En cause:
les questions préjudicielles relatives aux articles 112 et 114 de la Nouvelle loi communale (Région de Bruxelles-Capitale) et aux articles L1133-1 et L1133-2 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation, posées respectivement par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles et par le Tribunal de première instance du Luxembourg, division de Marche-en-Famenne.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I Objet du recours
a. Par jugement du 28 avril 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 17 mai 2021, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes :
« - Dans l'interprétation suivant laquelle il se déduirait des articles 112 et 114 de la nouvelle loi communale que le seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement communal est l'annotation dans le registre spécial tenu par le secrétaire communal et suivant laquelle les articles 112 et 114 de la nouvelle loi communale auraient habilité le Roi à prévoir que, pour valoir preuve de la publication d'un règlement communal, l'annotation dans un registre spécialement tenu à l'effet de constater le fait et la date de la publication des règlements et ordonnances communaux par la voie de l'affichage doit être faite le premier jour de l'affichage, ou à prévoir, au sujet de ce registre et de cette annotation, des règles de forme, portant entre autres sur le moment de l'annotation, prescrites à peine de nullité de la publication elle-même ou à peine de nullité ou d'inopposabilité du règlement, ces dispositions violent-elles les articles 10, 11, 33, 170, 172 et 191 de la Constitution, combinés avec les articles 105, 108,
159, 162 et 190 de la Constitution et avec les principes de légalité et de sécurité juridique, en ce qu'elles privent tant l'autorité communale en qualité d'auteur d'un tel règlement que l'ensemble des personnes susceptibles d'être soumises à un tel règlement, en ce comprise l'autorité communale elle-même, de la garantie de l'intervention d'une assemblée législative délibérante, à savoir le législateur comme le prévoit l'article 190 de la Constitution, dans la détermination des éléments essentiels touchant à la publication des lois, arrêtés et règlements et à la forme de leur publication, en ce comprise la preuve de cette publication, et, partant, dans la détermination d'un élément essentiel touchant au caractère obligatoire des lois, arrêtés et règlements et, dans le cas d'un règlement-taxe communal, à la qualité de redevable de la taxe, alors que les auteurs des autres types de normes (lois, arrêtés ou règlements d'administration générale ou provinciale), visés par l'article 190 de la Constitution, et l'ensemble des personnes susceptibles d'être soumises à de telles normes, ne sont pas privés de cette garantie ?
- Interprétés dans le même sens, les articles 112 et 114 de la nouvelle loi communale violent-ils les articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, combinés avec le principe de proportionnalité, en ce qu'ils imposent une différence de traitement injustifiée entre une commune ayant adopté et publié un règlement dont la publication par la voie de l'affichage a été constatée par une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet, dans la forme et dans le délai déterminés par un arrêté d'exécution de ces dispositions légales, et une commune ayant adopté et publié un règlement dont la publication par la voie de l'affichage a été constatée par une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet, lorsque la forme et le délai déterminés par un arrêté d'exécution de ces dispositions légales n'ont pas été strictement respectés ?
- Les articles 112 et 114 de la nouvelle loi communale interprétés en ce sens que l'annotation dans le registre des publications prévue par l'alinéa 2 de l'article 114 de la nouvelle loi communale précité constitue le seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement communal et une condition substantielle de la procédure de publication, prévue à peine de l'inopposabilité et de l'inapplicabilité du règlement communal, violent-ils les articles 10, 11 et 170 de la Constitution, combinés avec l'article 190, de la Constitution, en ce qu'à la différence des normes législatives et actes administratifs réglementaires adoptés par les autres autorités, l'acquisition de la force obligatoire des règlements communaux dépend non seulement du fait de leur publication (en l'occurrence par voie d'affichage) mais également de la mention de cette publication dans le registre des publications des règlements et ordonnances des autorités communales, qui plus est dans le respect des conditions formelles prescrites par l‘arrêté réglementaire adopté en exécution de l'article 114 précité, parmi lesquelles figure la condition que l'annotation dans le registre ait été faite le premier jour de la publication du règlement ? ».
b. Par jugement du 9 juin 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 juin 2021, le Tribunal de première instance du Luxembourg, division de Marche-en-Famenne, a posé les questions préjudicielles suivantes :
« 1. Dans l'interprétation suivant laquelle il se déduirait des articles L1133-1 et L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation que le seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement communal est l'annotation dans le registre spécial tenu par le secrétaire communal et suivant laquelle les articles L1133-1 et L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation auraient habilité le Roi [à] prévoir que, pour valoir preuve de la publication d'un règlement communal, l'annotation dans un registre spécialement tenu à l'effet de constater le fait et la date de la publication des règlements et ordonnances communaux par la voie de l'affichage doit être faite le premier jour de l'affichage, ou à prévoir, au sujet de ce registre et de cette annotation, des règles de forme, portant entre autres sur le moment de l'annotation, prescrites à peine de nullité de la publication elle-même ou à peine de nullité ou d'inopposabilité du règlement, ces dispositions violent-elles les articles 10, 11, 33, 170, 172 et 191 de la Constitution, combinés avec les articles 105, 108, 159, 162 et 190 de la Constitution et avec les principes de légalité et de sécurité juridique, en ce qu'elles privent tant l'autorité communale en qualité d'auteur d'un tel règlement que l'ensemble des personnes susceptibles d'être soumises à un tel règlement, en ce compris l'autorité communale elle-même, de la garantie de l'intervention d'une assemblée législative délibérante, à savoir le législateur comme le prévoit l'article 190 de la Constitution, dans la détermination des éléments essentiels touchant à la publication des lois, arrêtés et règlements et à la forme de leur publication, en ce comprise la preuve de cette publication, et, partant, dans la détermination d'un élément essentiel touchant au caractère obligatoire des lois, arrêtés et règlements et, dans le cas d'un règlement- taxe communal, à la qualité de redevable de la taxe, alors que les auteurs des autres types de normes (lois, arrêtés ou règlements d'administration générale ou provinciale), visés par l'article 190 de la Constitution, et l'ensemble des personnes susceptibles d'être soumises à de telles normes, ne sont pas privés de cette garantie ?
2. Interprétés dans le même sens, les articles L1133-1 et L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation violent-ils les articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, combinés avec le principe de proportionnalité, en ce qu'ils imposent une différence de traitement injustifiée entre une commune ayant adopté et publié un règlement dont la publication par la voie de l'affichage a été constatée par une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet, dans la forme et dans le délai déterminés par un arrêté d'exécution de ces dispositions légales, et une commune ayant adopté et publié un règlement dont la publication par la voie de l'affichage a été constatée par une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet, lorsque la forme et le délai déterminés par un arrêté d'exécution de ces dispositions légales n'ont pas été strictement respectés ?
3. Les articles L1133-1 et L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation interprétés en ce sens que l'annotation dans le registre des publications prévue par l'alinéa 2 de l'article L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation de la nouvelle loi communale précité [lire : de l'article L1332-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation précité] constitue le seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement communal et une condition substantielle de la procédure de publication, prévue à peine de l'inopposabilité et de l'inapplicabilité du règlement communal, violent-ils les articles 10, 11 et 170 de la Constitution, combinés avec l'article 190 de la Constitution, en ce qu'à la différence des normes législatives et actes administratifs réglementaires adoptés par les autres autorités, l'acquisition de la force obligatoire des règlements communaux dépend non seulement du fait de leur publication (en l'occurrence par voie d'affichage) mais également de la mention de cette publication dans le registre des publications des règlements et ordonnances des autorités communales, qui plus est dans le respect des conditions formelles prescrites par l'arrêté réglementaire adopté en exécution de l'article L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, parmi lesquelles figure la condition que l'annotation dans le registre ait été faite le premier jour de la publication du règlement ?
4. Les articles L1133-1 et L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, interprétés en ce sens que l'annotation dans le registre des publications prévue par l'alinéa 2 de l'article L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation constitue le seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement communal et une condition substantielle de la procédure de publication, prévue à peine de l'inopposabilité et de l'inapplicabilité du règlement communal et que l'acquisition de la force obligatoire des règlements communaux dépend non seulement du fait de leur publication (en l'occurrence par voie d'affichage) mais également de la mention de cette publication dans le registre des publications des règlements et ordonnances des autorités communales, qui plus est dans le respect des conditions formelles prescrites par l'arrêté réglementaire adopté en exécution de l'article L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, parmi lesquelles figure la condition que l'annotation dans le registre ait été faite le premier jour de la publication du règlement, alors que les articles L2213-2 et L2213-3 du même code, dans leur interprétation postérieure à l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 12 novembre 2020, prévoient que les règlements et les ordonnances des provinces deviennent obligatoires le huitième jour après celui de l'insertion dans le Bulletin provincial et ce quand bien même la différence de traitement entre le mode de publication des règlements et ordonnances des communes et le mode de publication des règlements et ordonnances des provinces repose sur un critère objectif, à savoir que même si les unes et les autres sont des collectivités politiques territoriales qui sont investies par la Constitution de responsabilités autonomes, il résulte de cette autonomie, de la diversité en ce qui concerne l'ampleur de leurs compétences territoriales et de la diversité de leurs attributions que le législateur décrétal a pu organiser des modes de publication différents pour leurs règlements et ordonnances respectifs, violent-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de sécurité juridique et le principe de proportionnalité ? ».
