Rapport au Gouvernement
Objet : COVID-19
Arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 68 insérant un article 47/17bis dans le Code wallon de l'Action sociale et de la Santé relatif à la vaccination pour adultes contre la COVID-19
La COVID-19 continue à circuler sur le territoire européen et belge et le nombre total de contaminations continue à augmenter. Si une évolution favorable a permis de limiter les restrictions générales imposées à la population, certaines d'entre-elles demeurent et la COVID-19 constitue toujours un risque sanitaire majeur, présentant un caractère exceptionnel et inédit.
Il est d'une importance vitale pour la santé publique et pour éviter une résurgence de la pandémie liée au COVID-19, que les mesures nécessaires en matière de vaccination puissent être prises. A cet effet, la Conférence interministérielle santé a pris un certain nombre de décisions notamment en matière de vaccination et plus spécifiquement sur l'enregistrement des vaccinations contre la COVID-19.
Une disposition en matière de programmes de médecine préventive existe au niveau de l'article 47/17 du Code wallon de l'action sociale et de la santé.
Cependant, cet article n'envisage que la possibilité de passer par un centre d'opérationnalisation en médecine préventive afin de piloter un programme de médecine préventive. Or, il est nécessaire que le programme de vaccination pour adultes contre la COVID-19 puisse être géré par une autre structure désignée par le Gouvernement et décliné en urgence via un protocole de mise en oeuvre d'un programme de vaccination spécifique vu la pandémie mondiale.
Le présent projet d'arrêté de pouvoirs spéciaux permet d'ajouter un article 47/17bis au Code wallon de l'Action sociale et de la Santé. Cette disposition précise que le Gouvernement adopte un protocole de mise en oeuvre d'un programme de vaccination à vocation régionale pour les adultes contre la COVID-19.
Les critères relatifs aux publics cibles et aspects financiers sont établis en concertation avec les autres entités et l'autorité fédérale compte tenu du caractère pandémique.
Ce protocole est proposé par l'AViQ et la Cellule COVID-19, pour ensuite être validé par le Gouvernement. A défaut d'une telle proposition dans un délai raisonnable, le Gouvernement adopte un tel protocole sur avis de ces deux instances. En effet, au regard de l'avis n° 68.435/4 du Conseil d'état, rendu le du 14 décembre 2020, il convient de ne pas faire dépendre l'exécution d'une norme de la volonté de ces deux instances tout en privilégiant la possibilité pour celles-ci de soumettre une proposition adéquate au regard du contexte inédit dans lequel s'inscrit ce programme de vaccination.
Ce véhicule permet la flexibilité nécessaire dans l'hypothèse d'une nécessaire adaptation du programme de vaccination, notamment en raison de l'évolution de l'épidémie, des connaissances scientifiques relatives aux vaccins contre la COVID-19, de leurs caractéristiques et de leurs disponibilités. Il est également prévu que ce protocole puisse être scindé afin de mettre en oeuvre le plus rapidement possible chacune des phases de la vaccination.
Conseil d'Etat
Section de législation
Avis 68.435/4 du 14 décembre 2020 sur un projet d'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° XXX `insérant un article 47/17bis dans le Code wallon de l'Action sociale et de la Santé relatif à la vaccination pour adultes contre la COVID-19'
Le 7 décembre 2020, le Conseil d'Etat, section de législation, a été invité par la Vice-Présidente et Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes de la Région wallonne à communiquer un avis, dans un délai de cinq jours ouvrables, sur un projet d'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° XXX `insérant un article 47/17bis dans le Code wallon de l'Action sociale et de la Santé relatif à la vaccination pour adultes contre la COVID-19'.
Le projet a été examiné par la quatrième chambre le 14 décembre 2020. La chambre était composée de Martine Baguet, président de chambre, Luc Cambier et Bernard Blero, conseillers d'Etat, et Charles-Henri Van Hove, greffier assumé.
Le rapport a été présenté par Xavier Delgrange, premier auditeur chef de section.
L'avis, dont le texte suit, a été donné le 14 décembre 2020.
Suivant l'article 84, § 1er, alinéa 1er, 3°, des lois `sur le Conseil d'Etat', coordonnées le 12 janvier 1973, la demande d'avis doit spécialement indiquer les motifs qui en justifient le caractère urgent.
