme les greffes – de se concerter et de se réorganiser afin que les significations, notifications, dépôts de mémoires, communications, etc. puissent à nouveau se faire aisément, et ce pour éviter l'apparition d'un ‘ goulet d'étranglement ' lors du seul jour qui suit immédiatement la fin de la crise ou au cours d'une brève période consécutive à cet événement.
La réglementation proposée sera sans doute perçue dans certains cas comme généreuse, mais les circonstances actuelles ne permettent pas d'appliquer un dosage ‘ d'apothicaire ' pour établir la proportion parfaite ou, le cas échéant, la prorogation pour chacune des nombreuses situations et chacun des délais fixés par la loi séparément.
En outre, cette réglementation poursuit une égalité de traitement des justiciables impliqués dans des procédures devant le juge judiciaire et des acteurs d'une procédure devant le Conseil d'État.
La réglementation envisagée rejoint dès lors, rappelons-le, en tous points, sur le fond, celle qui est envisagée pour les cours et tribunaux.
Enfin, conformément à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le fait que des situations différentes doivent être traitées différemment n'empêche pas, si nécessaire, d'appréhender leur diversité en faisant usage de catégories qui ne correspondent à la réalité que de manière simplifiée et approximative.
Par ailleurs, il ne faut pas non plus perdre de vue qu'il s'agit ici d'une mesure d'urgence, par hypothèse temporaire » (Moniteur belge du 22 avril 2020, pp. 27761-27762).
B.6.2.3. L'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 prévoyait également, entre le 9 avril et le 3 mai 2020, des règles dérogatoires pour le traitement des demandes de suspension d'extrême urgence (article 2) et pour la tenue d'une audience publique (article 3), ou pour la communication électronique (articles 4 et 5) devant le Conseil d'État.
La période visée aux articles 2, 3, 4 et 5 de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 a été prolongée jusqu'au 18 mai 2020 inclus par l'arrêté royal du 4 mai 2020 « prorogeant certaines mesures prises par l'arrêté royal n° 12 du 21 avril 2020 concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d'Etat et la procédure écrite », puis jusqu'au 30 juin 2020 inclus par l'arrêté royal du 18 mai 2020 « prorogeant certaines mesures prises par l'arrêté
royal n° 12 du 21 avril 2020 concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d'Etat et la procédure écrite ».
Cependant, la prorogation des délais d'introduction et de traitement des procédures visée à l'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 n'a pas été prolongée.
Le rapport au Roi précédant l'arrêté royal précité du 4 mai 2020 indique à cet égard :
« Les dispositions de l'article 1er de l'AR n° 12 ne sont pas prolongées du fait qu'il ne peut y avoir d'insécurité juridique sur une période plus longue en ce qui concerne les actes visés de l'autorité » (Moniteur belge, 4 mai 2020, p. 30338).
B.6.3. L'article 2 de la loi du 24 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (I) » a confirmé l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, ainsi que les arrêtés précités des 4 et 18 mai 2020.
Quant à la recevabilité et à l'étendue du recours
B.7. À titre principal, le Gouvernement wallon soulève l'irrecevabilité du recours en annulation, en ce qu'il est dirigé contre l'article 2 du décret du 3 décembre 2020 et non contre l'arrêté confirmé par cette disposition.
B.8.1. Lorsqu'un arrêté fait l'objet d'une confirmation décrétale, il devient lui-même, dès la date de son entrée en vigueur, une norme décrétale. La Cour est compétente pour contrôler si la norme décrétale, qui s'est approprié les dispositions de l'arrêté, ne viole pas une des dispositions dont elle doit assurer le respect.
B.8.2. Dès lors qu'il a confirmé l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2, il y a lieu de considérer que le législateur décrétal s'est approprié les matières réglées dans cet arrêté par le pouvoir exécutif, conformément à l'habilitation contenue dans le décret du 17 mars 2020, de
sorte qu'un excès de compétence dans le cadre de l'arrêté confirmé est également imputable au législateur décrétal.
En invoquant une violation des règles répartitrices de compétences qui serait contenue dans le décret de confirmation, en ce que celui-ci s'approprie les dispositions de l'arrêté précité, tel qu'il a été confirmé par le décret attaqué, la partie requérante invite la Cour à vérifier la compatibilité avec les règles répartitrices de compétences de l'ensemble législatif que constituent l'arrêté confirmé et son décret de confirmation.
B.8.3. Dès lors que la partie requérante dirige ses griefs contre le décret de confirmation, en ce qu'il s'approprie les dispositions de l'arrêté confirmé, il n'est pas requis qu'elle attaque également, dans la requête, l'arrêté confirmé.