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7576 et 7610 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Des mémoires ont été introduits par :
- la commune de Schaerbeek (représentée par son collège des bourgmestre et échevins), assistée et représentée par Me N. Fortemps et Me C. Molitor, avocats au barreau de Bruxelles (dans l'affaire n° 7576);
- la SA « JCDecaux Street Furniture Belgium », assistée et représentée par Me B. Cambier, Me A. Paternostre et Me A. Mercier, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante dans l'affaire n° 7576);
- la ville de Charleroi (représentée par son collège communal), assistée et représentée par Me C. Molitor et Me N. Fortemps (partie intervenante dans l'affaire n° 7576);
- la ville de Mons (représentée par son collège communal), assistée et représentée par Me C. Molitor et Me N. Fortemps (partie intervenante dans l'affaire n° 7576);
- la SA « Orange Belgium », assistée et représentée par Me X. Thiebaut, Me S. Lemmens et Me G. Dejalle, avocats au barreau de Liège-Huy (partie intervenante dans les deux affaires);
- la SA « Telenet Group », assistée et représentée par Me S. Champagne, Me E. Esterzon et Me C. De Jonghe, avocats au barreau de Bruxelles (dans l'affaire n° 7610 et, comme partie intervenante, dans l'affaire n° 7576);
- la ville de Bastogne (représentée par son collège communal), assistée et représentée par Me C. de Bueger, Me G. Rolland et Me S. Jacques, avocats au barreau de Bruxelles (dans l'affaire n° 7610);
- la SA de droit public « Proximus », assistée et représentée par Me B. Lombaert et Me S. Adriaenssen, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante dans l'affaire n° 7610);
- le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, assisté et représenté par Me F. Van Gejuchte, avocat au barreau de Bruxelles (dans les deux affaires);
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me B. Hendrickx, avocat au barreau de Bruxelles (dans les deux affaires).
Des mémoires en réponse ont été introduits par :
- la commune de Schaerbeek;
- la SA « JCDecaux Street Furniture Belgium »;
- la ville de Charleroi;
- la ville de Mons;
- la SA « Orange Belgium » (dans les deux affaires);
- la SA « Telenet Group » (dans l'affaire n° 7610);
- la ville de Bastogne;
- la SA de droit public « Proximus »;
- le Gouvernement wallon (dans l'affaire n° 7610).
Par ordonnance du 21 septembre 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs E. Bribosia et D. Pieters, a décidé que les affaires étaient en état, qu'aucune audience ne serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 12 octobre 2022 et les affaires mises en délibéré.
À la suite des demandes de différentes parties à être entendues, la Cour, par ordonnance du 12 octobre 2022, a fixé l'audience au 9 novembre 2022.
À l'audience publique du 9 novembre 2022 :
- ont comparu :
. Me C. Molitor, qui comparaissait également loco Me N. Fortemps, pour la commune de Schaerbeek, la ville de Charleroi et la ville de Mons;
. Me A. Mercier, qui comparaissait également loco Me B. Cambier et Me A. Paternostre, pour la SA « JCDecaux Street Furniture Belgium »;
. Me X. Thiebaut, pour la SA « Orange Belgium »;
. Me S. Champagne et Me C. De Jonghe, pour la SA « Telenet Group »;
. Me G. Rolland et Me L. Depré, avocat au barreau de Bruxelles, pour la ville de Bastogne;
. Me B. Lombaert, pour la SA de droit public « Proximus »;
. Me F. Van Gejuchte, pour le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale;
. Me G. Weisgerber, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me B. Hendrickx, pour le Gouvernement wallon;
- les juges-rapporteurs E. Bribosia et D. Pieters ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et les procédures antérieures
Dans l'affaire n° 7576, la partie requérante devant le juge a quo conteste une taxe enrôlée par la commune de Schaerbeek. La taxe litigieuse est fondée sur un règlement-taxe communal adopté le 23 octobre 2013 pour les exercices fiscaux 2014 à 2018 et porte sur les terrains non bâtis situés en bordure d'une voie publique suffisamment équipée. Après avoir introduit un recours interne à la commune de Schaerbeek, déclaré recevable mais non fondé, le redevable de la taxe litigieuse introduit un recours devant le Tribunal francophone de première instance de Bruxelles, le juge a quo. Ce dernier constate que le règlement-taxe communal du 23 octobre 2013 a été affiché le 25 octobre mais fait l'objet de l'annotation dans le registre communal le 26 novembre de la même année, soit avec un mois de retard par rapport au délai d'un jour prévu par l'article 2 de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 « relatif aux annotations dans le registre de publication des règlements et ordonnances des autorités communales ». Compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère l'annotation dans le délai prescrit comme une condition substantielle de l'opposabilité d'un règlement communal, le juge a quo pose les questions préjudicielles reproduites plus haut.
Dans l'affaire n° 7610, la ville de Bastogne adopte le 27 novembre 2009 un règlement-taxe sur les pylônes et mâts. La taxe est enrôlée pour la SA « Telenet ». Cette société introduit une réclamation devant le Tribunal de première instance du Luxembourg, division de Marche-en-Famenne, le juge a quo, pour demander l'annulation de la taxe et la restitution des sommes engagées. La SA « Telenet » soutient notamment qu'il convient de constater que le règlement-taxe en cause est illégal puisque son annotation dans le registre a eu lieu le 18 janvier 2010, soit plus d'un jour après sa publication le 12 janvier de la même année. Constatant que la discordance entre la date de l'annotation et celle de la publication constitue une irrégularité substantielle au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation et observant qu'il existe une jurisprudence du Conseil d'État en sens contraire, le juge a quo pose les questions préjudicielles reproduites plus haut.
Les première, deuxième et troisième questions préjudicielles sont similaires et portent à la fois sur les articles 112 et 114 de la Nouvelle loi communale et sur les articles L1133-1 et L1133-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation. La quatrième question préjudicielle est propre à l'affaire n° 7610 et porte uniquement sur les articles L1133-1 et L1133-2 du Code précité.
II En droit
A Argument
Quant à l'intérêt des parties intervenantes
A.1. La SA « JCDecaux », la SA « Orange » et la SA « Proximus » ont déposé chacune un mémoire en intervention. Elles font valoir qu'elles sont des sujets de droit qui ont introduit plusieurs recours contre des taxes communales similaires devant les cours et tribunaux et que, par conséquent, les réponses aux questions préjudicielles quant aux normes en cause les affecteront directement et personnellement. La SA « Proximus » fait également valoir qu'elle est partie à un litige dans lequel une question préjudicielle similaire a été posée à la Cour dans l'affaire n° 7495.
A.2. Les villes de Charleroi et de Mons font apparaître qu'elles sont parties à des procédures analogues devant d'autres tribunaux, lesquelles portent sur la question de l'opposabilité de règlements-taxes en raison de la discordance entre la date de publication et la date d'annotation dans le registre. Les réponses aux questions préjudicielles quant aux normes en cause les affecteront donc directement et personnellement.
Quant à la première question préjudicielle
A.3.1. À titre principal, la SA « JCDecaux » soutient que la Cour n'est pas compétente pour répondre à la question préjudicielle posée puisqu'elle porte en réalité sur l'arrêté royal du 14 octobre 1991 « relatif aux annotations dans le registre de publication des règlements et ordonnances des autorités communales » (ci-après : l'arrêté royal du 14 octobre 1991).
A.3.2. À titre subsidiaire, la SA « JCDecaux » estime que les dispositions en cause sont compatibles avec les dispositions de la Constitution visées dans la question préjudicielle. Elle rappelle que l'arrêté royal du 12 novembre 1849 « qui prescrit la marche à suivre pour constater la publication des règlements de police communale » (ci-après : l'arrêté royal du 12 novembre 1849) faisait déjà apparaître l'objectif du Roi d'instaurer
un mode de preuve avec date certaine pour la publication des règlements communaux. Or, l'arrêté royal du 14 octobre 1991 « relatif aux annotations dans le registre de publication des règlements et ordonnances des autorités communales » (ci-après : l'arrêté royal du 14 octobre 1991) est à peu de chose près identique à l'arrêté du 12 novembre 1849. Vu cette continuité, il ne peut être soutenu que l'habilitation législative ne couvre pas le système d'annotation tel qu'il existe. Par ailleurs, si la Loi communale est devenue la Nouvelle loi communale en 1989, ses articles 112 et 114, en cause, n'ont pas été modifiés. La régionalisation, elle non plus, n'a pas changé fondamentalement la donne.
Puisque les règles communales ne sont pas publiées dans un journal officiel mais font uniquement l'objet d'un affichage à la commune, la SA « JCDecaux » estime qu'il relève de manière inhérente de l'état de droit que cet affichage puisse être établi de manière certaine et authentique. Cette condition essentielle justifie que l'on impose à la commune la tenue d'un registre spécial au jour le jour, comme les dispositions en cause l'ont fait et comme le Roi l'a précisé dans ses arrêtés de 1849 et 1991.
A.3.3. La SA « JCDecaux » soutient que l'habilitation législative n'excède pas les limites permises. Le Roi dispose toujours de la compétence générale de prendre des mesures d'exécution des normes adoptées en toute matière, y compris dans les matières réservées, en vertu de l'article 108 de la Constitution. En tout état de cause, la publication des normes ne fait pas partie de ces matières réservées puisque l'article 190 de la Constitution n'est classiquement pas cité par la doctrine parmi les matières réservées à la loi. Dès lors, le législateur pouvait habiliter le Roi en la matière, conformément à l'article 105 de la Constitution, ce qui a été fait. L'arrêté royal du 14 octobre 1991 ne fait que régler les modalités de consignation des annotations dans le registre des publications. Il s'agit donc d'une mesure de pure exécution qui ne fait que déterminer la forme de ce registre.
A.4.1. La SA « Telenet » rappelle que l'article 108 de la Constitution ne requiert aucune habilitation. Quant à l'article 105 de la Constitution, il n'existe aucune difficulté dans les matières non réservées, et la Cour n'est d'ailleurs pas compétente pour contrôler la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif dans ces matières. La seule condition fixée par la Cour au législateur est de ne pas se dépouiller de ses compétences dans les matières dans lesquelles une norme impose son intervention. Dans celles-ci, l'habilitation doit être suffisamment précise et le législateur doit avoir fixé les éléments essentiels.