La lettre s'exprime en ces termes :
« Vu l'urgence motivée par le contexte de crise sanitaire et l'importance vitale pour la santé publique et pour éviter une résurgence de la pandémie liée au COVID-19, que les mesures nécessaires en matière des vaccinations puissent être prises ;
Considérant les concertations entre les Gouvernements des entités fédérées et les autorités fédérales compétentes au sein du Conseil national de sécurité qui se réunit depuis début mars 2020 ;
Considérant l'article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui consacre le principe de précaution dans le cadre de la gestion d'une crise sanitaire internationale et de la préparation active à la potentialité de ces crises ; que ce principe implique que lorsqu'un risque grave présente une forte probabilité de se réaliser, il revient aux autorités publiques d'adopter des mesures urgentes et provisoires ;
Considérant la déclaration de l'OMS sur les caractéristiques du coronavirus COVID-19, en particulier sur sa forte contagiosité et son risque de mortalité ;
Considérant la qualification par l'OMS du coronavirus COVID-19 comme une pandémie en date du 11 mars 2020 ;
Considérant que, en date du 16 mars 2020, l'OMS a relevé à son degré maximum le niveau de la menace liée au coronavirus COVID-19 qui déstabilise l'économie mondiale et se propage rapidement à travers le monde ;
Considérant la propagation du coronavirus COVID-19 sur le territoire européen et en Belgique ;
Considérant l'urgence et le risque sanitaire que présente le coronavirus COVID-19 pour la population belge ;
Considérant qu'il est nécessaire, afin de ralentir et limiter la propagation du virus, d'ordonner immédiatement les mesures préconisées qui s'avèrent indispensables sur le plan de la santé publique ;
Considérant que le danger s'étend au territoire de l'ensemble du pays ; qu'il est dans l'intérêt général qu'il existe une cohérence dans la prise des mesures pour maintenir l'ordre public, afin de maximiser leur efficacité ;
Considérant, dès lors, que les conséquences directes ou indirectes de la crise nécessitent une gestion et une réponse rapide au niveau régional ;
Considérant que la COVID-19 continue à circuler sur le territoire européen et belge ;
Considérant que si une évolution favorable a permis de limiter les restrictions générales imposées à la population, certaines d'entre elles demeurent et la COVID-19 constitue toujours un risque sanitaire majeur, présentant un caractère exceptionnel et inédit ;
Considérant qu'il est d'une importance vitale pour la santé publique et pour éviter une résurgence de la pandémie liée au COVID-19, que les mesures nécessaires en matière de vaccination puissent être prises ;
Considérant qu'il est prévu que la vaccination de la population adulte contre la COVID-19 débutera dès le début de l'année 2021 ;
Considérant que l'urgence est justifiée ».
Comme la demande d'avis est introduite sur la base de l'article 84, § 1er, alinéa 1er, 3° , des lois `sur le Conseil d'Etat', coordonnées le 12 janvier 1973, la section de législation limite son examen au fondement juridique du projet, à la compétence de l'auteur de l'acte ainsi qu'à l'accomplissement des formalités préalables, conformément à l'article 84, § 3, des lois coordonnées précitées.
Sur ces trois points, le projet appelle les observations suivantes.
OBSERVATION PREALABLE
Il est suggéré, même si l'article 3bis, § 1er, des lois coordonnées `sur le Conseil d'Etat' ne l'impose pas formellement, qu'un rapport au Gouvernement exposant la portée et les implications concrètes de l'arrêté soit publié en même temps que ce dernier, accompagné par le présent avis.
OBSERVATIONS GENERALES
1. L'arrêté de pouvoirs spéciaux en projet prévoit que le protocole définit et détaille notamment les « processus liés à l'échange de données ».
Interrogée quant à la question de savoir si les données dont question sont des données personnelles qui devraient être déterminées, dans le respect de l'article 22 de la Constitution, par une norme législative soumise à l'avis de l'Autorité de protection des données, la déléguée de la Ministre a répondu :
« Ne sont pas visées ici des données à caractère personnel. Il s'agit par exemple d'informations relatives à la planification en matière de vaccination ».
Dans cette mesure, l'avis de l'Autorité de protection des données n'est pas requis.
2. La matière de la vaccination pour adulte relève de la protection de la santé visée à l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution.
La section de législation a déjà eu l'occasion de rappeler (1)
« [...]
Il importe [...] de ne pas priver d'effet utile la distinction qu'opère la Constitution entre les matières qui ne sont pas réservées au législateur et pour lesquelles il appartient à celui-ci de décider s'il règle la matière lui-même ou s'il la confie au pouvoir exécutif, en application de l'article 105 de la Constitution pour ce qui concerne l'autorité fédérale et de l'article 78 de la loi spéciale du 8 aout 1980 pour ce qui concerne les entités fédérées (2)(3), et les matières constitutionnellement réservées au législateur, pour lesquelles le même choix ne peut revenir dans les mêmes termes au législateur. Compte tenu de la nécessité de donner un effet utile à la distinction que la Constitution établit entre les matières réservées au législateur et les matières non réservées, la section de législation est d'avis que l'obligation de déterminer l'objet des mesures sur lesquelles la délégation porte dans une matière réservée au législateur par l'article 23 de la Constitution implique qu'il appartient à celui-ci d'encadrer les délégations qu'il accorde au pouvoir exécutif en réglant lui-même à suffisance les éléments suivants : la portée, les conditions d'octroi et le champ d'application personnel des droits visés à l'article 23 de la Constitution ».