En effet, dans le cadre du procédé de pouvoirs spéciaux, comme en l'espèce, une éventuelle annulation rétroactive du décret de confirmation aurait pour conséquence que, conformément à la norme d'habilitation, l'arrêté confirmé serait réputé n'avoir jamais produit ses effets, comme le prévoit l'article 4 du décret du 17 mars 2020.
B.8.4. L'exception est rejetée.
B.9. Selon le Gouvernement wallon, la requête en annulation devrait également être déclarée irrecevable, dès lors que la partie requérante, qui n'a pas attaqué l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, ni l'article 4 du décret du 3 décembre 2020 le confirmant, ne justifie pas d'un intérêt au recours, alors que c'est en raison de la prolongation opérée par ces dispositions que le recours introduit devant le Conseil d'État contre le permis octroyé à la partie requérante est recevable.
B.10. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.11.1. La partie requérante justifie son intérêt à agir par le fait que le recours en annulation dirigé contre le permis d'urbanisme qui lui a été octroyé serait irrecevable en vertu de la législation fédérale, alors qu'il est recevable en vertu de la législation wallonne attaquée.
B.11.2. Comme il est dit en B.3, l'article 2 de l'arrêté confirmé par l'article 2 du décret du 3 décembre 2020 suspend les délais de recours en annulation devant le Conseil d'État, en insérant un paragraphe 4 dans l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'État.
De la sorte, l'arrêté confirmé par la disposition attaquée a introduit un régime de suspension qui a eu pour conséquence de prolonger le délai durant lequel le permis octroyé à la partie requérante pouvait être attaqué. La disposition attaquée influence dès lors la recevabilité ratione temporis du recours en annulation de ce permis, ce qui affecte directement et défavorablement la situation de la partie requérante.
La circonstance que la suspension mise en place par l'arrêté confirmé par la disposition attaquée, à l'article 14, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d'État, a été prolongée par l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, confirmé par l'article 4 du décret du 3 décembre 2020, ne modifie pas ce constat.
B.12. Le Conseil des ministres, quant à lui, invite la Cour à considérer que la requête vise également l'article 4 du décret du 3 décembre 2020, dès lors que cette disposition, qui confirme l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, serait indissociablement liée à l'article 2 attaqué.
B.13.1. La Cour détermine l'étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête et en particulier sur la base de l'exposé des moyens. La Cour limite son examen aux dispositions contre lesquelles des griefs sont effectivement dirigés.
En l'espèce, la requête est dirigée contre l'article 2 du décret du 3 décembre 2020, mais uniquement en ce qu'il confirme l'article 2 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2, qui insère un paragraphe 4 dans l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'État.
B.13.2. La Cour peut toutefois annuler d'office des dispositions qui n'ont pas été attaquées, si elles se révèlent indissociablement liées à la disposition précitée.
Quant au fond
B.14. Le moyen unique est pris de la violation des articles 10, 11 et 160 de la Constitution et des articles 10 et 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que la disposition attaquée, en confirmant l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2, empiète sur la compétence réservée au législateur fédéral, sans que les conditions pour invoquer les compétences implicites soient remplies.
Intervenant dans la procédure, le Conseil des ministres soutient l'annulation sollicitée par la partie requérante.
B.15. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt de la partie requérante au moyen unique, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été invoqués quant à la recevabilité de la requête.
B.16. Lorsqu'une partie requérante justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation des dispositions attaquées, elle ne doit pas justifier en outre d'un intérêt aux moyens qu'elle invoque.
Pour le surplus, dès lors que la requête ne contient qu'un moyen unique, l'exception d'irrecevabilité du moyen se confond en l'espèce avec l'exception d'irrecevabilité de la requête, qui a été rejetée.
B.17. Dans les développements du moyen unique, la partie requérante se borne à alléguer que la disposition attaquée viole les règles répartitrices de compétences, sans exposer en quoi les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés.
La Cour n'examine dès lors pas si la disposition attaquée est compatible avec ces dispositions.
B.18. L'article 160 de la Constitution dispose :
« Il y a pour toute la Belgique un Conseil d'Etat, dont la composition, la compétence et le fonctionnement sont déterminés par la loi. Toutefois, la loi peut attribuer au Roi le pouvoir de régler la procédure conformément aux principes qu'elle fixe.
Le Conseil d'Etat statue par voie d'arrêt en tant que juridiction administrative et donne des avis dans les cas déterminés par la loi.
[…] ».