A.4.2. En ce qui concerne la légalité de l'impôt, la SA « Telenet » souligne qu'aux termes de la jurisprudence de la Cour, toute délégation qui porte sur la détermination de l'un des éléments essentiels de l'impôt est, en principe, inconstitutionnelle. La volonté est celle d'interdire à l'exécutif de lever lui-même des impôts. Selon la Cour, ces éléments essentiels se limitent à la désignation des redevables, à la matière imposable et à la base d'imposition, au taux ou au montant ainsi qu'aux exemptions et modérations éventuelles. Rien n'empêche donc la loi d'être complétée par des textes réglementaires qui fixent les éléments secondaires ou accessoires de l'impôt.
A.4.3. En ce qui concerne la légalité de la publication de normes, la SA « Telenet » souligne que l'article 190 de la Constitution vise à offrir une assise à la présomption de connaissance des règles de droit. Il concrétise la manière dont les autorités peuvent rendre obligatoires les normes générales. La SA « Telenet » insiste à ce stade sur la différence primordiale qui existe entre les éléments essentiels - qu'il s'agisse de l'impôt ou de la publication des normes - et les formalités substantielles. La Cour de cassation a en effet jugé que l'article 2 de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 imposait des mesures qui devaient être considérées comme des formalités substantielles. On entend par ce terme les formalités dont l'importance est telle qu'il se justifie que leur non-respect conduise à l'invalidation de l'acte concerné. La doctrine souligne en outre qu'une formalité substantielle vise à garantir les droits et/ou les intérêts des citoyens. Cette notion est à distinguer de celle de l'élément essentiel. Le simple fait qu'une règle de forme vise à protéger un autre intérêt que celui de l'auteur de l'acte, et constitue à ce titre une formalité substantielle, n'a pas nécessairement pour effet qu'elle détermine un élément essentiel de la matière à laquelle elle appartient. En l'espèce, la Cour n'est pas tenue par la conception de l'élément essentiel présente dans la question préjudicielle.
A.4.4. Selon la SA « Telenet », les dispositions en cause ne sont pas contraires à l'article 190 de la Constitution puisqu'elles consacrent les modalités concrètes de la publication de normes mais aussi le mode de preuve de celles-ci, à savoir l'annotation dans le registre. Seule la forme de l'annotation dans ce registre est déléguée à l'exécutif, lequel ne peut déroger à la Constitution par cette seule délégation. Dès lors, cette mesure
n'excède pas le pouvoir général d'exécution, d'autant plus que l'annotation n'est pas relative à la forme de la publication des règlements communaux mais uniquement à sa preuve, laquelle ne fait pas partie des matières réservées à la loi. Quand bien même en ferait-elle partie, il convient de constater que le législateur a effectivement fixé les éléments essentiels de celle-ci dans le texte des dispositions en cause.
Les dispositions en cause ne sont pas non plus contraires aux articles 170 et 172 de la Constitution. L'habilitation conférée ne donne pas le pouvoir aux Gouvernements concernés d'adopter un acte destiné à influencer l'établissement de l'impôt puisque l'annotation n'a qu'une portée probatoire. De plus, la SA « Telenet » souligne que le seul fait que certaines de ces formalités sont instaurées dans l'intérêt des contribuables et peuvent donc, à ce titre, être considérées comme des formalités substantielles ne suffit pas à les transformer en éléments essentiels de l'impôt.
A.5. La SA « Orange » souligne tout d'abord que la forme de la publication, au sens de l'article 190 de la Constitution, est bien prévue par les dispositions en cause puisqu'il s'agit de l'affichage. L'article 190 de la Constitution, par contre, est étranger à la question de la preuve de la publication. L'attribution d'un pouvoir au Roi, ou au gouvernement régional, pour fixer celle-ci est donc conforme à l'article 105 de la Constitution. La SA « Orange » rappelle que le Conseil d'État, dans son avis sur l'arrêté royal du 14 octobre 1991, n'avait rien trouvé à redire. Quand bien même aurait-ce été le cas, il ne s'agit pas d'un élément essentiel puisque cette habilitation ne touche qu'à la forme du registre. Il n'y a pas non plus de violation du principe de la légalité de l'impôt puisque les dispositions en cause ne portent pas atteinte à l'autonomie fiscale des communes, qui restent libres d'adopter les règlements-taxes qu'elles souhaitent. Au surplus, la SA « Orange » estime que la Cour n'est pas compétente pour contrôler l'arrêté royal du 14 octobre 1991 en tant que tel.
A.6.1. À titre principal, la SA « Proximus » soutient que l'ensemble des questions préjudicielles posées sont irrecevables car elles portent en réalité sur l'arrêté royal du 14 octobre 1991. Les règles méconnues dans les litiges soumis aux juges a quo sont celles de l'arrêté précité, et non celles des dispositions en cause. La SA « Proximus » ne répond aux questions préjudicielles qu'à titre subsidiaire.
A.6.2. La SA « Proximus » rappelle que l'annotation n'est que le mode de preuve de la publication des règlements communaux. Elle doit donc être distinguée de l'entrée en vigueur, ainsi que de l'opposabilité de ces règlements. En ce sens, la question préjudicielle est fondée sur une prémisse erronée. L'habilitation conférée à l'exécutif dans les dispositions en cause ne porte que sur la preuve de la publication, qui n'est pas une matière réservée à la loi. Dès lors, ni l'article 190 de la Constitution ni les articles 170 et 172 de la Constitution ne peuvent être concernés. La Cour ne statue en principe pas sur le partage des pouvoirs entre le législateur et l'exécutif dans les matières non réservées à la loi.
En tout état de cause, la SA « Proximus » soutient que l'habilitation est suffisamment précise et ne porte que sur des mesures formelles de détail, de sorte qu'elle n'est pas disproportionnée ou déraisonnable.
A.7. Le Gouvernement wallon rappelle tout d'abord que le but que poursuit le législateur en matière de publication des règlements communaux est la simplification administrative. Certes, il n'est pas contestable que le législateur ait entendu faire du registre un mode de preuve de la publication par affichage. Il n'apparaît pas en revanche qu'il a voulu attribuer au Roi la compétence de fixer le délai dans lequel cette annotation devait intervenir ni, a fortiori, d'attacher à la méconnaissance de cette formalité une sanction aussi radicale que l'inopposabilité du règlement. Dans l'interprétation actuelle de la Cour de cassation, la violation de cette formalité substantielle ne peut en effet jamais être régularisée. Non seulement une telle conséquence est contraire à la volonté du législateur, mais l'opposabilité de nombreux règlements communaux appliqués depuis longtemps pourrait être contestée à l'avenir sur cette base, ce qui met à mal la sécurité juridique. Pour ces raisons, les questions préjudicielles appellent une réponse positive. Outre le fait qu'elles règlent des éléments essentiels dans les matières réservées que sont celles de la publication des normes et de l'impôt, les mesures en cause ont des conséquences disproportionnées pour les communes concernées.
Toutefois, les dispositions en cause sont également susceptibles d'une interprétation différente de celle de la Cour de cassation, qui est d'ailleurs celle du procureur général près cette juridiction, de même que celle du Conseil
d'État ainsi que d'une part importante de la doctrine. Interprétées en ce sens que le délai d'annotation est un délai d'ordre, les dispositions en cause sont compatibles avec la Constitution.
A.8. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale relève tout d'abord que les dispositions en cause habilitent l'exécutif à déterminer la forme de l'annotation. Selon la Cour de cassation, cette habilitation doit s'interpréter comme prescrivant l'annotation comme unique mode de preuve admissible de la publication par affichage. Or, une telle interprétation n'a pas toujours été admise puisqu'un arrêt de la même Cour de 2003 indiquait le contraire. Selon le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, tout ce qui relève de la publication des textes officiels, y compris communaux, doit être fixé par le législateur compétent. La publication est une condition essentielle de la force obligatoire des textes officiels. Si une délégation à l'exécutif est possible, elle ne peut porter sur des éléments essentiels. Or, en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'annotation est une condition de l'opposabilité du règlement en question, et donc de sa force obligatoire. L'annotation est, par conséquent, indissociable de la publication, de sorte que les dispositions en cause, dans cette nouvelle interprétation, doivent être considérées comme incompatibles avec la Constitution. Toutefois, une autre interprétation est possible, dans laquelle la constitutionnalité des dispositions en cause serait préservée. Il s'agit de celle qui prévalait en 2003, avant le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation.
A.9.1. Les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons rappellent en premier lieu que, durant des décennies, la doctrine et la jurisprudence majoritaires considéraient que la preuve de la publication par affichage pouvait être rapportée par toutes voies de droit, le registre ayant uniquement pour effet de conférer une valeur authentique aux constatations qui y sont faites. De même, le non-respect de l'obligation d'effectuer l'annotation le jour de l'affichage n'était pas considéré comme une irrégularité substantielle mais comme une irrégularité vénielle. Les trois communes relèvent que c'est donc de façon surprenante que la Cour de cassation s'est montrée de plus en plus rigoureuse quant à ces conditions, jusqu'à attacher récemment à l'irrégularité de l'annotation, y compris à la discordance entre les deux dates, l'inopposabilité pure et simple du règlement communal.
A.9.2. Les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons soutiennent ensuite que, dans l'interprétation récente de la Cour de cassation, les dispositions en cause ont délégué à l'exécutif la possibilité d'adopter des mesures prescrites à peine de nullité des règlements-taxes communaux. Ces exigences conditionnent donc la désignation même des redevables de la taxe. Or, c'est au législateur, et à lui seul, qu'il appartient de déterminer ces éléments essentiels tant de l'impôt que de la publication des règlements communaux. On ne peut raisonnablement soutenir que l'opposabilité d'une norme ne soit pas un élément essentiel. Une telle interprétation prive par conséquent les communes, en leur qualité d'auteur de règlements-taxes, ainsi que les redevables, de la garantie de l'intervention du législateur. La question préjudicielle appelle pour ces raisons une réponse négative. Toutefois, une autre interprétation est possible, dans laquelle la constitutionnalité serait préservée, à savoir en n'interprétant pas les dispositions en cause comme autorisant le Roi à prévoir une condition essentielle de l'impôt ou de la publication des règlements communaux. L'habilitation doit uniquement porter sur la forme du registre au sens strict.