Le projet d'arrêté de pouvoirs spéciaux sera dès lors complété de manière à prévoir à tout le moins les critères de détermination des groupes cibles parmi les adultes qui sont les destinataires du programme de vaccination et les conditions financières d'accès des adultes concernés par ce programme.
3. La disposition en projet charge le Gouvernement d'adopter un « protocole ». Invitée à préciser quelle forme juridique prendra ce protocole, la déléguée de la Ministre a répondu
« Il est envisagé de l'adopter sur base d'une décision du Gouvernement wallon ».
S'agissant de l'exécution d'un arrêté de pouvoirs spéciaux, la forme que doit prendre cette exécution, en vertu de l'article 20 de la loi spéciale du 8 aout 1980 `de réformes institutionnelles', est un arrêté du Gouvernement wallon.
Par ailleurs, il ne convient pas de prévoir que l'arrêté sera pris « sur proposition » de l'Agence et de la Cellule visée à l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon du 21 octobre 2020 `portant création d'une Cellule wallonne COVID-19', puisque cela revient à faire dépendre l'exécution d'une norme de la volonté de ces agence et cellule, ce qui est contraire à l'article 20 de la loi spéciale du 8 aout 1980. Dès lors que les auteurs du projet souhaitent associer l'Agence et la Cellule à ce pouvoir d'exécution, il convient d'y procéder en leur attribuant une compétence consultative, ce qui implique de remplacer le mécanisme de proposition envisagé par la règle selon laquelle le Gouvernement adopte l'arrêté envisagé sur avis de ces organes (4).
Le Greffier,
Charles-Henri Van Hove
Le Président,
Martine Baguet
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Notes
(1) Avis n° 63.964/4/VR donné le 16 octobre 2018 sur l'avant-projet devenu l'ordonnance du 25 avril 2019 `relative au patrimoine culturel mobilier et immatériel de la Région de Bruxelles-Capitale' Doc. parl., Parl. Rég. Brux-Cap., 2018-2019, n° A/813/1, pp. 64 à 90, http://www.raadvst-consetat.be/dbx/avis/63964.pdf, observation générale III, rappelé notamment dans l'avis n° 68.163/4 donné le 12 novembre 2020 sur un avant-projet, devenu projet de décret de la Région wallonne `relatif aux subventions octroyées à certains investissements en matière d'infrastructures sportives et abrogeant le décret du 25 février 1999 relatif aux subventions octroyées à certains investissements en matière d'infrastructures sportives', Doc. parl., Parl. wall., 2020-2021, n° 352/1, pp. 18 à 23, http://www.raadvst-consetat.be/dbx/avis/68.163.pdf et dans l'avis n° 68.229/2 donné le 5 novembre 2020 sur un avant-projet, devenu projet de décret-programme de la Communauté française `portant diverses mesures visant à faire face aux conséquences de la crise du Coronavirus, aux bâtiments scolaires, aux fonds budgétaires, au fonds écureuil, à WBE, à la Santé, aux Médias, à l'Education permanente, aux bourses d'étude, à la Recherche scientifique, et à l'Enseignement obligatoire', Doc. parl., Parl. Com. fr., 2020-2021, n° 147/1, pp. 64 à 91, http://www.raadvst-consetat.be/dbx/avis/68.229.pdf.
(2) Note de bas de page n° 47 de l'avis cité : L'article 38 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 `relative aux institutions bruxelloises' rend l'article 78 de la loi spéciale du 8 aout 1980 applicable au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale.
(3) Note de bas de page n° 48 de l'avis cité : Comme la Cour constitutionnelle l'a rappelé à diverses reprises, « [d]ans les matières que la Constitution ne réserve pas à la loi, il appartient, en principe, au législateur de décider s'il règle lui-même ces matières ou si, au contraire, il confie au pouvoir exécutif le soin d'établir une réglementation. En principe, il appartient également au législateur de décider si, dans ces matières, une telle habilitation du pouvoir exécutif doit être soumise ou non à des restrictions » (C.C., 8 mars 2012, n° 36/2012, B.6.1). Voir également, dans le même sens : C.C., 18 juillet 2013, n° 107/2013, B.10.2 ; 11 juin 2015, n° 86/2015, B.8 ; 28 avril 2016, n° 56/2016, B.14.4 ; 28 avril 2016, n° 57/2016, B.24.
(4) Voir en ce sens, par exemple, l'avis n° 47.155/2 donné 16 septembre 2009 sur un avant-projet devenu la loi du 30 mars 2011 `modifiant la loi du 15 avril 1994 relative à la protection de la population et de l'environnement contre les dangers résultant des rayonnements ionisants et relative à l'Agence fédérale de Contrôle nucléaire et modifiant la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité', Doc. parl., Chambre, 2009-2010, n° 2572/1, pp. 23 à 31, http://www.raadvst-consetat.be/dbx/avis/47155.pdf.