Cette disposition réserve à l'autorité fédérale la compétence de déterminer la composition, la compétence et le fonctionnement du Conseil d'État, y compris les règles de la procédure, et de définir les cas dans lesquels le Conseil d'État statue par voie d'arrêt en tant que juridiction administrative et donne des avis.
B.19. En confirmant un arrêté qui modifie, à l'article 14, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d'État, les règles générales de procédure applicables au délai de recours en annulation devant le Conseil d'État, le législateur décrétal empiète sur la compétence qui est réservée à l'autorité fédérale par l'article 160 de la Constitution.
B.20.1. L'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 permet cependant au décret de disposer dans des matières pour lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, y compris, conformément à l'article 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, pour régler des matières que la Constitution a réservées au législateur fédéral.
Dans le cadre de l'attribution de pouvoirs spéciaux, les mesures prises par les gouvernements fédérés doivent s'inscrire dans les compétences des communautés et des régions. Ces gouvernements peuvent dès lors, dans ce cadre, adopter des dispositions dans des matières pour lesquelles leurs parlements ne sont pas compétents, pour autant qu'ils agissent, conformément à une habilitation législative et moyennant une confirmation législative, dans le respect des conditions prévues à l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.20.2. Pour que l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 puisse s'appliquer, il est requis que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions attaquées sur la matière ne soit que marginale.
B.21.1. Comme il est dit en B.3.3 et en B.5.2, l'arrêté confirmé et la disposition attaquée sont justifiés par l'objectif légitime de « garantir la continuité du service public, de garantir le principe d'égalité et de préserver la sécurité juridique, de prendre des mesures qui visent à ce qu'aucun citoyen ne soit entravé ni dans l'exercice de ses droits ni dans l'accomplissement de ses obligations du fait des impacts de la crise sanitaire sur le fonctionnement quotidien des Services publics ou du fait qu'il n'ait pas été lui-même dans une situation qui lui permette d'exercer ceux-ci ».
En ce qui concerne l'empiètement sur la compétence fédérale de régler les délais de recours en annulation devant le Conseil d'État, il est avancé que l'intervention de la Région wallonne est « nécessaire à l'exercice des compétences régionales car le dispositif ici mis en œuvre serait privé de cohérence si un recours externe contre un acte administratif était traité différemment d'un recours interne ».
Le dispositif de suspension mis en place se fonde par conséquent sur l'idée d'un parallélisme indispensable entre, d'une part, la suspension des délais de rigueur fixés par ou en vertu de la législation wallonne et, d'autre part, la suspension des délais concernant les
recours en annulation introduits devant le Conseil d'État à l'encontre des actes des autorités administratives relevant de la législation wallonne.
Cette position ne peut être suivie. En effet, le fait de suspendre les délais de rigueur « internes » applicables aux procédures administratives traitées par les autorités relevant de la législation wallonne a pour conséquence de suspendre les délais applicables à l'adoption d'actes qui pourraient faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'État, de sorte que cette mesure suffit pour postposer, par voie de conséquence, la prise de cours des délais de recours « externes » en annulation devant le Conseil d'État à l'égard de ces actes. Comme le Conseil d'État l'a jugé par son arrêt n° 249.019 du 24 novembre 2020, la suspension des délais de rigueur, applicables à la seule action administrative régionale « n'infère aucune conséquence nécessaire sur la prise de cours et la computation des délais applicables à la procédure juridictionnelle devant le Conseil d'État ».
Une mesure de suspension des délais de recours en annulation devant le Conseil d'État, qui est une matière relevant de l'autorité fédérale, n'était donc pas nécessaire à l'exercice des compétences de la Région wallonne.
B.21.2. Le caractère non nécessaire de la mesure attaquée pour l'exercice des compétences de la Région wallonne est encore confirmé par le fait que l'autorité fédérale a elle-même adopté une mesure de prorogation des délais de recours en annulation devant le Conseil d'État, dans l'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, confirmé par la loi du 24 décembre 2020.
Contrairement à ce qu'allègue le Gouvernement wallon, les termes « sans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes », contenus dans l'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, ne peuvent constituer une habilitation qui serait donnée par le législateur fédéral d'empiéter sur sa propre compétence, dès lors que l'autorité fédérale, les communautés et les régions ne peuvent pas renoncer, abandonner ou échanger une compétence qui leur a été attribuée par la Constitution ou par la loi spéciale de réformes institutionnelles.