A.10. La ville de Bastogne rappelle avant toute chose qu'il existe une différence majeure entre la force obligatoire et la force exécutoire d'un règlement communal. Elle soutient ensuite que l'impôt est une matière réservée, qui peut être déléguée tant que le législateur en fixe les éléments essentiels. Parmi ceux-ci, se trouve incontestablement la preuve de la publication d'un règlement-taxe communal puisqu'elle touche au caractère obligatoire de la norme fiscale ainsi qu'à la qualité du redevable. En l'espèce, les dispositions en cause habilitent l'exécutif à déterminer la forme que doit prendre l'annotation dans le registre. En ce sens, l'article 3 de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 exécute simplement l'habilitation. Il n'en va pas de même de l'article 2 du même arrêté, qui excède manifestement l'habilitation en instaurant des formalités substantielles pour la publication des normes communales. En principe, selon la jurisprudence de la Cour, seules les mesures qui n'ont aucune incidence sur la dette du contribuable peuvent être déléguées au Roi. Or, la ville de Bastogne constate que la date de l'annotation est interprétée comme un élément consubstantiel à l'opposabilité des règlements-taxes communaux. Cette date a dès lors une incidence sur la dette du contribuable. Un règlement communal a force obligatoire dès qu'il est publié conformément à la loi et il n'appartient pas au Roi de subordonner cette publication à l'accomplissement d'une
autre condition. La question préjudicielle appelle donc une réponse affirmative puisque les dispositions en cause privent les redevables de la garantie de l'intervention d'une assemblée législative délibérante.
A.11. Dans son mémoire en réponse, la SA « Orange » conteste la lecture que font la ville de Bastogne, le Gouvernement wallon et le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale de la notion d'élément essentiel empruntée à l'article 190 de la Constitution. Cette disposition réserve au législateur la compétence de déterminer la forme de la publication. Or, celle-ci est effectivement déterminée par les dispositions en cause puisqu'elles prévoient l'affichage. La preuve de la publication, quant à elle, n'est pas confiée au législateur par l'article 190 de la Constitution.
A.12.1. Dans son mémoire en réponse, la SA « JCDecaux » conteste l'argument selon lequel le législateur n'a jamais voulu instaurer l'annotation comme mode de preuve unique et que seule la Cour de cassation est responsable de cette interprétation. L'histoire démontre le contraire puisque, depuis le XIXe siècle, le législateur entendait confirmer l'arrêté royal du 12 novembre 1849 qui visait précisément à faire de l'annotation le mode exclusif de preuve. D'ailleurs, les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons semblent elles-mêmes s'en souvenir puisqu'elles affirment que la volonté du législateur était de moderniser le système « sans rien changer à la situation antérieure pour ce qui était de la tenue du registre ».
A.12.2. La SA « JCDecaux » insiste ensuite sur le fait que l'article 190 de la Constitution ne fait pas partie des matières réservées à la loi. Quand bien même ce serait le cas, la preuve de la publication ne l'est pas. En tout état de cause, l'habilitation prévue par les dispositions en cause est suffisamment précise puisqu'elle ne vise que la détermination de la forme du registre. Au surplus, la SA « JCDecaux » met en lumière le fait que, depuis le transfert de la compétence relative à la publication des normes locales aux régions, aucune d'entre elles, en particulier la Région de Bruxelles-Capitale, n'a jamais remis en cause le régime d'annotation initialement prévu. Il serait malvenu que leurs Gouvernements tentent maintenant de soutenir le contraire.
A.13. Dans son mémoire en réponse, la SA « Proximus » estime que les règles de l'affichage sont toutes entières fixées par les dispositions en cause et que l'arrêté royal du 14 octobre 1991 n'y change rien. L'annotation est uniquement un mode de preuve qui se distingue des formalités de la publicité. De plus, la question de la légalité en matière fiscale est totalement étrangère aux dispositions législatives en cause.
A.14.1. Dans son mémoire en réponse, la SA « Telenet » affirme que l'habilitation inscrite dans les dispositions en cause ne porte pas sur la publication, ni même sur la preuve de la publication, mais uniquement sur les formalités relatives au registre. Or, la forme du registre n'est pas un élément qui permet de déterminer le caractère imposable ou non d'une situation donnée. Elle n'a pas non plus d'influence sur la taxation. En résumé, il s'agit exclusivement de mesures procédurales qui assurent la volonté du législateur de prévoir la démonstration fiable et inaltérable de la réalité de la publication. Ces mesures existent dans l'intérêt des citoyens et sont donc, par ce fait, substantielles, ce qui ne doit pas être confondu avec la notion d'éléments essentiels de la publication des normes communales, lesquels sont fixés par les dispositions en cause.
A.14.2. La SA « Telenet » remarque ensuite que plusieurs parties intervenantes, dont la ville de Bastogne, confondent la délégation à l'exécutif avec la manière dont ce dernier en fait usage. Or, la Cour est incompétente pour connaître de la seconde, dont le contrôle revient au Conseil d'État ou aux juridictions de l'ordre judiciaire. D'ailleurs, le simple fait que ces parties réclament une interprétation conciliante prouve que le véritable objet de la question préjudicielle est bien l'arrêté royal du 14 octobre 1991. Cette interprétation conciliante est impossible en l'espèce puisqu'elle obligerait la Cour à excéder la portée de sa saisine.
A.15. Dans son mémoire en réponse, la ville de Bastogne souligne que la seule interprétation possible de la jurisprudence de la Cour de cassation est que l'exécutif a été habilité à prévoir des règles prescrites à peine de nullité de la publication elle-même ou à peine de nullité ou d'inopposabilité du règlement. Toute autre lecture serait artificielle.
A.16. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement wallon insiste sur le fait que le délai d'un jour a toujours été considéré comme un délai d'ordre jusqu'aux arrêts récents de la Cour de cassation. L'habilitation n'a donc jamais été pensée pour permettre à l'exécutif de fixer un délai préfix. Le Gouvernement wallon n'aurait
d'ailleurs pas manqué de modifier l'arrêté royal du 14 octobre 1991 si telle avait été la jurisprudence de la Cour de cassation auparavant.
A.17.1. Dans leurs mémoires en réponse, les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons contestent l'argumentaire de la SA « Orange » et de la SA « Telenet » relatif à la publication et à la preuve de la publication des normes communales. En effet, le registre de la commune est étranger à la publication puisqu'il n'est pas consulté par les citoyens. Or, la consultation est le but premier de la publicité des normes. En pratique, les annotations ne sont pas effectuées quotidiennement mais au gré de l'adoption des textes, notamment en fin d'année pour les règlements-taxes. Les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons n'aperçoivent dès lors pas en quoi l'annotation garantit la sécurité juridique puisqu'elle n'apporte pas la preuve de la régularité de la publication mais uniquement celle de son fait et de sa date. Elles n'aperçoivent pas plus en quoi consiste le risque de dérive en cas d'absence d'annotation le premier jour. Cela reviendrait à prétendre que le non-respect de la lettre de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 serait constitutif d'un faux. Par ailleurs, les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons estiment que l'opposition entre publicité et preuve de la publicité est artificielle puisqu'une règle communale privée de toute opposabilité se voit ipso facto privée de tout effet et donc de toute force obligatoire, laquelle est pourtant, de l'aveu même des parties intervenantes, liée à la publication des normes.
A.17.2. Les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons font valoir que, dans la pratique, et certainement depuis la jurisprudence récente de la Cour de cassation, la conclusion qui s'impose est que l'annotation conditionne tout. Sans elle, en effet, la publication reste lettre morte. Il est difficile, dans ces conditions, de soutenir qu'il ne s'agit pas d'un élément essentiel de la publication des normes. Enfin, le but d'assurer la sécurité juridique pourrait être parfaitement atteint par un système qui ne désignerait pas l'annotation dans des formes strictes comme l'unique mode de preuve de la réalisation de la seule formalité qui compte, à savoir la publication par l'affichage. Il est tout à fait envisageable de prévoir qu'une mention dans le registre constitue le mode de preuve privilégié tout en permettant aussi la preuve par toutes voies de droit.
A.17.3. En réponse à la SA « JCDecaux », les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons précisent que les questions préjudicielles ne portent que sur les dispositions en cause, qui sont de nature législative, dans une certaine interprétation, ce qui est tout à fait conforme à la jurisprudence de la Cour quant à sa compétence.
Quant à la deuxième question préjudicielle
A.18. La SA « JCDecaux » rappelle que cette question préjudicielle, de même que la troisième question préjudicielle, repose sur le postulat que seul le législateur serait autorisé à prévoir le mode de publication des lois puisqu'il s'agit d'une matière réservée. Or, comme la SA « JCDecaux » l'a développé en réponse à la première question préjudicielle, ce postulat est erroné. Les deuxième et troisième questions préjudicielles appellent donc une réponse négative. Quand bien même, la matière serait réservée, il ne serait pas forcément interdit au Roi d'intervenir, comme la SA « JCDecaux » l'a déjà soutenu.
En ce qui concerne l'éventuelle discrimination mise en exergue dans les deuxième et troisième questions préjudicielles, la SA « JCDecaux » estime que le critère de différenciation entre les communes et les autres collectivités est objectif puisqu'il tient au nombre de personnes visées par leurs normes, beaucoup plus restreint pour les communes. L'affichage et l'annotation sont donc justifiés par rapport au but d'instaurer un mode de preuve incontestable pour mettre fin à l'insécurité juridique. Enfin, rien ne permet de conclure qu'une telle mesure serait disproportionnée.
A.19. La SA « Telenet » soutient que la question préjudicielle ne peut porter sur le caractère adéquat de l'arrêté royal du 14 octobre 1991. En outre, la faculté de reformulation de la Cour ne saurait aboutir à modifier le contenu de la question préjudicielle. La SA « Telenet » estime que les deux situations comparées dans la question préjudicielle ne découlent pas des dispositions en cause. Partant, la question préjudicielle repose sur une prémisse manifestement erronée et doit être déclarée irrecevable ou, à défaut, appeler une réponse identique à celle de la première question préjudicielle.
A.20. La SA « Orange » soutient que les dispositions en cause n'opèrent aucune différence de traitement entre les communes. Tout au plus, la différence de traitement présentée ne résulte pas du texte de ces dispositions
mais bien du respect ou non par les communes concernées de l'arrêté royal du 14 octobre 1991. La question doit dès lors être déclarée irrecevable. Au surplus, la SA « Orange » relève que la jurisprudence récente de la Cour de cassation conduit à une plus grande sécurité juridique.
A.21. La SA « Proximus » estime que la question préjudicielle, telle qu'elle est posée, ne permet pas d'identifier une différence de traitement entre deux catégories distinctes de personnes et doit donc être déclarée irrecevable.
A.22. Le Gouvernement wallon renvoie à son argumentaire relatif à la première question préjudicielle.
A.23. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que la différence de traitement est fondée sur un critère objectif, à savoir le respect de toutes les dispositions de l'arrêté royal du 14 octobre 1991. Cependant, la conséquence, à savoir l'inopposabilité du règlement, est disproportionnée pour la commune qui n'aurait pas observé strictement toutes les dispositions puisque la preuve par toutes voies de droit n'est pas admise. Cette différence de traitement est dès lors manifestement injustifiée. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles- Capitale rappelle néanmoins que, comme pour la première question préjudicielle, une interprétation compatible avec la Constitution existe.
A.24. Les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons estiment que la Cour de cassation n'a jamais explicité les motifs pour lesquels le seul mode de preuve de la publication par affichage serait l'annotation. Elles rappellent que les arrêts en question ont été rendus sur conclusions contraires du procureur général et que rien dans les travaux préparatoires des dispositions en cause ne permet de tirer une telle conclusion. Selon la jurisprudence antérieure à 2015, l'annotation n'avait d'autre but que de permettre à la commune d'apporter la preuve irréfutable de la publication. Or, d'autres modes de preuves peuvent être envisagés, comme l'affiche signée par le bourgmestre et contresignée par le directeur général, la liste manuscrite du service communal d'affichage, le certificat d'affichage ou encore la preuve par la mise en ligne. Compte tenu de cela, la sanction de l'inopposabilité attachée au simple non-respect strict des dispositions de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 est manifestement disproportionnée et a un effet non négligeable sur les finances des communes concernées. Au surplus, les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons épinglent le paradoxe de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la discordance entre les dates de publication et d'annotation. En effet, il a toujours été recommandé aux communes de maintenir l'affichage durant au moins cinq jours, pour la bonne information des habitants. Or, le respect strict du délai d'un jour est contradictoire avec cette bonne pratique.
A.25. La ville de Bastogne estime que les communes comparées se trouvent dans des situations suffisamment comparables quant à l'opposabilité de leurs règlements-taxes. Le but poursuivi par l'annotation est de permettre à la commune d'apporter la preuve irréfutable de la publication. Or, la jurisprudence de la Cour de cassation n'est pas conforme à ce but. D'autres modes de preuve existent en cas d'irrégularités mineures, ce qui était d'ailleurs reconnu par la Cour de cassation avant 2015. La ville de Bastogne soutient que les effets du non- respect de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 sont manifestement disproportionnés puisqu'il entraîne la nullité de la taxe. L'on se demande quel peut bien être en réalité le véritable grief ou préjudice du redevable, alors qu'il n'y a aucun doute sur la publication du règlement-taxe. En outre, l'annotation dans le jour qui suit l'affichage n'est pas pertinente puisqu'elle ne prouve pas que le règlement aura bel et bien été affiché au minimum un jour, de sorte qu'elle n'est même pas de nature à certifier une date certaine. Enfin, la ville de Bastogne souligne les difficultés pratiques liées à l'obligation de procéder à l'annotation au premier jour, puisque cela suppose la présence en permanence du bourgmestre et du directeur général. Pour toutes ces raisons, la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.
A.26. Dans son mémoire en réponse, la SA « Orange » maintient que la question préjudicielle est irrecevable puisque les dispositions en cause n'opèrent aucune différence de traitement en tant que telle. Au surplus, et en réponse à l'argument de la ville de Bastogne, la SA « Orange » signale que l'annotation dans le registre n'implique pas forcément la présence permanente du bourgmestre et du directeur général puisque tant l'un que l'autre peuvent organiser une délégation de signature en application de la législation ad hoc.
A.27. Dans son mémoire en réponse, la SA « JCDecaux » fait valoir qu'au vu de la simplicité de la formule consacrée par l'article 3 de l'arrêté royal du 14 octobre 1991, la formalité de l'annotation ne peut pas être considérée comme excessive ou insurmontable pour les communes. Elle est de plus, contrairement à ce qui a pu
être soutenu, la seule preuve réellement efficace. En effet, la seule production de l'affiche ne saurait suffire puisqu'elle n'atteste pas qu'elle a été placardée. La liste manuscrite du service d'affichage, quant à elle, n'est pas à l'abri d'une rectification a posteriori. Il en va de même du certificat d'affichage. Enfin, la mise en ligne est également insuffisante car c'est l'affichage qu'il s'agit de prouver. Au surplus, le conseil de certains auteurs de doctrine de maintenir l'affichage durant cinq jours n'est pas pertinent dans ce cas, puisque, d'une part, il ne découle pas de la loi et que, d'autre part, rien n'empêche les communes de procéder à une annotation journalière du registre.
A.28. Dans son mémoire en réponse, la SA « Telenet » estime que la Cour ne peut apprécier ce qui est opportun ou souhaitable. La question n'est pas de savoir quelle est la meilleure façon possible de prouver le fait et la date de l'affichage mais de savoir si le système actuel est indispensable ou non à l'intégrité du registre et à la preuve de la publication. Par ailleurs, la SA « Telenet » s'étonne des arguments liés aux difficultés pratiques de l'annotation. Premièrement, la double signature n'est pas compliquée à obtenir. Deuxièmement, les règlements- taxes ne sont en principe et habituellement adoptés qu'une fois tous les ans. Troisièmement, la marche à suivre pour l'annotation est claire et sans ambiguïté. En réalité, selon la SA « Telenet », les communes qui n'ont pas respecté l'arrêté du 14 octobre 1991 ne présentent jamais de raison valable à leur manque de diligence. En tout état de cause, il reste possible de procéder à un second affichage suivi d'une annotation au premier jour afin de régler la situation. Force est donc de constater que, dans l'immense majorité des cas, le système ne pose pas de problème, hormis à quelques communes mal organisées. La SA « Telenet » note enfin qu'en Flandre, le contentieux est inexistant alors que le système d'annotation est sensiblement similaire.
Selon la SA « Telenet », ce que veulent vraiment les communes, c'est pouvoir prouver l'affichage de leurs règlements-taxes par des preuves auto-établies. Une telle position vide non seulement de sens les dispositions en cause, mais elle contourne manifestement la volonté du législateur. Une réponse affirmative aux questions préjudicielles aurait pour conséquence non négligeable de priver les citoyens d'une protection contre l'arbitraire des pouvoirs locaux.
A.29. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement wallon reconnaît que les dispositions en cause ne créent pas elles-mêmes deux catégories distinctes de communes. Cependant, l'interprétation de la Cour de cassation aboutit effectivement à traiter différemment les catégories visées.
Quant à la troisième question préjudicielle
A.30. La SA « JCDecaux » renvoie à son argumentaire relatif à la deuxième question préjudicielle.
A.31. La SA « Telenet » estime tout d'abord que la question préjudicielle ne met pas en cause le mode de publication en tant que tel, à savoir l'affichage, mais le fait que ce mode de publication requiert une étape supplémentaire, l'annotation. Elle remarque également au préalable que la Cour n'est pas tenue par les mots « condition substantielle de la procédure de publication » figurant dans la question préjudicielle.
La SA « Telenet » soutient que la différence de traitement soulevée est suffisamment justifiée. Le critère de distinction est tout d'abord objectif, ce qui a d'ailleurs déjà été reconnu par la Cour. La mesure est ensuite pertinente. En effet, l'affichage s'explique par la circonstance que le législateur a considéré qu'il n'était pas nécessaire de porter intégralement et directement à la connaissance du public le contenu des règles communales. L'annotation n'est que le mode de preuve de cet affichage, indispensable puisque l'affichage est par nature temporaire et éphémère. Par ailleurs, la différence de traitement est proportionnée puisque l'affichage évite le formalisme trop contraignant que constitue la publication dans un journal officiel tout en offrant aux citoyens une garantie efficace d'information. L'annotation peut être facilement effectuée par les autorités communales et qu'aucune insécurité juridique ou lourdeur disproportionnée n'en découlerait. Le fait que le non-respect de certaines formalités mène à l'inopposabilité du règlement n'y change rien. Enfin, il n'est pas déraisonnable qu'un mode de preuve renforcé et dérogatoire au droit commun doive respecter les solennités requises.
A.32. La SA « Orange » conteste tout d'abord les termes « condition substantielle » figurant dans la question préjudicielle. Elle renvoie pour le surplus à son argumentaire relatif aux première et deuxième questions préjudicielles.