B.22.1. On ne peut davantage suivre l'argumentation de la Région wallonne selon laquelle la matière se prêterait à un traitement différencié dès lors qu'elle ne concerne que les actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne, ni l'allégation selon laquelle cette mesure n'aurait qu'un impact marginal dès lors qu'elle ne s'appliquerait que pour une période très limitée dans le temps.
B.22.2. La circonstance que la mesure attaquée ne concerne que les actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne ne signifie pas que la matière des délais relatifs aux recours en annulation devant le Conseil d'État se prête à un traitement différencié. En effet, comme il a déjà été exposé en B.6, l'autorité fédérale a adopté un dispositif visant à éviter pour les justiciables que la crise sanitaire ait des effets juridiques préjudiciables en ce qui concerne les délais de procédure devant le Conseil d'État. La mesure fédérale de prorogation des délais de procédure expirant entre le 9 avril et le 3 mai 2020, pour une durée de trente jours à l'issue de cette période, poursuit le même objectif que la mesure attaquée, et elle est, comme la mesure attaquée, limitée dans le temps.
Bien qu'ils poursuivent des objectifs identiques et qu'ils constituent des mesures exceptionnelles, le dispositif fédéral et le dispositif régional étaient cependant distincts dans leur conception, leurs effets et leur période de référence, puisqu'il s'agissait, d'une part, d'une prorogation forfaitaire des seuls délais de procédure venus à échéance pendant une période donnée (entre le 9 avril et le 3 mai 2020), pour une durée de trente jours à l'issue de cette période, à l'exclusion des demandes de suspension d'extrême urgence et des demandes de mesures provisoires d'extrême urgence introduites pendant cette période, et, d'autre part, d'une suspension généralisée des délais de recours en annulation devant le Conseil d'État pendant une période donnée (entre le 18 mars et le 30 avril 2020).
Non seulement la mesure attaquée n'était pas nécessaire à l'exercice des compétences régionales, comme il est dit en B.21.1, mais, combinée avec la mesure fédérale de prorogation des délais de procédure, elle a pour effet de créer une insécurité juridique quant à la computation des délais pour les justiciables, qui sont soumis à des traitements procéduraux distincts quant aux délais de recours et de procédure devant le Conseil d'État, selon qu'ils
sont ou non parties à un contentieux portant sur des actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne.
B.22.3. Enfin, le fait qu'une mesure s'applique pendant une période très limitée dans le temps ne signifie pas nécessairement que son impact est marginal.
Compte tenu des conséquences de la mesure attaquée au niveau de la sécurité juridique, l'impact de cette mesure, laquelle touche aux règles fondamentales de la computation des délais de recours devant le Conseil d'État, même si elle est limitée dans le temps, ne peut pas être considéré comme étant marginal.
B.23. Le moyen est fondé. Il y a dès lors lieu d'annuler l'article 2 du décret du 3 décembre 2020, en ce qu'il confirme l'article 2 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2.
B.24. Doivent également être annulées les dispositions indissociablement liées à la disposition annulée, à savoir l'article 4 du décret du 3 décembre 2020, en ce qu'il confirme les articles 2 et 4 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20.
B.25. Compte tenu de ce qui précède, le moyen nouveau soulevé par le Conseil des ministres conformément à l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de même que l'exception d'inconstitutionnalité soulevée par le Gouvernement wallon à l'égard de cette disposition ne doivent pas être examinés.
Quant au maintien des effets
B.26. À titre infiniment subsidiaire, le Gouvernement wallon demande à la Cour de maintenir les effets de la disposition qui serait annulée si le moyen était jugé fondé, afin d'éviter toute insécurité juridique pour les destinataires de la mesure, et de tenir compte des conséquences d'une annulation pour le contentieux de l'annulation devant le Conseil d'État.
B.27. Avant de décider de maintenir les effets des dispositions attaquées, la Cour doit constater que l'avantage tiré de l'effet du constat d'inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation qu'il impliquerait pour l'ordre juridique.
B.28. Afin d'éviter toute insécurité juridique quant à la computation des délais applicables à la procédure juridictionnelle devant le Conseil d'État qui pourrait découler d'une annulation rétroactive en l'espèce, les effets des dispositions annulées doivent, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, être maintenus définitivement.
Décision
Par ces motifs,
la Cour
1. annule :
- l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 », en ce qu'il confirme l'article 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 « relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 »;
- l'article 4 du même décret du 3 décembre 2020, en ce qu'il confirme les articles 2 et 4 de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020 « prorogeant les délais prévus par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 et par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 3 du 18 mars 2020 concernant les matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution et relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 »;
2. maintient les effets des dispositions annulées.