A.33. La SA « Proximus » souligne que la Cour a déjà répondu à une question préjudicielle similaire par son arrêt n° 67/2001 du 17 mai 2001. En tout état de cause, la Cour a aussi reconnu que la différence entre les autorités était fondée sur un critère objectif. En l'espèce, l'affichage, pour les communes, implique nécessairement un mode de preuve particulier, assuré parfaitement par l'annotation.
A.34. Le Gouvernement wallon renvoie à son argumentaire relatif à la première question préjudicielle.
A.35. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale reconnaît que les autorités communales ne sauraient être tenues d'assurer à leurs règlements et ordonnances une publicité équivalente à celle qui est prévue pour les dispositions intéressant l'ensemble des habitants et qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour, le législateur peut ainsi distinguer les provinces et les communes. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il peut traiter les communes de façon manifestement plus sévère. Ainsi, la différence de traitement par rapport aux autres autorités entraîne des conséquences disproportionnées pour les communes puisqu'elles sont soumises à l'inopposabilité abrupte de leurs règlements pour le moindre écart aux règles prescrites par l'arrêté royal du 14 octobre 1991. À nouveau, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale souligne néanmoins qu'il existe une interprétation des dispositions en cause compatible avec la Constitution.
A.36.1. Les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons estiment qu'il existe une différence de traitement entre les communes et les autres autorités visées à l'article 190 de la Constitution. En effet, pour les secondes, l'acquisition de la force obligatoire des normes dépend de la seule réalisation de la formalité de publication, alors que les communes sont, elles, soumises à une modalité supplémentaire, à savoir l'annotation dans le registre. Or, les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons rappellent qu'il existe une différence significative entre les notions de force exécutoire et de force obligatoire. La première est acquise dès la signature du Roi, du ministre, du bourgmestre ou dès le vote du conseil communal, tandis que la force obligatoire résulte de la seule publication de la norme.
A.36.2. La différence de traitement existe entre des catégories suffisamment comparables au regard des normes que ces autorités adoptent. Elle ne repose pas sur un critère objectif. La situation est différente sur ce point de celle qui présidait à l'arrêt de la Cour n° 146/2020 du 12 novembre 2020, puisque, si les modes de publication peuvent être organisés différemment compte tenu du public visé, il n'en est pas de même pour l'acquisition de la force obligatoire. Si elles reconnaissent que l'objectif légitime de cette différence de traitement est de rendre incontestable la publicité des normes, les communes de Schaerbeek, de Charleroi et de Mons affirment néanmoins que la formalité de l'annotation comme seul mode de preuve est disproportionnée, d'autant plus qu'elle ne résulte que de la jurisprudence. Les communes sont donc clairement désavantagées. Ce but légitime pourrait en effet très bien être atteint par d'autres voies de droit.
A.37. Pour la ville de Bastogne, les catégories visées sont comparables puisque chacune des autorités adopte des normes de portée générale. La différence de traitement concerne l'acquisition de la force obligatoire de ces normes, qui varie selon l'autorité qui les adopte. Pour les communes, une condition supplémentaire leur est imposée, à savoir le respect de l'arrêté royal du 14 octobre 1991. Aucune justification n'existe pour une telle différence de traitement. La ville de Bastogne renvoie à cet égard à son argumentaire relatif à la deuxième question préjudicielle.
A.38. Dans son mémoire en réponse, la SA « JCDecaux » estime que l'arrêt de la Cour n° 146/2020, précité, est parfaitement transposable au cas d'espèce. La seule éventualité que des conséquences importantes frappent les communes en cas de non-respect des formalités ne saurait, à elle seule, rendre les mesures disproportionnées. Lorsqu'un acte est lourd de conséquences, il devrait être effectué avec d'autant plus de soin.
A.39. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement wallon rappelle que ce n'est pas la différence entre les autorités quant aux modalités de publication qui est critiquée mais le fait que l'on impose aux communes une restriction drastique des possibilités de prouver que la publication par affichage a eu lieu dans les formes requises, alors que les autres autorités ne subissent pas une telle restriction. La Cour constitutionnelle a justement jugé que les règles en la matière pouvaient être plus souples pour les communes. Or, l'interprétation de la Cour de cassation
alourdit considérablement les obligations qui pèsent sur ces communes, ce qui est par ailleurs contraire à la simplification administrative voulue de longue date pour ce niveau de pouvoir.
Quant à la quatrième question préjudicielle
A.40. La SA « Telenet » renvoie à son argumentaire relatif à la troisième question préjudicielle.
A.41. À titre liminaire, la SA « Orange » conteste la qualification de « condition substantielle » de la procédure de publication figurant dans la question préjudicielle puisque cette condition, à savoir l'annotation, ne concerne en réalité que la preuve de la publication, et non la publication elle-même. La SA « Orange » soutient ensuite que la différence de traitement peut obéir à un critère objectif, à savoir celui de couvrir des réalités différentes, notamment territoriales. La formalité de l'annotation, applicable uniquement aux communes, apporte une grande sécurité juridique tant aux citoyens qu'aux communes. Elle rend incontestable la publicité des règlements et garantit leur caractère inaltérable. Force est donc de constater que la différence de traitement est suffisamment proportionnée au but visé.
A.42. La SA « Proximus » estime tout d'abord qu'aucun débat n'est plus permis sur le critère objectif puisqu'il a été reconnu par la Cour par l'arrêt n° 146/2020. La SA « Proximus » soutient ensuite que la combinaison entre l'affichage et l'annotation dans le registre communal est pertinente par rapport au but légitime d'offrir aux citoyens et contribuables des garanties strictes. Elle est également pertinente quant au souci de ménager une preuve pérenne du fait et de la date de l'affichage. Enfin, elle est proportionnée puisqu'elle n'impose manifestement pas d'efforts déraisonnables aux communes. Au surplus, la question de la discordance entre les dates d'affichage et d'annotation ne peut pas être examinée par la Cour puisqu'elle est exclusivement liée à l'arrêté royal du 14 octobre 1991.
A.43. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale souligne que la Cour a admis qu'il existe des modes de publication différents entre les communes et les provinces. Cela n'implique toutefois pas qu'il soit justifié qu'un caractère substantiel soit conféré au moment de l'annotation. Une telle condition supplémentaire est manifestement disproportionnée.
A.44. Si la ville de Bastogne reconnaît que la Cour a accepté qu'il peut exister des modes de publication différents entre les provinces et les communes dans un arrêt de 2020, la question est tout autre en l'espèce. En effet, le moyen employé, à savoir l'annotation dans des modalités strictes comme condition de preuve de la publication, n'est ni adéquat ni nécessaire à l'objectif poursuivi.
A.45. Dans son mémoire en réponse, la SA « Orange » estime qu'il serait déraisonnable d'imposer la publication dans un journal ou bulletin officiel pour des règles dont l'intérêt général est limité.
A.46. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement wallon estime que c'est l'habilitation à fixer un délai préfix d'un jour pour l'annotation qui est critiquée. Or, le législateur n'a pas habilité l'exécutif à fixer un tel délai pour procéder à la publication dans le Bulletin provincial pour ce niveau de pouvoir sous peine d'inopposabilité. La différence de traitement est par conséquent patente et injustifiée.
A.47. Dans son mémoire en réponse, la ville de Bastogne affirme que ce qui est en jeu n'est pas l'affichage ni l'annotation mais l'habilitation conférée à l'exécutif. La méconnaissance d'un délai fixé par le pouvoir exécutif entraîne manifestement des effets disproportionnés. Il est indispensable de retenir une interprétation conciliante qui transforme le délai d'un jour en un délai d'ordre.
Quant au maintien des effets
A.48. La SA « Orange » demande à titre subsidiaire à la Cour de maintenir les effets des dispositions en cause si elles devaient être considérées comme inconstitutionnelles, dans un souci de sécurité juridique. Il est indiqué, dans ce cas, de donner un délai de trois ans aux législateurs concernés, à dater de la publication de l'arrêt
de la Cour au Moniteur belge, afin d'adopter un nouveau système de publication des normes communales. La SA « Proximus » rejoint la SA « Orange » quant à cette demande. La SA « Telenet » effectue la même demande qu'elle motive par le fait qu'une réponse affirmative aux questions préjudicielles aurait pour conséquence non négligeable de priver les citoyens d'une protection contre l'arbitraire des pouvoirs locaux.
A.49. La ville de Bastogne soutient que le maintien des effets serait en réalité contraire au principe de la sécurité juridique puisque, durant des décennies, la jurisprudence a interprété le délai d'un jour comme un délai d'ordre. Le maintien des effets aurait par ailleurs pour conséquence de légitimer le non-paiement des taxes dues. Enfin, un nouveau régime de preuve ne serait pas nécessaire en cas de réponses affirmatives puisque le cadre légal est suffisamment précis.
A.50. Selon le Gouvernement wallon, ce sont des sociétés qui entendent échapper à l'impôt qui demandent le maintien des effets des dispositions en cause. Ce maintien est contraire à l'intérêt général. Il ne sert nullement la sécurité juridique puisque c'est la Cour de cassation qui a créé l'insécurité juridique en la matière. Au surplus, aucune modification législative n'est requise si la Cour choisit la solution de l'interprétation conforme, de sorte que le maintien des effets n'a aucun sens.
B Point de vue de la cour
Quant aux dispositions en cause et à leur contexte
B.1. Les questions préjudicielles portent sur la matière de la publication officielle des règlements et ordonnances communaux, en particulier des règlements-taxes. Cette matière a été transférée aux régions par la loi spéciale du 13 juillet 2001 « portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés ». Les affaires jointes concernent les législations applicables à la Région de Bruxelles-Capitale ainsi qu'à la Région wallonne. Vu la similarité des dispositions en cause, la Cour examine les questions préjudicielles conjointement.
B.2.1. Les articles 112 et 114 de la Nouvelle loi communale, tels qu'ils sont applicables en Région de Bruxelles-Capitale, disposent :
« Art. 112. Les règlements et ordonnances du conseil communal, du collège des bourgmestre et échevins et du bourgmestre sont publiés par ce dernier par voie d'affichage et par leur mise en ligne sur le site internet de la commune.
Les affiches et le site internet de la commune visés au premier alinéa indiquent l'objet du règlement ou de l'ordonnance, la date de la décision par laquelle le règlement ou l'ordonnance a été adopté, la décision de l'autorité de tutelle et le ou les lieux où le texte du règlement ou de
l'ordonnance peut être consulté par le public. Sur le site internet, l'intégralité du règlement ou de l'ordonnance sera publiée.
Le bourgmestre peut également publier les actes visés au premier alinéa par voie de presse.
La publication d'un règlement ou d'une ordonnance sur le site internet de la commune et, le cas échéant, par voie de presse, indique la date de sa publication par voie d'affichage.
Dès leur approbation par le conseil communal, les documents suivants sont publiés sur le site internet de la commune : les plans communaux de développement et les plans communaux d'affectation du sol, le budget annuel, le plan triennal et les comptes.
Si le conseil communal décide de diffuser en version papier ou en version électronique un bulletin d'information communal dans lequel les membres du collège ont la possibilité de faire des communications relatives à l'exercice de leur fonction, un espace est réservé dans chaque parution de ce bulletin afin de permettre aux listes ou formations politiques démocratiques représentées au conseil communal mais n'appartenant pas à la majorité communale, de s'exprimer. Les modalités d'application de cette disposition doivent être définies dans le règlement d'ordre intérieur du conseil communal ou dans un règlement communal spécifique. Une commission composée d'un représentant de chaque groupe politique démocratique représenté au conseil communal sera chargée de remettre annuellement au conseil communal un rapport relatif au respect de cette disposition ».
« Art. 114. Les règlements et ordonnances visés à l'article 112 deviennent obligatoires le cinquième jour qui suit le jour de leur publication par la voie de l'affichage, sauf s'ils en disposent autrement.
Le fait et la date de la publication de ces règlements et ordonnances par la voie de l'affichage sont constatés par une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet, dans la forme qui sera déterminée par arrêté du Gouvernement.
La publication de ces règlements et ordonnances par leur mise en ligne sur le site internet de la commune et, le cas échéant, par voie de presse, n'a pas d'influence sur leur entrée en vigueur ».
B.2.2. Les articles L1133-1 et L1133-2 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation disposent :
« Art. L1133-1. Les règlements et ordonnances du conseil communal, du collège communal et du bourgmestre sont publiés par ce dernier par la voie d'une affiche indiquant l'objet du règlement ou de l'ordonnance, la date de la décision par laquelle il a été adopté, et, le cas échéant, la décision de l'autorité de tutelle.
L'affiche mentionne également le ou les lieux où le texte du règlement ou de l'ordonnance peut être consulté par le public.
Art. L1133-2. Les règlements et ordonnances visés à l'article L1133-1 deviennent obligatoires le cinquième jour qui suit le jour de leur publication par la voie de l'affichage, sauf s'ils en disposent autrement.
Le fait et la date de la publication de ces règlements et ordonnances sont constatés par une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet, dans la forme qui sera déterminée par arrêté du Gouvernement ».
B.3.1. L'article 190 de la Constitution dispose :
« Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d'administration générale, provinciale ou communale, n'est obligatoire qu'après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi ».
B.3.2. La publication des règlements et ordonnances des communes par la voie d'un affichage entend donner exécution au droit, pour le justiciable, garanti par l'article 190 de la Constitution, de pouvoir prendre connaissance en tout temps de ces textes officiels avant que ceux-ci lui soient opposables. En outre, ce droit est inhérent à l'état de droit puisque c'est cette connaissance qui permet à chacun de s'y conformer. Afin de garantir ce droit, il convient que le législateur compétent veille à ce que le mode d'accès à cette information soit adapté à l'évolution de la société et de la technologie.
L'annotation datée et signée de la publication dans un registre vise à fixer avec certitude la publication du règlement.
B.3.3. Les juridictions a quo n'interrogent toutefois pas la Cour sur la constitutionnalité de la technique d'affichage en soi. Les questions préjudicielles ne portent que sur la constitutionnalité de la portée de l'habilitation que les dispositions en cause confèrent au pouvoir exécutif de déterminer la forme de l'annotation de la publication par voie d'affichage des règlements et ordonnances communaux dans un registre spécialement tenu à cet effet.
B.4. Les Gouvernements de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région wallonne n'ont pas pris de mesure d'exécution à la suite de la régionalisation de la compétence mentionnée en B.1. Par conséquent, c'est l'arrêté royal du 14 octobre 1991 « relatif aux annotations dans le registre de publication des règlements et ordonnances des autorités
communales » (ci-après : l'arrêté royal du 14 octobre 1991) qui est applicable. Ce dernier dispose :
« Article 1er. Le fait et la date de la publication des règlements et ordonnances visés à l'article 112 de la nouvelle loi communale sont constatés par une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet par le secrétaire communal.
Art. 2. L'annotation dans le registre est faite le premier jour de la publication du règlement ou de l'ordonnance.
Les annotations sont numérotées d'après l'ordre des publications successives.
Art. 3. L'annotation, datée et signée par le bourgmestre et par le secrétaire communal, est établie dans la forme suivante :
‘ N° ... Le bourgmestre de la commune (ou de la ville) de ..., province de ..., certifie que le règlement (ou l'ordonnance) du conseil communal (ou du collège des bourgmestre et échevins) (ou du bourgmestre), daté(e) du ... et ayant pour objet ..., a été publié(e), conformément à l'article 112 de la nouvelle loi communale, le ...
A ..., le ... (date)
Le Secrétaire, Le Bourgmestre, '
[…] ».
Quant à la première question préjudicielle
En ce qui concerne la recevabilité de la question
B.5. Les SA « JC Decaux » et « Orange » font valoir que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse, en ce que l'inopposabilité d'un règlement-taxe dont il est question ne découle pas des dispositions en cause. Celle-ci résulterait uniquement de l'arrêté royal du 14 octobre 1991, qui est applicable dans les affaires pendantes devant les juridictions a quo.
B.6. La Cour n'est pas compétente pour répondre à une question préjudicielle relative à une disposition d'un arrêté royal, qui, à défaut d'être confirmée par une loi, n'est pas une norme législative. Elle ne peut pas non plus se prononcer sur les divergences d'interprétation d'un
arrêté royal qui résultent des applications jurisprudentielles de ce dernier. Enfin, la Cour n'est pas compétente pour connaître des modalités d'exécution d'une norme législative.
B.7. En vertu de l'article 114 de la Nouvelle loi communale, en Région de Bruxelles- Capitale, et de l'article L1133-2 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation, en Région wallonne, le pouvoir exécutif peut déterminer la forme de l'annotation dans le registre dans lequel le fait et la date de la publication des règlements et ordonnances communaux sont constatés. Ces dispositions confèrent donc une habilitation aux Gouvernements wallon et bruxellois, en prévoyant toutefois déjà l'existence du registre et que le fait et la date de la publication des règlements et ordonnances communaux doivent être constatés par une annotation.
B.8. Il résulte des décisions de renvoi que, sur ce point, la Cour est interrogée sur la compatibilité des dispositions précitées en ce qu'elles habilitent le pouvoir exécutif à prévoir des règles de forme d'annotation dans le registre qui sont prescrites à peine d'inopposabilité des règlements et ordonnances communaux. Dans cette interprétation, le grief décrit dans la question préjudicielle découle des dispositions en cause.
B.9. L'exception est rejetée. La Cour examine les dispositions en cause uniquement en ce qu'elles confèrent une habilitation législative au pouvoir exécutif et n'a pas égard au contenu de l'arrêté royal du 14 octobre 1991.
En ce qui concerne l'interprétation des dispositions en cause
B.10. La Cour est interrogée sur la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10, 11, 33, 170, 172 et 191 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 105, 108, 159, 162 et 190 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle, d'une part, elles déterminent l'annotation dans un registre spécial comme seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement communal et, d'autre part, elles autorisent le pouvoir exécutif à prévoir que l'annotation soit faite le premier jour de l'affichage, à créer une condition de forme
à peine de nullité de la publication ou du règlement communal et à créer une condition de forme à peine d'inopposabilité du règlement communal.
B.11. Il appartient en règle au juge a quo d'interpréter les dispositions qu'il applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de la disposition en cause.
B.12.1. En ce qui concerne la détermination de l'annotation dans le registre spécial comme mode de preuve exclusif de la publication d'un règlement communal, la Cour de cassation a jugé que « le seul mode de preuve admissible de la publication d'une ordonnance ou d'un règlement communal est l'annotation dans le registre spécial » (Cass., 21 mai 2015, F.14.0098.F et 21 mai 2015, F.13.0158.F). Dès lors, il n'est donc pas manifestement erroné d'interpréter les dispositions en cause en ce sens.
B.12.2. En ce qui concerne le fait de prévoir que l'annotation doit être faite le premier jour de l'affichage, il n'est pas manifestement erroné de considérer que l'habilitation législative en cause puisse être interprétée comme l'incluant.
B.12.3. Quant à la création d'une condition de forme à peine de nullité de la publication ou du règlement communal, la Cour de cassation a jugé :
« Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que le caractère obligatoire des actes visés par l'article 112 de la nouvelle loi communale et par l'article L1133-1 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation résulte uniquement de la publication de ces règlements et ordonnances par la voie de l'affichage et que, en revanche, l'annotation de ces actes dans le registre prévu à l'article 1er de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 portant exécution de l'article 114, alinéa 2, de la nouvelle loi communale du 24 juin 1988 ne concerne que la preuve de la publication, cette annotation et l'inscription de ces actes dans le registre […] ne constituant pas une condition du caractère obligatoire de ces actes » (Cass., 21 mai 2015, F.13.0158.F).
Il ressort de la jurisprudence précitée que, d'une part, le caractère obligatoire des ordonnances et règlements communaux est tout entier réglé par les dispositions en cause en dehors de l'habilitation à l'exécutif et, d'autre part, que le régime probatoire de la publication
des règlements et ordonnances communaux n'a aucune incidence sur leur validité. Il est dès lors manifestement erroné d'interpréter les dispositions en cause, lorsqu'elles sont relatives à l'annotation, comme visant la nullité de la publication ou la nullité du règlement.
B.12.4. Enfin, en ce qui concerne la création d'une condition de forme à peine d'inopposabilité du règlement communal, les dispositions en cause peuvent raisonnablement être interprétées comme en comprenant la possibilité.
B.13. Par conséquent, la Cour n'examine la question préjudicielle que dans la mesure où elle repose sur une interprétation qui n'est pas manifestement erronée.
En ce qui concerne la réponse à la première question préjudicielle
B.14. La Cour examine d'abord la question de l'annotation dans le registre spécial comme seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement communal, puis la question de l'habilitation au pouvoir exécutif.
Annotation dans le registre spécial comme seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement communal
B.15. Interprétées comme faisant de l'annotation dans le registre le seul mode de preuve de la publication d'un règlement communal, les dispositions en cause n'ont pas pour objectif l'organisation et le mode de fonctionnement de l'administration mais la protection de l'administré, et du redevable dans le cadre d'un règlement-taxe. Ceci est de nature à renforcer l'objectif général visé par l'article 190 de la Constitution.
B.16. Compte tenu de la nature particulière de l'affichage, dont la constatation est concrètement moins aisée que celle de la publication dans un journal officiel et pour lequel les risques d'altération sont plus importants, le législateur a pu estimer qu'il était pertinent
d'organiser un régime probatoire unique et exclusif, qui ne souffre d'aucune ambiguïté, à savoir la production d'une annotation dans un registre spécifique.
B.17. En outre, la Cour n'aperçoit aucune difficulté d'ordre pratique qui rendrait ce régime de preuve disproportionné à l'objectif poursuivi. Il en est d'autant plus ainsi que la preuve de la publication d'une norme ne se confond pas avec la validité de celle-ci.
B.18. Enfin, contrairement à ce que soutiennent certaines des parties, la simple circonstance que certaines juridictions ont pu considérer que d'autres moyens de preuve n'étaient en réalité pas exclus par les dispositions en cause n'entraîne pas ipso facto l'inconstitutionnalité de celles-ci. En effet, la Cour les examine dans l'interprétation des juridictions a quo mentionnée en B.10.
B.19. En ce qu'elles font de l'annotation dans le registre le seul mode de preuve de la publication d'un règlement communal, les dispositions en cause ne sont pas incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 190 de la Constitution.
Habilitation au pouvoir exécutif
B.20. En tant qu'elles ont trait à la publication des normes au sens large, les dispositions en cause portent sur une matière que l'article 190 de la Constitution réserve au législateur. Cette disposition constitutionnelle n'empêche toutefois pas que la forme de la publication fasse l'objet d'une habilitation au pouvoir exécutif, pour autant que celle-ci soit décrite de manière suffisamment précise et porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été préalablement établis par le pouvoir législatif.
B.21. En l'espèce, aux termes des articles 114 de la Nouvelle loi communale et L1133-2 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation, l'habilitation ne porte pas sur le mode de publication par affichage en tant que tel, mais sur la manière dont la preuve de cet affichage doit être apportée.
B.22. Étant donné que le législateur fédéral et le législateur décrétal wallon ont chacun prévu que le mode de publication doit être un affichage et que la preuve de celui-ci doit être apportée au moyen d'une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet, ils ont réglé eux-mêmes les éléments essentiels de la forme de la publication. Les délégations ne portent que sur la forme de l'annotation dans le registre.
B.23. Contrairement à ce que certaines parties soutiennent, et conformément à ce qui est dit en B.12.3, la forme de l'annotation dans le registre n'emporte aucune conséquence sur la régularité d'une norme communale publiée par affichage. En ce qui concerne l'inopposabilité éventuelle du règlement dont la publication n'a pas été constatée dans le respect des dispositions prises en vertu de l'habilitation à l'exécutif, elle doit être considérée comme une conséquence de l'absence de preuve de la publication et ne doit pas être confondue avec la nullité de l'acte. De plus, cette inopposabilité découle principalement des dispositions en cause, qui consacrent l'annotation comme seul mode de preuve de la publication des règlements et ordonnances communaux, et non de l'habilitation ou des dispositions réglementaires. Or, pour les motifs mentionnés en B.15 à B.19, cette exclusivité probatoire n'est pas incompatible avec la Constitution. Dès lors, l'habilitation conférée au pouvoir exécutif n'emporte pas d'effets manifestement disproportionnés.
B.24. Il découle de ce qui précède que les législateurs ont déterminé les éléments essentiels des mesures dont l'exécution au pouvoir exécutif et que, partant, ces habilitations ne sont pas contraires au principe de légalité contenu dans l'article 190 de la Constitution.
B.25. La Cour est également interrogée sur la compatibilité de l'habilitation contenue dans les dispositions en cause, lorsqu'elle vise les règlements-taxes communaux, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 170 de la Constitution.
B.26. L'article 170, § 4, dispose :
« Aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l'agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil.
La loi détermine, relativement aux impositions visées à l'alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée ».
B.27. La matière fiscale est une compétence que la Constitution réserve à la loi, le législateur étant tenu de déterminer les éléments essentiels de l'impôt. Font partie des éléments essentiels de l'impôt, la désignation des contribuables, la matière imposable, la base d'imposition, le taux d'imposition et les éventuelles exonérations d'impôt.
B.28. L'habilitation contenue dans les dispositions en cause ne permet aucunement qu'un règlement-taxe communal soit adopté par une autorité autre que le conseil communal.
B.29. Au surplus, la forme de l'annotation dans le registre de la publication des règlements-taxes communaux, même si elle peut avoir des effets sur la preuve de la publication et l'opposabilité desdits règlements, ne fait pas partie des éléments essentiels de l'impôt mentionnés en B.27.
B.30. Dès lors, les dispositions en cause ne sont pas contraires au principe de légalité contenu dans l'article 170 de la Constitution.
B.31. L'examen des dispositions en cause au regard des articles 33, 105, 108, 159, 162, 172 et 191 de la Constitution, au sujet desquels ni les juges a quo ni les parties n'exposent en quoi ils seraient violés, ne conduit pas à une autre conclusion.
Quant à la deuxième question préjudicielle
B.32. La Cour est interrogée sur la différence de traitement qui serait créée par les dispositions en cause entre d'une part, les communes qui respectent l'arrêté royal du 14 octobre 1991 et, d'autre part, celles qui ne respectent pas cet arrêté royal.
B.33. La différence de traitement précitée ne résulte pas du texte des dispositions en cause, qui imposent les mêmes obligations à toutes les communes concernées, mais du respect, ou non, par certaines communes, de l'arrêté royal du 14 octobre 1991. Dès lors, la question préjudicielle ne relève pas de la compétence de la Cour.
B.34. La deuxième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.
Quant à la troisième question préjudicielle
B.35. La Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des dispositions en cause notamment avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 190 de la Constitution, en ce qu'elles font dépendre l'acquisition de la force obligatoire des règlements et ordonnances communaux de leur publication par affichage mais également de l'annotation dans le registre, alors que les actes des autres autorités acquièrent leur force obligatoire par la seule publication.
B.36.1. La question préjudicielle part du postulat qu'une norme communale acquiert sa force obligatoire par la conjonction de deux conditions, à savoir la publication proprement dite et l'annotation, alors que les autres normes, dont la publication a lieu dans un journal officiel, ne supposent aucune autre formalité.
B.36.2. Aux termes de l'article 114 de la Nouvelle loi communale et de l'article L1133-2 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation, les règlements et ordonnances communaux acquièrent leur force obligatoire exclusivement par le biais de la publication par affichage, à savoir le cinquième jour qui suit le jour de leur publication par cette voie. Aucune autre condition n'est requise.
L'annotation dans le registre spécialement tenu à cet effet constitue le mode de preuve de cet affichage, notamment devant un tribunal. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation mentionnée en B.12.3, le non-respect des règles relatives à la forme de l'annotation dans le registre entraîne l'absence de preuve quant à l'affichage et, par conséquent, l'inopposabilité du règlement communal.
La publication dans un journal officiel est, de la même façon, la seule condition de la force obligatoire des normes publiées par ce biais. La seule circonstance que la preuve de l'existence de la publication au journal officiel est plus aisée à apporter ne signifie pas que ce type de publication n'est soumise à aucun régime probatoire.
B.36.3. En ce qu'elle considère que la force obligatoire des règlements et ordonnances communaux en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne dépend d'une double condition de publication et d'annotation, la question préjudicielle part d'une prémisse erronée. La différence de traitement qui y est décrite est dès lors inexistante.
B.37. La troisième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.
Quant à la quatrième question préjudicielle
B.38. La Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 190 de la Constitution, en ce qu'elles font dépendre l'acquisition de la force obligatoire des règlements et ordonnances communaux de leur publication par affichage mais également de l'annotation dans le registre, alors que les actes des autorités provinciales acquièrent leur force obligatoire par la seule publication dans le Bulletin provincial.
B.39. Pour les motifs mentionnés en B.36.1 à B.36.3, la question préjudicielle part d'une prémisse erronée. La différence de traitement qui y est décrite est dès lors inexistante.
B.40. La quatrième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.
Décision
Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
1. Les articles 112 et 114 de la Nouvelle loi communale et les articles L1133-1 et L1133-2 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 170 et 190 de la Constitution.
2. Les deuxième, troisième et quatrième questions préjudicielles n'appellent pas de réponse.
NDLR : COMMUNIQUÉ DE PRESSE